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Actualités - CHRONOLOGIES

Liban-USA - Dernière journée de Hariri à Washington, avant New-York et un entretien avec Kofi Annan - Hariri dans la cour des très grands, mais face aux dures réalités US

La plus belle fille du monde ne peut donner que ce qu’elle a. Jamais proverbe n’a eu, dans le cas du Liban, une consistance aussi impressionante. Le Premier ministre Rafic Hariri est au États-Unis. C’est-à-dire là où, finalement, les décisions se prennent, du moins, c’est là qu’elles se font avaliser. Ce n’est pas un mythe. Et de Washington, où il continuera jusqu’à ce soir à rencontrer les responsables US les plus importants – c’est le moins qu’on puisse dire – Rafic Hariri se trouve obligé de gérer, bon gré mal gré, plusieurs réalités. La première ? Washington voit large, pense large, et agira large. C’est une macrovision, qui laisse définitivement de côté, en l’occurrence, les problèmes internes strictement libanais, pour s’intéresser à l’ensemble du Proche-Orient, de l’Égypte jusqu’aux confins du Golfe en passant, bien évidemment, par l’Irak. Le porte-parole de la Maison-Blanche l’a bien précisé hier, deux heures après l’entretien Bush-Hariri : «Le problème de la présence syrienne au Liban doit se régler entre Beyrouth et Damas». Ce qui ne l’a pas empêché d’ajouter – et cela ne contredit en rien cette macrovision américaine – qu’«une prospérité libanaise serait indispensable à la stabilité régionale». Faisant par là écho au «Le Liban est un pays important» de George W. Bush à l’adresse de Rafic Hariri. D’ailleurs, bon nombre d’analystes politiques, arabes comme étrangers, installés à Washington et interrogés par L’Orient-Le Jour, estiment que la nouvelle Administration US, contrairement à l’équipe Clinton dont elle tient résolument à se démarquer, «ne veut plus s’occuper du menu fretin mais traiter avec les grands. Que nous le voulions ou non, le partenaire privilégié, aujourd’hui, de l’Administration américaine, s’appelle Bachar el-Assad». Et là, il suffit simplement de se souvenir du très vibrant hommage rendu par Bush au président syrien devant l’ensemble de la délégation libanaise, avant hier mardi dans le bureau ovale de la Maison-Blanche. Une manière de demander à Rafic Hariri de transmettre un message à tous ceux qui, au Liban, appellent à un rééquilibrage des relations libano-syriennes, («ce n’est pas pour demain»), une manière également pour l’Administration Bush de montrer clairement qu’«au sein de la lutte des clans à Damas, elle a choisi son poulain : Bachar». «Et ce partenariat fonctionne évidemment dans les deux sens, ajoutent ces mêmes sources. Pourquoi Bachar ? Parce qu’ils considèrent la Syrie comme étant un tuteur dans la région, et notamment pour le Liban, parce qu’ils veulent trouver une espèce de solution au problème que leur pose leur nouvelle bête noire dans la région, l’Irak, et parce qu’ils sont persuadés que la clé de la crise au P-O, la clé pour le succès du processus de paix dont Bush Jr rêve d’être le grand ordonnateur, eh bien c’est en Syrie qu’il faut aller la chercher». Et parce qu’ils n’en peuvent plus des opérations du Hezbollah le long de la frontière avec Israël – des opérations que Damas bénit plus ou moins silencieusement, et des opérations auxquelles Tel-Aviv a commencé à répondre en frappant des bases syriennes au Liban ? «Effectivement», répondent ces mêmes sources. Certes. Mais cette realpolitik nauséabonde et ultra-cynique, cette espèce de marchandage dont les États-Unis sont devenus largement coutumiers – concrètement : le Liban ce cadeau à la Syrie en échange d’une stabilité régionale – une partie de la classe politique et la majorité de la rue libanaises