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Actualités - CHRONOLOGIES

Vie politique - Sfeir a donné sa bénédiction au document de Kornet Chehwane - Les assises chrétiennes prennent le relais de Bkerké

Les assises de Kornet Chehwane, regroupant un vaste spectre de la classe politique chrétienne du pays, ont débouché hier, pour la première fois depuis de longues années, sur l’adoption d’un document commun qui, pour être modéré dans le ton et la forme, n’en demeure pas moins ferme et ambitieux quant aux objectifs proclamés. L’importance de ce mémorandum, qui résume les principales revendications de l’opposition chrétienne, réside dans le fait qu’il a regroupé autour de lui tant des formations et des courants chrétiens traditionnels écartés depuis longtemps du pouvoir que des députés «taëfistes» connus pour leur modération et leur prudence. En outre, souligne-t-on dans les milieux politiques, ce document constitue un plan d’action politique permettant à ses signataires de prendre le relais de Bkerké, ou du moins de traduire dans la réalité politique le combat mené par le patriarche maronite pour le recouvrement de la souveraineté. Les participants aux assises de Kornet Chehwane se sont rendus à midi à Bkerké pour présenter leur document de travail au patriarche et discuter de sa teneur avec lui. Le texte n’a été toutefois rendu public que lorsqu’il a été approuvé par le prélat et c’est l’évêque Youssef Béchara qui en a donné lecture devant un parterre de journalistes. Il faut toutefois préciser que des trente participants aux réunions de Kornet Chehwane, 27 seulement ont cosigné le document de travail. Le CPL, représenté par MM. Youssef Saadallah Khoury et Sami Nader, et le Bloc national, représenté par son secrétaire général Antoine Klimos, n’ont pas voulu le parapher pour des questions de principe. Les autres signataires sont : l’ancien président Amine Gemayel, Nayla Moawad, Nassib Lahoud, Boutros Harb, Élias Skaf, Farès Souhaid, Mansour Ghanem el-Bone, Antoine Ghanem (Kataëb), Salah Honein et Pierre Gemayel (Kataëb), ainsi que MM. Dory Chamoun (PNL), Michel Khoury, ancien gouverneur de la Banque du Liban, Toufic Hindi (FL), Chakib Cortbaoui (BN), Harès Chehab (Ligue maronite), Camille Ziadé, ancien député du Kesrouan, Nadim Salem, ancien député de Jezzine, Gebrane Tuéni, PDG d’An-Nahar, Farid el-Khazen, professeur d’université et politologue, Simon Karam, ancien ambassadeur du Liban aux États-Unis, Samir Frangié (politologue), Samir Abdel Malak (BN), Élias Abou Assi (PNL), Élie Karamé (Kataëb), Sélim Salhab (BN) et Jad Nehmé (bureau politique Kataëb). Les différents courants du parti Kataëb sont ainsi représentés aux assises de Kornet Chehwane qui constituent, selon des sources concordantes, la réunion chrétienne la plus élargie depuis Taëf. De mêmes sources, on souligne que la variété de courants politiques et le nombre de personnalités indépendantes représentés à Kornet Chehwane donnent plus de poids au document entériné à Bkerké dont les prises de position ont inspiré, comme on sait, le texte. C’est ce que Mgr Béchara a annoncé en soulignant que les participants aux assises de Kornet Chehwane ont «affirmé leur soutien à l’ensemble des positions et des orientations du patriarche, notamment en ce qui concerne la question de l’indépendance, de la souveraineté et de la liberté de décision du Liban, ainsi que leur volonté de poursuivre le dialogue avec toutes les parties libanaises». De mêmes sources, on a indiqué que les auteurs du document comptent former un comité qui se chargera d’établir des contacts, non seulement avec l’État, mais également avec les parties islamiques et peut-être même avec les Syriens. Mgr Béchara a ensuite indiqué que le groupe a assuré le patriarche de la solidarité de ses membres et de leur détermination à poursuivre l’action qu’ils ont déclenchée à Kornet Chehwane, en vue d’atteindre les objectifs fixés. Selon les mêmes sources, le patriarche a encouragé ses interlocuteurs à multiplier les ateliers de travail et a insisté sur l’importance du dialogue «qui reste le plus important» et de la coexistence «grâce à laquelle ce pays existe toujours», leur a-t-il dit, en soulignant que les assises de Kornet Chehwane doivent rester «ouvertes à tous». Pour « un règlement historique » avec la Syrie Voici une traduction quasi intégrale du