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Actualités - ANALYSES

Pas d’éclaircie économique sans détente politique

Les professionnels de tous crins s’en disent convaincus : on n’est pas au Japon. Cette apparente lapalissade géographique signifie qu’ici on ne peut pas, comme là-bas, dissocier le volet économique du domaine politique et prospérer alors que les querelles de clocher font rage. Pour ce pays, tout est dans tout et réciproquement. Il est impossible de combattre la récession sans un minimum de confiance dans les rouages publics. Et sans un minimum de conscience, pour ne pas dire de décence, de la part de la caste politique, tous éléments confondus. Les tiraillements actuels, s’ils n’aggravent pas le marasme, entravent néanmoins la relance. Mille et une controverses alimentent la chronique. Dès qu’un thème est dépassé, dès qu’un dossier semble clos, de nouveaux sujets de disputes, opposant une palette infiniment variée de protagonistes, fleurissent. Et quand les conflits n’éclatent pas au grand jour, de bonnes langues s’ingénient à répandre dans les salons les bruits les plus agaçants. En jouant par exemple sur la sourde rivalité qui dresserait derechef les présidences l’une contre l’autre. Est-il besoin de le dire, une rumeur de ce genre suffit à elle seule pour empoisonner tout le climat politique. Car si les principaux intéressés protestent en chœur de la bonne harmonie qui régit leurs rapports, leurs troupes, proches ou lointaines, ne manquent pas de s’étriper en coulisses, parfois même ouvertement. Et l’on se retrouve finalement avec une lutte d’influence aussi réelle que surréaliste, dans la mesure où les camps s’empoignent alors que les chefs fraternisent. Devant cette désintégration larvée du pays politique, des voix sages s’élèvent, au-dehors comme à l’intérieur, pour conseiller la détente et l’unification des rangs. Plus nécessaires que jamais alors que les nuages s’amoncellent à l’horizon régional et que le pays économique s’en va, lui, à vau-l’eau. – Les dirigeants des organismes économiques, tout en suppliant les politiques de calmer le jeu, s’efforcent pour leur part, en prévision du débat budgétaire, de faire œuvre utile. En préparant, chacun dans son domaine, tout un train d’études techniques détaillées, pour les soumettre aux autorités de décision. Ils multiplient de même les concertations en circuit fermé, pour éviter les conflits d’intérêts. On sait en effet que ce qui est bon pour le commerce ne l’est pas forcément pour l’industrie ou l’agriculture. Et il s’agit donc pour les organismes économiques de se consulter pour produire un programme d’ensemble solide et cohérent, sans couacs. Sur un plan général, les pôles économiques se sont pratiquement tous mis d’accord pour apporter au pouvoir en place un soutien sans faille. Afin de l’encourager de la sorte à promouvoir lui-même la détente politique. Et, sans doute, afin de le porter également à examiner favorablement les demandes ou les doléances du monde économique et financier. On note ainsi des appels réitérés du président de l’association des industriels, M. Jacques Sarraf, en faveur d’un large contrat social qu’il baptise volontiers du doux nom de «Taëf économique». Une référence peut-être contestable, si l’on considère les résultats obtenus par le Taëf politique, mais qu’il faut comprendre comme un appel à une entente en profondeur pour sauver le pays économique qui se noie. Et le pays tout court. M. Sarraf précise que techniquement, un accord économique bien étudié et bien détaillé s’impose car les mesures de nature purement politiques ne suffisent pas. Ni pour redorer le blason extérieur du pays ni pour assurer sa stabilité intérieure. M. Sarraf ne manque donc pas de souligner que le mot-clé reste la confiance. Il ajoute que le «Taëf économique» doit être solidement épaulé par une campagne diplomatique intensifiée. Et il suggère à ce propos qu’en sus des démarches effectuées dans de multiples capitales par le président du Conseil, les ministres d’État soient plus particulièrement mis à contribution pour des voyages similaires. Une idée séduisante dans la mesure où, à l’exception de M. Fouad es-Saad qui est chargé de la réforme administrative, les sept membres du Cabinet sans portefeuille ne se sont encore vu confier aucune mission précise, aucun dossier. Pour l’occasion, ils recevraient une accréditation en tant que responsables des relations économiques ou commerciales extérieures. Et s’envoleraient à tour de rôle ou en essaim pour diverses destinations attirantes, comme les pays d’accueil de nos riches émigrés. Lesquels, on ne le sait que trop, se font toujours tirer l’oreille pour investir dans la mère-patrie, comme le prouve l’échec de la souscription aux bons du Trésor qui leur a été spécialement réservée, il y a deux ou trois ans. M. Sarraf enchaîne en relevant qu’en se dépensant pour redresser la barre, en s’appuyant sur la campagne de promotion ciblant les capitaux étrangers, le gouvernement libanais pourrait plus facilement se passer des assistances d’autres États. Qui eux aussi, on ne le sait également que trop, se font tirer l’oreille ou plutôt font la sourde oreille aux appels d’un Liban qui ne donne toujours pas de gages suffisants de stabilité, frontalière ou politique. Toujours est-il que le président de l’association des industriels prône pour sa part une coopération étroite entre le secteur privé et le secteur public, en soulignant que la césure entre eux ne fait qu’aggraver la situation économique. Il conclut en rappelant la priorité absolue de ce domaine, pour lequel il faut disposer d’une plate-forme politique stable, valable et positive. Signalons enfin que localement des hommes d’affaires souhaitent qu’à la lumière de ses propres efforts à l’extérieur, le chef du gouvernement élabore un programme transformant le Liban en véritable paradis fiscal, pour attirer les capitaux étrangers. Mais d’autres professionnels répètent que les facilités fiscales ne servent à rien si la confiance, la stabilité, et une administration fiable n’existent pas.
Les professionnels de tous crins s’en disent convaincus : on n’est pas au Japon. Cette apparente lapalissade géographique signifie qu’ici on ne peut pas, comme là-bas, dissocier le volet économique du domaine politique et prospérer alors que les querelles de clocher font rage. Pour ce pays, tout est dans tout et réciproquement. Il est impossible de combattre la récession...