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Actualités - CHRONOLOGIES

Un aventurisme de rue marginal mais dangereux

En tout préfère l’impair : ce conseil d’harmonie donné par Verlaine est scrupuleusement respecté par le chef d’orchestre qui depuis Taëf fait jouer sur la scène locale une partition qui ne dit jamais son nom. Et toujours son non à toute unification des rangs libanais. L’astuce consistant à imposer une règle de deux poids deux mesures qui provoque un déséquilibre chronique, donnée socio-politique bien plus grave finalement que le sentiment d’injustice qu’elle peut engendrer sur le plan dit moral. Chaque jour qui passe illustre avec éclat cette pesante réalité. Même au sein du camp loyaliste beaucoup commencent à s’en apercevoir et à grogner. Ainsi, nul n’a trouvé de bon ton que des Ahbaches cagoulés ou peinturlurés comme des peaux-rouges sur le sentier de la guerre, défient les forces de l’ordre, gourdins aux mains et coutelas entre les dents. Alors que l’Est s’est tenu sagement coi, pour obéir aux ukases, d’ailleurs justifiés, de l’autorité publique. Certes cette formation des Ahbaches en quête de surenchères aussi faciles que dangereuses, a toujours été diversement appréciée dans son champ d’action géopolitique ou para-religieux. Mais le fait qu’elle soit généralement, à tort ou à raison, considérée comme marginale et qu’elle ait pu quand même s’agiter sans bobos, donne à réfléchir à toutes les parties politiques locales. Qui se posent désormais des questions sur la viabilité d’une machine d’autorité, placée ou non sous l’ombrelle des décideurs, qu’un grain de sable minuscule suffit à enrayer, à un moment aussi crucial. Autrement dit, les incidents planifiés par les démiurges provoquent dans le fond un effet boomerang. Destinés à montrer que les Libanais ne peuvent être laissés sans tutelle vigilante, ils prouvent au contraire l’inanité de ce prétendu écran protecteur. Car il est évident, même les loyalistes de bonne foi en conviennent, que sans le souci de ne pas heurter de front les décideurs en s’attaquant à leurs zélotes, tout ce petit monde d’agités ou d’agitateurs aurait été embarqué sur l’heure. Comme un vulgaire paquet d’étudiants aounistes. Le hic reste que la diffusion des images indéniablement spectaculaires des Ahbaches à la hachette «porte, dit un député, un tort considérable à notre pays au-dehors. Comment voulez-vous que nous obtenions des aides et attirions les investisseurs quand nous avons l’air d’être sur le point de replonger dans les affres de la guerre ou à tout le moins dans les douteuses exaltations de l’anarchie» Certes, l’heure n’est pas aux hercules de foire, surtout quand les muscles qu’ils étalent ne sont pas vraiment les leurs. Par contre, l’heure n’est pas non plus à l’occultation du débat comme le proposent la plupart des loyalistes, sous prétexte de mettre un terme à l’escalade de rue. «Il ne faut pas confondre, souligne un opposant, les serviettes du dialogue et les torchons qui brûlent. Il est impossible désormais d’empêcher les Libanais, en tout ou en partie, de penser en termes d’indépendance. Pour désamorcer les tensions, ce n’est pas le silence qu’il faut mais le murmure discret des négociations entre quatre murs». Une voie sage que suit depuis des mois, rappelons-le, ce maître de la diplomatie et de la raison d’État qu’est M. Fouad Boutros. Dont la mission de bons offices entre Bkerké et Damas conditionne en grande partie, peut-être à son propre corps défendant, l’ouverture d’un dialogue salutaire entre les Libanais eux-mêmes. Un processus qui ne peut s’accomplir en effet sans que les autorités officielles, jusque-là pusillanimes, ne se décident à mettre la main à la pâte. Une initiative qu’elles hésitent à prendre tant qu’elles n’ont pas le feu vert des décideurs. En attendant, on tourne pratiquement en rond. À cette importante nuance près que beaucoup de pôles de l’Ouest, attachés à la cœxistence comme à la paix civile, n’hésitent plus à réclamer à leur tour l’application de Taëf. En précisant toutefois, prudence ou équité obligent, qu’il faut non seulement parler du redéploiement syrien sur la Békaa mais aussi de l’abolition du confessionnalisme politique. Ces prises de position, comme la tendance observée chez les dirigeants de commencer à parler avec Bkerké, parfois via le Vatican, montrent que d’une manière générale les Libanais ne sont plus disposés à se laisser piéger par des manipulateurs. Dont il ne faut pas pour autant sous-estimer les capacités de nuisance. Ou l’habileté de peintres spécialisés dans le trompe-l’œil, qui présentent volontiers du Liban le tableau d’un pays confessionnellement disloqué. Il reste un autre point d’espoir à signaler : selon des sources informées, les décideurs auraient l’intention de mettre à profit les incidents de parcours actuels pour intervenir en conciliateurs et en rassembleurs. Ce qui justifierait d’une part l’argument faisant de leur présence une nécessité d’autant plus pressante que le gouvernement local reste inscrit aux abonnés absents. Mais permettrait d’autre part d’éviter une dangereuse éruption printanière.
En tout préfère l’impair : ce conseil d’harmonie donné par Verlaine est scrupuleusement respecté par le chef d’orchestre qui depuis Taëf fait jouer sur la scène locale une partition qui ne dit jamais son nom. Et toujours son non à toute unification des rangs libanais. L’astuce consistant à imposer une règle de deux poids deux mesures qui provoque un déséquilibre...