texte du mémorandum de Kornet Chehwane : «La peur des Libanais pour leur avenir est aussi forte aujourd’hui qu’elle ne l’était durant la guerre. Les causes de cette inquiétude constante résident dans le fait qu’un certain nombre de questions essentielles, qui constituent des menaces pour leur avenir, sont demeurées sans solution. Ce sont d’abord : 1- Une réconciliation nationale globale inachevée. Cette réconciliation est le vrai prélude à l’entente, au renforcement de l’unité nationale, au recouvrement de l’autorité de l’État et à la confiance des citoyens dans cet État. 2- Une crise économique qui a pris une ampleur grave et face à laquelle les gouvernements successifs ont échoué. Ces échecs aggravent la crise sociale et conduisent à une émigration rampante qui vide le pays de sa jeunesse et de ses forces vives. 3- Une situation régionale aux risques accrus pour le Liban après l’avènement d’Ariel Sharon au pouvoir et l’arrêt des négociations de paix. Cet arrêt est dû au non-respect par Israël des fondements du processus de paix, à la guerre totale déclenchée contre les Palestiniens dans le but de mettre un terme à l’intifada – une guerre qui fait planer la menace d’une tragédie comme celle de 1948 – et aussi à la mise en application des menaces israéliennes à l’encontre du Liban et de la Syrie et à la pousuite de l’occupation des fermes de Chebaa. 4- Enfin, l’absence d’un dialogue national autour de questions primordiales qui constituent des fondements de tout contrat national, et cela au moment où l’État bloque les mécanismes de recouvrement de la souveraineté nationale». Sur base de ce qui précède, nous, signataires de ce document, appelons les Libanais à un dialogue urgent pour discuter des moyens susceptibles de faire face aux dangers qui menacent notre avenir et de consolider notre unité nationale, l’État devant de son côté assumer ses responsabilités dans ce domaine. Nous lançons cet appel en nous fondant sur les principes de base suivants : – Le Liban est «une patrie définitive pour tous ses fils». Il n’est pas un État artificiel ni tout simplement «un théâtre» ou «une carte de pression». À ce titre, il a entièrement droit à l’indépendance, la souveraineté et la liberté de décision, à l’instar de tous les autres États du monde. Tant que ces prérogatives demeureront entachées, le Liban ne parviendra pas à vaincre les crises qu’il traverse. – Le dialogue est l’option la plus saine, voire l’unique moyen de régler les divergences entre les Libanais quelle que soit leur ampleur, et non la violence, sous quelque justification que ce soit. Dialoguer signifie en premier lieu reconnaître l’autre, vivre en interaction avec lui, accepter les différences d’opinion et ne pas prétendre détenir la vérité exclusive. Nous avons assisté dernièrement à un certain nombre de manifestations montées de toutes pièces et contraires à la logique de dialogue. Ces manifestations n’expriment pas la réalité des relations entre chrétiens et musulmans. Elles ne sont que des tentatives désespérées de faire croire que le pays risque de manière permanente de sombrer dans la guerre, d’où la nécessité d’une tutelle. – Les réformes qui ont été adoptées en 1990 et qui sont devenues partie intégrante de la Constitution sont définitives. Elles ont été introduites pour répondre à la demande de participation effective au pouvoir. La philosophie de ces réformes est de nature à mettre un terme à la logique de dualité confessionnelle, et à celle qui consiste à puiser sa force de l’extérieur pour pouvoir compter les acquis à l’intérieur. – L’État, que les Libanais souhaitent fondé sur la participation, n’est pas un domaine ouvert aux abus et au partage du gâteau. C’est un État capable de parrainer la coexistence, de la protéger et de la moderniser, à même d’organiser les affaires de ses citoyens, et reposant sur une administration moderne libérée des contraintes communautaires et fondée sur la compétence et la transparence. Une administration au sein de laquelle les appareils de contrôle jouissent d’une large immunité. Tout cela doit être fait à l’ombre d’un pouvoir judiciaire indépendant. – Israël constitue la principale source de danger pour le peuple et pour le territoire. Le succès de la résistance, forte d’un soutien national et populaire, dans la libération du sol, est une preuve supplémentaire