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Actualités - ANALYSES

POLÉMIQUE - La tension en Conseil des ministres aurait été à son comble - Retarder au maximum le grand clash au sein du pouvoir

Il n’y a jamais de fumée sans feu. Même si, au Liban, la rumeur est reine, polymorphe. Et aussi spectaculaire et outrancière qu’elle ait été, la manchette d’hier d’al-Diyar, qui a fait se perdre le Tout-Beyrouth en interminables spéculations, n’était certainement pas un morceau de pure (science-)fiction. La séance d’avant-hier jeudi du Conseil des ministres a effectivement dû être assez houleuse, tant la division entre (les ministres du clan) Lahoud et (les ministres du clan) Hariri, cinq mois après le début de la cohabitation de ces deux hommes que tout ou presque continue à séparer, reste bel et bien ancrée. «Arrêtez donc de faire de la surenchère, parce que je suis plus que quiconque opposé à Israël. Et tout le monde veut récupérer les fermes de Chebaa. Et n’oubliez pas que les arrangements d’avril, c’est un peu moi». Voilà ce qui pourrait résumer la position de Rafic Hariri au cours de ce «mémorable» Conseil des ministres, mémorable parce que «dans l’air, il devait y avoir 100 000 volts». Une réunion au cours de laquelle le Premier ministre a dû répondre, parfois même en utilisant leur arme – la surenchère –, à une volée de franches critiques de la part des ministres lahoudiens, Sleiman Frangié et Élias Murr notamment. Tout cela, bien sûr, selon des sources ministérielles. Et selon des sources proches des alliés de la Syrie, Damas aurait réellement préféré que MM. Murr et Frangié tempèrent un tantinet leurs diatribes anti-Hariri, surtout depuis que la visite de ce dernier au palais des Mouhajerine a été «reportée sine die». Et d’autant plus que le coup de semonce que lui aurait administré Damas semble avoir été particulièrement virulent. Tempérer les critiques anti-haririennes serait une façon de ne pas acculer le Premier ministre à des extrémités regrettables. La démission, par exemple, une éventualité qui a peut-être été évoquée, à en croire bon nombre de rumeurs, au cours de la réunion préalable au Conseil des ministres entre les n°s1 et 3 de la République. Sauf que ni l’un ni l’autre des deux hommes ne tirerait un quelconque profit de ce «coup pour l’État» qui, d’ailleurs, ne bénéficierait, pour l’instant, de l’aval d’aucune puissance régionale ou, surtout, internationale. La cause de tout ce ramdam ? La Résistance. Comme de bien entendu. Et c’est l’un des plus farouches partisans de cette dernière – le chef de l’État – qui a tout naturellement pris, en premier, la parole. Évoquant les développements «très dangereux» de la situation régionale tout en citant Shimon Peres et en refusant tout distinguo entre les comportements ou les réactions d’Ehud Barak et d’Ariel Sharon, insistant sur le fait que la position de l’État est sue et connue de tous, que le discours politique de l’État est unifié, Émile Lahoud a demandé à tous les ministres, à l’instar de Rafic Hariri, qu’ils se limitent strictement à la déclaration ministérielle. Et qu’au cas où leurs opinions divergent de celles de cette dernière, «eh bien, qu’ils précisent qu’ils ne parlent qu’en leur nom propre». Seconde introduction, celle du président du Conseil qui a fermement insisté sur le fait que la situation «relève de la responsabilité de tous», comprendre celle du gouvernement comme celle de l’État. «La confrontation n’est pas uniquement militaro-politico-sécuritaire, c’est à tous les niveaux qu’elle se situe», a-t-il ajouté, faisant par là notamment référence à la réalité socio-économique. «Votre discours est excellent, Monsieur le président : la solidarité avec la déclaration ministérielle est indispensable». De la solidarité, Ali Kanso en a parlé, après l’invitation faite par le chef de l’État aux ministres de donner leur avis. S’en prenant à la manchette