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Actualités - CHRONOLOGIES

CORRESPONDANCE - La peinture chiffrée - Un hobby américain - des années 50, au musée

WASHINGTON-Irène MOSALLI En chaque homme, femme et enfant sommeille un Rembrandt… Pour preuve, l’engouement de l’Amérique, dans les années 50, pour la peinture chiffrée. Comme on le sait, ce procédé consiste à poser adroitement des couleurs sur un dessin en noir et blanc, dont les différentes parties comportent des numéros équivalant aux diverses tonalités d’une riche palette accompagnant l’ensemble. Tous les enfants de l’Oncle Sam de l’époque s’étaient découvert une âme d’artiste et s’étaient mis à ce genre d’exercice. D’abord parce que le temps, qui était à la prospérité, leur laissait beaucoup de loisirs et ensuite parce que les promoteurs de ce produit, lancé en 1951, l’avaient rendu séduisant. Ces derniers, (un propriétaire de fabrique de peinture et peintre lui-même), avaient créé des dessins frappant l’imagination populaire, (paysages, natures mortes, animaux, enfants, etc.) et avaient interprété des œuvres célèbres. En 1954, ils avaient vendu 12 millions d’exemplaires. Aujourd’hui, le National Museum of American History consacre une exposition à ces œuvres de peintres du dimanche car elles sont porteuses d’un message socioculturel. À savoir, en période de suffisance et de non-crise, l’esprit s’ouvre aisément à la connaissance. Par le biais de ce hobby à caractère esthétique, le grand public a osé s’aventurer dans le monde des arts. La majorité n’avait jamais tenu un pinceau auparavant. Et tout à coup, ces personnes ont vu se développer sous leurs doigts des formes harmonieuses et des chromatismes insoupçonnés. L’une d’entre elles avait dit : «Pour moi, un arbre c’était tout bonnement un arbre. Aujourd’hui, c’est une multitude de couleurs». Elle avait colorié un été indien, nécessitant 90 nuances. Une idée puisée chez Léonard de Vinci À l’époque, les critiques d’art avaient été excessivement durs à l’égard de ce phénomène, synonyme d’invite au conformisme et à l’annihilation de l’expression personnelle. Or, il s’était avéré qu’un grand nombre de ces aspirants artistes finissaient par acquérir un canevas vierge et y allaient de peintures de leur cru. Il y avait aussi ceux qui n’obéissaient plus à la charte, dépassant, selon leur goût et leur plaisir, les frontières délimitées par les chiffres, enlevant un arbre par-ci, ajoutant un nuage ou une ombre par-là. Il y avait incontestablement chez le public une envie d’art tout autant qu’un désir de se servir de leurs réalisations pour décorer leur intérieur. Pour les aider dans ce sens, et pour promouvoir la vente, les fabricants avaient ajouté à la panoplie des conseils d’accrochage (thème et couleurs se mariant). Cette vogue avait aussi fait prospérer les affaires des encadreurs. Toujours est-il qu’à force de vouloir se surpasser, ces dilettantes avaient fini par acquérir des coups de pinceau inspirés qui avaient valorisé leur travail. L’œuvre de l’un d’entre eux, qui n’avait pas déclaré son origine, avait été primée lors d’un concours de peinture amateur. Au grand embarras du jury. Même la Maison-Blanche, alors habitée par le président Dwight Eisenhower, avait monté sa galerie de peintures chiffrées signées par des membres de l’Administration et des proches. Dans les années 70, Andy Warhol avait acquis une toile, à caractère abstrait, ainsi réalisée. À noter cependant que l’abstrait n’a presque pas tenté cette tranche d’amateurs. On avait essayé de leur proposer des compositions cubistes, à la manière de Picasso et de Braque. Ils leur avaient préféré les sujets narratifs et les chefs-d’œuvre classiques. Le best-seller avait été «La Cène» de Léonard de Vinci. Autre détail important : l’idée du coloriage chiffré est inspirée, elle aussi, de Léonard de Vinci qui, pour ses fresques et ses plafonds, faisait appel à ses assistants pour appliquer la peinture à certains endroits, et selon ses indications numérotées.
WASHINGTON-Irène MOSALLI En chaque homme, femme et enfant sommeille un Rembrandt… Pour preuve, l’engouement de l’Amérique, dans les années 50, pour la peinture chiffrée. Comme on le sait, ce procédé consiste à poser adroitement des couleurs sur un dessin en noir et blanc, dont les différentes parties comportent des numéros équivalant aux diverses tonalités d’une...