de la capacité du Liban et des Libanais à vivre et à coexister, ainsi que de leur importante contribution à la vie des Arabes. Mais ce succès ne saurait être parachevé que par le retour des institutions de l’État au Liban-Sud libéré, en particulier celui de l’armée, afin de protéger le peuple et la terre mais aussi dans le but de consacrer la récupération du Liban-Sud en tant que partie intégrante de la patrie. – Le maintien des relations libano-syriennes telles qu’elles sont, avec leurs imperfections, est nuisible pour les deux pays, ce qui est rejeté par les Libanais. Ces derniers souhaitent unanimement les meilleurs rapports de fraternité entre les deux pays et la sauvegarde des liens historiques qui les unissent, sans parler de l’amitié et des intérêts communs entre leurs deux peuples. Mais cet objectif ne pourrait être atteint que si le Liban recouvrait son entière indépendance, sa souveraineté et sa liberté de décision. L’équation qui régit les rapports bilatéraux devrait être fondée sur l’alliance de la solidarité la plus forte possible avec les exigences les plus claires de la souveraineté et de l’indépendance. Une telle équation est de nature à ouvrir la voie à un «règlement historique» garantissant la stabilité des deux pays et instaurant des relations de coopération saines et durables. – Les rapports du Liban avec son environnement arabe ne devraient plus être basées sur l’alternative «anéantissement de soi ou inimitié». Le Liban n’a jamais manqué à son rôle en faveur du renouvellement de l’arabité, de son ouverture et de sa modernisation, mais loin de toute politique de satellisation dont il a chèrement payé le prix. L’arabité qu’il défend est celle qui est fondée sur la démocratie, qui prend en compte la variété caractérisant les sociétés arabes et leur pluralité politique (...). Protéger la démocratie À partir de ces principes de base et dans le but de parer aux dangers qui menacent le pays, nous invitons les Libanais à une action commune pour atteindre les objectifs fondamentaux que voici : 1 - Inciter le pouvoir garant de la Constitution à agir pour mettre en application les dispositions de la loi fondamentale et pour recouvrer l’entière souveraineté nationale par le biais de l’application de l’accord de Taëf, notamment pour ce qui est du redéploiement des forces syriennes, en prélude à leur retrait total du Liban, en vertu d’un calendrier précis. 2 - Protéger la démocratie et la réactiver en vertu du principe selon lequel le peuple est la source de tous les pouvoirs, et cela en assurant l’indépendance de la justice et le respect des droits de l’homme, en adoptant une nouvelle loi électorale garantissant l’authenticité de la représentation, en consolidant les libertés publiques et individuelles et en limitant les interventions des services de sécurité dans tous les domaines. 3 - Parachever la réconciliation nationale globale en permettant le retour des exilés et la libération des prisonniers politiques et en ouvrant une nouvelle page dans la vie des Libanais. Cela serait de nature à assainir la vie politique et permettrait de régler la crise économique et de stabiliser le pays. 4 - Soutenir la lutte du peuple palestinien pour qu’il recouvre ses droits légitimes et édifie un État indépendant avec Jérusalem pour capitale et régler la question des réfugiés palestiniens au Liban de manière à empêcher leur implantation, en insistant sur la responsabilité de la communauté internationale et d’Israël dans un règlement juste et global pour cette question. 5 - Travailler à l’élaboration d’un projet arabe de paix juste et global sauvegardant les droits arabes et instituant un ordre régional arabe moderne pouvant constituer un cadre sain pour les relations interarabes, afin de faire face aux défis de la paix et aux exigences de la mondialisation. Tout cela doit être fait par le biais d’une coordination fondée sur l’équité et le respect mutuel entre le Liban, la Syrie et l’ensemble des États arabes.
Les assises de Kornet Chehwane, regroupant un vaste spectre de la classe politique chrétienne du pays, ont débouché hier, pour la première fois depuis de longues années, sur l’adoption d’un document commun qui, pour être modéré dans le ton et la forme, n’en demeure pas moins ferme et ambitieux quant aux objectifs proclamés. L’importance de ce mémorandum, qui résume...