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Actualités - OPINIONS

Ce dont il faut avoir peur

Aux événements que nous vivons, il vaut mieux réfléchir que réagir. Voici une dizaine de jours, se tenait un colloque sur la mémoire de la guerre. Il semble que ce que nous vivons, ce n’est pas autre chose. Le chahut de Bkerké, les communiqués venimeux et les animosités qui se sont exprimés à l’égard de certains courants et partis représentatifs de la population chrétienne prouvent que la mémoire de la guerre n’a pas été purifiée, que nous sommes fixés dans un temps de notre histoire, et dans des obsessions, dont nous n’avons pas parlé et qui nous ont rejoints. Certes, ce qui se produit est, en partie, artificiellement entretenu. Mais le fait que nous y sommes toujours vulnérables montre bien que nous n’en avons pas parlé suffisamment, entre Libanais, pour y être une fois pour toutes immunisés, et que les leçons de la longue guerre n’ont toujours pas été apprises. Ces leçons, chacun d’entre nous et tous ensemble, nous devons les tirer, afin de mettre le Liban à l’abri des secousses de l’Histoire. Une des leçons élémentaires de la guerre, c’est que le Liban est la patrie de la modération, que tout fanatisme lui est fatal, et que nul ne doit chercher à imposer sa volonté aux autres. Ce qui s’est passé à Bkerké, l’accueil triomphal réservé au patriarche maronite à son retour d’Amérique, devait donc rester ce qu’il est. L’adhésion massive d’une partie de la population libanaise au combat patriarcal en faveur de l’indépendance et non l’expression de la loi du nombre. Ce que les événements de ces dernières semaines nous apprennent, en outre, c’est que nous n’avons pas suffisamment parlé de la guerre que nous nous sommes livrée et que de nombreux mouvements, courants et partis, sont fixés dans des temps de cette guerre et ne parviennent pas à les penser pour les dépasser. Du souvenir du 13 avril à celui du 14 mars, nous vivons encore dans le pathos de ce qui s’est passé, et des divorces qui ont été consommés dans la violence, s’en avoir pu en parler, sans avoir éventuellement demandé pardon pour tant de souffrances, et décidé de tourner la page pour reprendre la vie commune. Une catharsis est nécessaire, pour purger les obsessions, clichés et faux jugements de la guerre, pour que chacun reconnaisse et décide de corriger ses erreurs. Appel à la sédition, menaces de violence explicites ou tacites, incitation à la haine confessionnelle exclus, tout le monde doit pouvoir dire librement le fond de sa pensée, accuser et se défendre. C’est à cette condition seulement que nous pouvons tourner la page et considérer que le passé est passé. Autrement, ce passé est condamné à demeurer notre perpétuel présent. Il n’est jusqu’aux massacres de 1860, jusqu’au Pacte de 1943 dont il ne serait pas inutile de parler, puisque les Libanais sont tellement en désaccord sur leur passé qu’ils ne sont toujours pas parvenus à écrire leur histoire. Ce dont certains se réjouissent et se prévalent, pour assurer qu’ils n’en ont pas. S’il faut avoir peur, ce n’est pas les uns des autres, ce n’est pas d’Israël. La seule et unique crainte que nous devons avoir, c’est d’être une société bornée qui ne sait pas, ou ne parvient pas à tirer les leçons de son passé. Car alors, nous serions condamnés à mort. Oui, s’il faut avoir peur, c’est la peur culturelle, la peur intelligente de ne pas savoir évoluer et apprendre, car alors, nous serions une espèce en voie d’extinction, une sorte de monstre social ou d’erreur que l’histoire se charge de corriger. Se trouvera-t-il au Liban une élite suffisamment intelligente et écoutée pour faire évoluer la société ?
Aux événements que nous vivons, il vaut mieux réfléchir que réagir. Voici une dizaine de jours, se tenait un colloque sur la mémoire de la guerre. Il semble que ce que nous vivons, ce n’est pas autre chose. Le chahut de Bkerké, les communiqués venimeux et les animosités qui se sont exprimés à l’égard de certains courants et partis représentatifs de la population...