les refusent. «Cela doit être résolu par Beyrouth et Damas», répète-t-on, officiellement, à Washington. D’ailleurs, la visite du patriarche Sfeir au Vatican, prévue quelques jours à peine avant la visite du pape Jean-Paul II à Damas, revêtirait une grande importance. Le Vatican où, rappelons-le, Rafic Hariri s’est arrêté avant son escale américaine pour s’entretenir tant avec le souverain pontife qu’avec ses deux éminences grises, NN. SS. Angelo Sodano et Jean-Louis Tauran. Quant à la position officielle du Premier ministre à l’égard de cette présence syrienne elle demeure la suivante : «Il faut que les troupes syriennes restent au Liban pour y garantir la stabilité et la sécurité. Et quand nous leur demanderons de partir, elles le feront», a-t-il dit avant-hier au cours d’une interview à la chaîne américaine CNN. «Il est grand temps que les Libanais sortent de leur terroir», a-t-on également entendu, à plusieurs reprises et à différents niveaux, dans les couloirs où circulent les membres de la délégation officielle. Sauf que Rafic Hariri se veut – et il le dit – le Premier ministre de tous les Libanais. Chrétiens comme musulmans. Et ses rapports avec Damas, à en juger par l’ajournement de sa visite dans la capitale syrienne à la veille de son départ en tournée, ne sont pas au beau fixe. Dans quelle mesure pourra-t-il alors, au lendemain de son escale aux États-Unis et de sa kyrielle d’entretiens au cours desquels il a sans doute pu tâter tous les pouls, continuer à pouvoir ménager et la chèvre et le choux ? Autre réalité : l’indiscutable volonté de Rafic Hariri, «le nouveau, celui qui a tiré, de son passé au pouvoir, bon nombre de leçons», de sortir le Liban de l’énorme crise socio-économique dans laquelle il se débat. De récolter aides et soutiens, en multipliant donc les rendez-vous avec les plus grands décideurs, auprès de la première puissance mondiale. Qui, à supposer qu’elle soit prête, justement, à donner, attend de voir ce que Hariri a à proposer. Et principalement sur ce plan : l’arrêt des opérations du Hezbollah – soutenu par Damas – à la frontière, et l’envoi de l’armée au Sud – leur leitmotiv, donc. À l’heure même où le secrétaire général du parti de Dieu, en déplacement à Téhéran, réaffirme «la volonté du Hezbollah de poursuivre sa lutte, et sa détermination à poursuivre ses opérations contre Israël». «Les Américains sont plus que lassés par le Proche-Orient. Ils veulent traiter avec les grands pays. Les dollars qu’ils donneraient sont dérisoires. Ils ne traîneront jamais Israël dans la boue. Ils demandent l’arrêt des violences, et si elles ne cessent pas, ils haussent les épaules. Mais toutes les visites, tous les dialogues, sont bons», résume un grand journaliste arabe installé à Washington. Loin de la scène politique locale, et en plein milieu des dures réalités US, mais certes en plein dans la cour des grands, Rafic Hariri aura, sans aucun doute, et avec toutes les nouvelles donnes acquises dans la capitale US, fort à faire dès son retour à Beyrouth. Son ambition de reconstruire le Liban est démesurée. En a-t-il les moyens ? Dans tous les cas, il a prouvé à Washington qu’il avait ceux de se faire entendre. Lui reste maintenant à se faire écouter. C’est bien plus difficile cette fois. «Mais l’enjeu en vaut la peine», affirme l’un des ministres présents ici, au centre du monde...
La plus belle fille du monde ne peut donner que ce qu’elle a. Jamais proverbe n’a eu, dans le cas du Liban, une consistance aussi impressionante. Le Premier ministre Rafic Hariri est au États-Unis. C’est-à-dire là où, finalement, les décisions se prennent, du moins, c’est là qu’elles se font avaliser. Ce n’est pas un mythe. Et de Washington, où il continuera...