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Actualités - BIOGRAPHIES

DESIGNERS LIBANAIS - Joe Ingea : réaliser ses rêves… d’objets

Le design est sa passion. Il suffit de l’écouter en parler pour en être convaincu. Joe Ingea, architecte et designer industriel, évoque avec enthousiasme les styles, les courants et les grands pontes (Ettore Sottsass, Tom Dixon, etc.) de cette discipline artistique qui régente la société de consommation. Ce créatif, touche-à-tout, a conçu, durant six ans passés en Italie, des meubles, des flacons de parfum, des montres, des lunettes, des appareils sanitaires et électroménagers, des cadres, des couverts, etc. Au Liban, depuis 1994, il se consacre essentiellement à l’architecture. Tout en restant quand même «branché» objets. Et cela malgré les difficultés économiques et sociales qui entravent ici les réalisations de design. Mais ce monsieur n’est pas du genre à se laisser abattre. À la fois contemplatif et fonceur, Joe Ingea sait concrétiser ses rêves. À commencer par celui qui l’a mené à accomplir un parcours de designer industriel en Italie. Ce qui n’est pas très fréquent pour un architecte libanais. En 1985, à peine ses études d’architecture, à l’Académie libanaise des beaux-arts (Alba), bouclées, Joe Ingea s’envole pour Milan, la capitale du design. «J’ai obtenu mon diplôme en juillet, je me suis envolé en septembre. C’était une véritable obsession, explique-t-il. J’y suis allé complètement à l’aventure, sans repères, sans maîtriser la langue, avec juste l’adresse d’une école de design». Deux ans plus tard, il sort de la «Scuola politecnica di design» avec un diplôme de design industriel en poche. «Ma formation d’architecte m’a, bien sûr, aidé. En Italie, les grands designers conçoivent le design comme de l’architecture, et l’architecture comme du design. Le procédé créatif est le même. C’est-à-dire que le design c’est de l’architecture à une échelle réduite». Il commence par travailler dans une petite agence qui sous-traite les projets du grand Ettore Sottsass, une référence dans le monde du design international. «Ça a été vraiment une expérience passionnante, enrichissante. On a travaillé pour des entreprises japonaises comme Sanyo, par exemple, qui nous avait commandé une télé, au cadre en bois, comme ceux des postes anciens, qui soit à contre-courant des télés noires actuelles, mais évidemment avec une touche moderne. Une série très limitée qui a été éditée au Japon uniquement». En parallèle, il prend quelques projets seul, comme le relookage de A à Z, packaging inclus, d’une série de montres Davidoff. «J’avais envie de dessiner des montres, et j’avais été présenté mes services à la société que gère Nicolas Hayek, le créateur de Swatch, sans trop y croire. J’ai été ravi lorsqu’ils ont fait appel à moi pour les Davidoff». En 1991, il intègre le bureau d’un designer japonais, Makio Hasuike, qui, outre de nombreuses autres productions, élabore la ligne de bagages MHWay. «J’ai travaillé sur ces articles comme sur des commandes pour des marques d’électroménager (Ariston), d’appareils sanitaires (Pozzi-Ginori, Alessi), etc.». À cette époque, il participe – et remporte pas mal de prix – à des concours d’architecture et de design. Premier prix au concours d’architecture pour un village de vacances en Calabre. Deuxième prix au concours international pour un complexe résidentiel sur le lac de Côme. Mais les récompenses dont il est le plus fier sont relatives au design. «J’ai décroché le troisième prix sur 1 400 participants à un concours de haut-parleurs pour chaîne stéréo lancé par Yamaha. Et mon projet a été exposé au musée de design de Londres». Une consécration ! Et «j’ai aussi obtenu une médaille de bronze (sur environ 700 personnes) à un concours lancé par le Japon sur les lunettes du XXIe siècle. Là, je me suis vraiment éclaté». À voir les dessins de montures, futuristes et très high- tech, qui ornent aujourd’hui les murs de son bureau, on le croit sans peine. «C’était il y a dix ans. Pour moi, l’an 2000 c’était de la scienc-fiction». Contraintes «J’aime les concours, pour le défi qu’ils représentent», dit Joe Ingea. «Ce sont des exercices de style, sans contraintes économiques, on y a une grande marge de liberté et de fun». Une remarque qui n’est pas innocente. Parce que, contrairement à ce que beaucoup imaginent, le design n’est pas toujours amusant. Il peut être ingrat. «Quant on doit travailler par exemple uniquement sur la poignée d’un frigo, ou sur un interrupteur, on ne peut pas faire des choses spectaculaires. On est limité par les dimensions, par une fiche technologique. Le design industriel ne se limite pas au dessin. Même l’objet le plus simple nécessite toute une étude technologique et budgétaire». Antiformes fluides et rondes à la Philippe Starck, les créations de Joe Ingea sont au contraire bien marquées, bien structurées. De sa formation italienne, il a gardé le goût des couleurs, de l’architecture sobre mais chaleureuse, d’un intérieur habitable. Qu’il habille pour sa part de «bois et de matériaux solides, bien présents, avec du métal ou de l’acier par touches. Ces matières froides, ainsi que le verre et le plexiglas, n’étant pas mes préférées», souligne-t-il. Bien qu’il enseigne le design industriel à l’Alba, Joe Ingea n’en est pas moins pessimiste quant à l’avenir du design au Liban. «Mes étudiants devront soit aller à l’étranger pour faire éditer leurs idées, soit alors, localement, travailler comme concepteurs de meubles pour un décorateur ou produire par leurs propres moyens des séries limitées. Je parle là du design industriel qui se distingue du bricolage art-artisanat réalisé à partir d’objets de récupération, qui relève, lui, plus du domaine artistique». Et de conclure : «On parle beaucoup à l’heure actuelle des designers anglais ou de l’école de Barcelone. Mais à mon avis, rien ne remplacera le background des Italiens et leur savoir-faire en la matière». Qu’on se le dise !
Le design est sa passion. Il suffit de l’écouter en parler pour en être convaincu. Joe Ingea, architecte et designer industriel, évoque avec enthousiasme les styles, les courants et les grands pontes (Ettore Sottsass, Tom Dixon, etc.) de cette discipline artistique qui régente la société de consommation. Ce créatif, touche-à-tout, a conçu, durant six ans passés en Italie,...