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Actualités - ANALYSES

VIE POLITIQUE - Une étape d’importance : la rencontre entre le chef de l’État et Sfeir. Et un homme-clé : Fouad Boutros - Joumblatt, sereinement, met la balle dans le camp de Lahoud

Hitchcock, en fin connaisseur, aurait apprécié. Le fait du jour, celui qui a tenu en haleine une grande partie de la population et qui a même poussé l’un des hommes de la garde prétorienne du seigneur de Moukhtara à dire que grâce à ce que ce dernier avait fait hier, «les Libanais pourront aller tranquillement en vacances», le fait du jour donc, est le suivant : hier, à 11h30, le chef de l’État s’est entretenu pendant une heure et quinze minutes, à la veille du 26e anniversaire du 13 avril, et au palais de Baabda, avec le leader du PSP. «Excellente» : c’est l’adjectif, fort urbain de prime abord mais pour le moins réconfortant, utilisé par ce dernier, sur le perron du palais présidentiel et devant les journalistes, pour qualifier l’ambiance de cette rencontre. La brouille entre Émile Lahoud et Walid Joumblatt durait depuis cinq mois, depuis les consultations parlementaires que le locataire de Baabda avait menées avant de nommer son deuxième Premier ministre. Et indépendamment de cela, il serait difficile de définir les rapports entre les deux hommes, désormais diamétralement opposés sur le fond du problème – la présence syrienne au Liban –, mais qui le seraient apparemment (un peu) moins aujourd’hui quant à la forme que devrait revêtir la première des solutions – le dialogue. Walid Joumblatt a offert au chef de l’État deux superbes ouvrages – les lui a-t-il dédicacés ? – consacrés à la vie et au parcours du fondateur du PSP. Les deux hommes ont ainsi dû, probablement, se remémorer l’amitié qui liait leurs pères, et notamment cet épisode des années 60, lorsque grâce à Kamal Joumblatt, Jamil Lahoud a occupé l’important ministère des Affaires sociales. Une évocation qui a dû durer longtemps, une manière pour le locataire de Baabda d’appliquer la méthode certainement apprise auprès d’un ancien chef d’État arabe aujourd’hui décédé et qui consiste à faire un peu mariner son visiteur, à retarder l’évocation des choses sérieuses en s’étendant sur des généralités dont finalement bien peu se soucient. «L’intermédiaire ce n’est pas moi. C’est vous..» De quoi ont donc bien pu parler ces deux hommes qui ne s’étaient plus rencontrés depuis ce qui semble avoird duré des ans, tant la situation, en cinq mois, a évolué, tant les rebondissements, et les spectaculaires montées de tension ont été nombreux ? De la présence syrienne, bien sûr, de l’indispensable dialogue, certainement, puisque tels sont, depuis plus de huit mois, les constants leitmotives du député du Chouf, qu’il a explicitement développés pour la première fois lors de sa désormais fameuse intervention, place de l’Étoile, lors du débat de confiance, début novembre dernier. Selon des sources bien informées interrogées par L’Orient-Le Jour Walid Joumblatt a évoqué, devant son hôte, le cas du patriarche maronite Nasrallah Sfeir, qui rassemble, autour de ses discours demandant un «retrait ou un redéploiement inconditionnels» des forces syriennes, 200 000 personnes, ainsi que celui de «l’autre patriarche (i.e. le secrétaire général du Hezbollah Hassan Nasrallah)», qui réussit le même tour de force, mais sur la base de son appui à une «présence inconditionnelle» de ces forces-là. «Est-ce qu’il n’y aurait pas une solution médiane ? aurait-il demandé au chef de l’État. Dans ce cas, il n’y a qu’un seul moyen pour y parvenir : le dialogue..». Et toujours selon ces mêmes sources, Joumblatt aurait répété à son hôte qu’il n’est pas, qu’il n’a pas à être et qu’il ne sera pas «un intermédiaire», mais que c’était bien à lui – le chef de l’État – de l’être. D’être «l’intermédiaire entre les différentes fractions libanaises, d’être l’intermédiaire entre le Liban et la Syrie», un principe sur lequel le président de la République a semblé être d’accord. «La balle est donc maintenant dans le camp du président de tous les Libanais», ont estimé les milieux introduits à Moukhtara. L’immixtion, plus qu’un redéploiement... Le général Lahoud a confirmé à son visiteur, qui aurait insisté sur le fait que «Nasrallah Sfeir représentait le tiers des Libanais et que tous les chrétiens n’étaient pas aounistes