Une étape majeure dans l’évolution - politique locale

À tort ou à raison, l’Est accorde au document de Kornet Chehwane une dimension historique. D’ailleurs, certains pôles modérés de l’Ouest ne sont pas loin de partager cet avis. En estimant que le pays est désormais doté d’un instrument de travail adéquat pour se refaire une santé sur le plan politique. Oubliant un peu la parenthèse unificatrice de 1992, un centriste relève que «c’est la première fois depuis le Front libanais créé en 1975 que les formations et les leaderships diversifiés de l’éventail chrétien libanais, les périphériques compris, se rassemblent autour d’un projet commun. C’est aussi la première fois que les points sont mis sur tous les i ou presque. De façon à faire taire les parties qui ont tendance à classer toute revendication d’ordre national au chapitre des félonies ou de la trahison pure et simple. Le schéma est clair : toute action se fera à l’ombre de la légalité. C’est-à-dire de Taëf, d’autant qu’il s’agit justement d’en obtenir l’application complète ou corrigée. Une délégation devrait se rendre à Baabda pour bien marquer ce point. Tout en suivant l’orientation tracée par Bkerké qui pense également qu’il appartient au régime d’initier un dialogue national». Une autre source, sans doute un peu plus à droite, indique cependant que la rencontre chrétienne entend entamer elle-même des contacts élargis sur la scène locale. En exprimant le souhait que le camp mahométan de son côté s’unisse et se réunisse pour élaborer son propre document de travail, en vue d’un dialogue aussi général que cohérent. Cette même personnalité pense toutefois que l’Ouest n’est pas vraiment en mesure d’accorder ses violons ou d’engager des échanges nationaux positifs. Car des pressions seraient exercées pour empêcher les Libanais de s’entendre. Surtout au sujet de la présence syrienne, militaire ou socio-politique. Il n’en demeure pas moins que pour sa propre part M. Walid Joumblatt a de suite approuvé la démarche de Kornet Chehwane en tant que premier pas vers le dialogue entre les composantes du pays politique. Restent quelques détails qui suscitent des interrogations au niveau de la rue. Pourquoi le Bloc national n’a-t-il pas cosigné le manifeste de Kornet Chehwane ? Le secrétaire général de cette formation, M. Antoine Klimos répond que c’est pour une raison de principe. Le BN ayant pris ses distances par rapport aux accords de Taëf comme par rapport à la présence syrienne, ne veut pas paraître y souscrire. D’autant qu’à son avis, ce n’est pas en se rabattant sur Taëf que l’on pourrait obtenir le retrait syrien. Cependant M. Klimos se hâte de préciser que son parti ne se désolidarise pas des participants à la rencontre. Et le courant aouniste ? C’est à peu près la même chose, puisqu’il ne reconnaît pas Taëf. Avec cette raison en plus : il n’est pas question de traiter avec un pouvoir aux mains liées et qui sévit contre les aounistes. Qui à leur tour répètent qu’ils sont fortement solidaires des revendications indépendantistes de l’Est. On peut dès lors estimer que le manifeste représente effectivement l’ensemble de la rue chrétienne, nonobstant certaines nuances par rapport à tel ou tel élément. Il convient de signaler que le mouvement enregistré est appelé à faire des petits, en quelque sorte. Ainsi MM. Nassib Lahoud, Nadim Salem, Camille Ziadé et Michel Samaha comptent publier sous peu un projet commun. Tout comme MM. Farès Boueiz, Assaad Hardane et Neemetallah Abinasr, au nom des personnalités qui ont participé dernièrement aux assises organisées par M. Élias Murr. De son côté M. Sleiman Frangié prépare un document à part. Le tout verse cependant dans le sens du dialogue national.