d’al-Mostaqbal de dimanche dernier qui insinuerait, selon lui, «que la Résistance ne bénéficierait pas de l’assentiment de l’État», le ministre PSNS du Travail aurait exigé que «ce malentendu soit dissipé». Réponse immédiate de Marwan Hamadé, qui aurait renchéri sur le discours du Premier ministre, estimant que «c’est l’unité de la position libanaise qui a permis à la Résistance de vaincre. Cette unité doit rester la même», a-t-il dit, insistant sur le fait que «l’échelle des priorités avait désormais changé». L’intervention tonitruante du ministre de l’Intérieur Élias Murr a été particulièrement remarquée. «Demander à la Résistance de cesser toute activité parce qu’un redressement économique est indispensable ? Cela est inacceptable. Les milliards de la dette extérieure ne sont pas le fait de la Résistance. Ils résultent des dépenses faramineuses des gouvernements précédents», a-t-il accusé, précisant bien au chef de l’État, toujours selon des sources ministérielles, que «cela date de bien avant (son) mandat». Réplique du ministre des Déplacés : «On n’a jamais prétendu cela. Nous disons simplement qu’une confrontation implique une position bien précise à l’égard de la situation économique». Et parce que le ton est monté crescendo, le chef de l’État a levé, pour quelques minutes, la séance. Mohammed Abdel Hamid Beydoun a estimé, à la reprise, que «la Résistance n’obéira(it) pas à une décision gouvernementale», suivi par Sleiman Frangié, qui a repris la thèse d’Élias Murr. Réponse immédiate de Rafic Hariri : «Personne autour de cette table n’est contre la Résistance. C’est un fait acquis. Et arrêtez de surenchérir. Il y a des personnes ici qui, auparavant, étaient contre la Résistance», a-t-il dit, sous-entendant par là, selon des sources ministérielles, le ministre lahoudien Georges «Habache» Frem, ainsi que l’auraient surnommé certains de ses collègues. «Et si vous voulez un plan d’action pour récolter des dons que l’on destinera à l’intifada, je ne suis pas contre», a-t-il même ajouté, sachant pertinemment que tout le monde allait lui répondre, à juste titre, que «la situation ne le permettrait pas». Et Ghassan Salamé, qui aurait été vertement réprimandé par le chef de l’État, et même par Damas, après son intervention, il y a deux jours, à la CNN ? «C’est faux, a indiqué le ministre de la Culture à L’Orient-Le Jour. Tout cela a été un peu exagéré, un peu dramatisé. Il y a eu un échange de points de vue, et le président m’a salué et m’a embrassé pour me dire bonjour, comme d’habitude. Le raid israélien contre Mdeirej, qui a eu lieu après l’attaque du Hezbollah contre Chebaa et les états d’âme d’al-Mostaqbal ont clos provisoirement le débat sur le Sud. Mais pour combien de temps ? Et si le cycle reprenait ? Sharon va se casser le nez avec sa politique actuelle. Et il voudra trouver un théâtre de remplacement pour montrer ses muscles. C’est mon avis», a-t-il estimé, affirmant la nécessité et les vertus du débat, en général. Quoi qu’il en soit, tant pour le camp Lahoud que pour le camp Hariri, et même malgré la fermeté de ses «punitions» ou de ses remontrances, pour Damas, il semblerait que tout le monde veut sinon éviter, du moins retarder au maximum le grand clash au sein du pouvoir. Oui mais jusqu’à quand ? «Tout cela est sur le fil du rasoir», avait dit à L’Orient-Le Jour un grand leader national. Jusqu’à quand cela pourrait-il être possible ? Jusqu’à ce que, effectivement, «l’échelle des priorités» ne soit plus ni faussée ni viciée. «Mais ceci est une autre histoire». Bien sûr...
Il n’y a jamais de fumée sans feu. Même si, au Liban, la rumeur est reine, polymorphe. Et aussi spectaculaire et outrancière qu’elle ait été, la manchette d’hier d’al-Diyar, qui a fait se perdre le Tout-Beyrouth en interminables spéculations, n’était certainement pas un morceau de pure (science-)fiction. La séance d’avant-hier jeudi du Conseil des ministres a...