ou FL», qu’il allait se rendre à Bkerké, pas plus tard que dans deux jours. «Mais il y a l’autre bord», lui a répondu le chef du PSP, qui n’a pas manqué, selon des sources bien informées, de lui rappeler que même dans les pires moments de la guerre civile, «il n’y avait eu ni tracts ni prêches de certains cheikhs, incitant au meurtre ou parlant de guerre sainte contre les chrétiens qu’il n’y avait jamais eu des spectacles semblables à ceux vus avant-hier (les couteaux, les haches, etc)». Où l’on n’a pas su si le chef de l’État a reconnu ou pas être au courant de ces tracts ou de ces prêches, mais l’on se doute bien que le leader druze a certainement dû évoquer les services de renseignements nombreux et variés qui tiraient, dans l’ombre, les ficelles – notamment lors de la manifestation des Ahbaches. Pourquoi ? Parce que, ajoutent ces mêmes sources, il a rappelé au général Lahoud, qui lui arguait que les Syriens avaient bien «commencé, l’an dernier, un retrait», que «c’était bien, mais que le plus important (pour lui) était que cessent enfin les immixtions en tous genres» dans les affaires les plus intrinsèquement libanaises. «C’est vrai», aurait répondu le chef de l’État. Joumblatt : «Y a-t-il ou non un État ?» Lahoud : «Il y a un État». Dans tous les cas, rapportent ces mêmes sources, le message sous-jacent mais évident du locataire de Baabda serait le suivant : «Sous pression, les Syriens ne feront rien du tout». Ce à quoi aurait acquiescé Walid Joumblatt, reconnaissant qu’il fallait «calmer les choses, engager le dialogue, mais que c’était à lui (le président) de le faire». Réponse de ce dernier : «C’est vrai». De quoi faire souffler, donc, une petite brise d’optimisme sur une situation qui en avait réellement bien besoin. Une étape très importante se profilerait, et un homme, un seul, détiendrait bon nombre de clés, estiment les milieux proches de Moukhtara à la suite de l’entretien de Baabda. L’étape : c’est la visite, après-demain dimanche, du président de la République à Bkerké, une visite certes protocolaire – c’est le dimanche de Pâques – mais dont les moindres aspects seront, situation oblige, passés à la loupe. Quant à l’homme-clé, il s’agit bien évidemment de Fouad Boutros, sur lequel «tout semble reposer et qui, quelque part, serait chargé d’une réelle mission, une mission qui aurait reçu le OK du président. Il a d’ailleurs lui-même évoqué le nom de l’ancien ministre lors de ses discussions avec Walid Joumblatt», ajoutent ces mêmes sources. Après Baabda, Damas ? Le constat est d’évidence : avec la rencontre de Baabda, avec celle entre Mgr Sfeir et Sleimane Frangié, le seul ministre maronite qui ne partage pas ses revendications indépendantistes, avec l’appel au dialogue du Conseil des ministres réuni hier sous la présidence du général Lahoud, les signaux se multiplient, plus ou moins timidement, en faveur d’un regain, même léger, d’optimisme – réel ou pas, il n’empêche qu’il existe. Il fait même écho aux considérations climatiques du président de la Chambre qui, avant-hier, a joué à l’hirondelle en annonçant, même trois semaines après qu’elle ait été officiellement fêtée, «l’arrivée du printemps». Il fait même écho à l’inaltérable confiance du Premier ministre qui, sans aucune hésitation, s’empresse de rassurer tout son monde, à l’instar des hommes d’affaires arabes, devant lesquels il a martelé que la situation économique du Liban reste, tout compte fait, «des plus prometteuses». Le grand point d’interrogation sur lequel viennent s’agglutiner, déjà, beaucoup, beaucoup d’espoirs ? C’est l’entretien Lahoud-Sfeir. Tout comme d’ailleurs l’éventuel autre entretien, réunissant cette fois Walid Joumblatt – qui, avec l’audience d’hier qu’il a demandée au nom du dialogue pour lequel il se bat depuis huit mois, semble avoir réussi à écarter toute considération personnelle – au président syrien Bachar el-Assad, là-bas, sur les rives du Barada. Maintenant que l’étape obligée – Baabda – a été franchie...
Hitchcock, en fin connaisseur, aurait apprécié. Le fait du jour, celui qui a tenu en haleine une grande partie de la population et qui a même poussé l’un des hommes de la garde prétorienne du seigneur de Moukhtara à dire que grâce à ce que ce dernier avait fait hier, «les Libanais pourront aller tranquillement en vacances», le fait du jour donc, est le suivant : hier, à...