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Actualités - CHRONOLOGIES

La loi sur le blanchiment d’argent a provoqué quelques remous à la Chambre

Réunion technique hier place de l’Étoile : rien que du social et du juridique à l’ordre du jour de la cinquième séance parlementaire plénière de l’année qui a été principalement marquée par le vote de la loi relative à la lutte contre le blanchiment d’argent. L’adoption de ce texte donnera un coup de pouce à la mise en route du programme de redressement économique dans la mesure où elle facilitera davantage l’accès de Beyrouth aux crédits internationaux, selon les partisans de l’acceptation par le Liban des exigences du Groupe d’action financière sur le blanchiment de capitaux (Gafi). Elle porte un coup au secret bancaire et ne garantit pas l’accès du Liban aux aides promises, rétorquent ses détracteurs dont notamment le député Nicolas Fattouche qui a presque bataillé pour obtenir le renvoi du projet de loi en commissions. Toujours est-il que les deux points de vue se sont affrontés sous la coupole du Parlement avec un avantage certain pour les partisans de la loi qui a été votée avec quelques amendements qui ne touchent toutefois pas au fond. Autre trait marquant de la journée : le débat qui s’est engagé autour de la qualité de l’enseignement public, à la faveur de l’examen de trois textes de loi, alors qu’à l’extérieur, des enseignants manifestaient en signe d’appui à leurs revendications salariales. En tout, la Chambre a voté huit textes de loi et rejeté deux autres. Pas de politique donc, place de l’Étoile, où Boutros Harb parvient quand même à placer quelques mots à l’ouverture de la séance – au moment où le président de la Chambre Nabih Berry s’attaquait à l’ordre du jour de la réunion – pour faire remarquer qu’il n’est pas normal que la Chambre se réunisse sans avoir la possibilité de discuter de ce qui se passe dans le pays : «Il n’est pas normal qu’on ne débatte pas de la situation qui présage la pire forme de discorde et qu’on ne tente pas de mettre un terme à l’état d’anarchie que des parties occultes tentent d’instaurer. Le Parlement ne peut pas se contenter d’assumer le rôle de spectateur». Le député de Batroun réclame la tenue d’un débat de politique générale, «d’autant que le gouvernement ne répond pas aux questions écrites qui lui sont transmises». Pour toute réponse, le président de la Chambre promet de convoquer un débat de politique générale et note en substance que les interventions parlementaires qui porteront sur la tension prévalant dans le pays ne donneront aucun résultat. «Les trois minutes de temps de parole accordé à chaque député ne sont pas suffisantes pour régler une question aussi importante» que le conflit autour de la présence syrienne, dit-il, barrant ainsi la voie devant d’autres interventions. Les municipales dans la bande frontalière Puis sans aucune autre forme de procès, M. Berry corrige des erreurs matérielles relevées dans des textes de loi approuvés précédemment par la Chambre et s’attaque à l’ordre du jour. Le Parlement vote un projet de loi autorisant le gouvernement à convoquer avant le 30 mai le collège électoral des villages de la bande frontalière en prévision des municipales qui doivent se dérouler dans cette région. Il se lance ensuite dans un long débat autour d’un texte, renvoyé par le président de la République, et proposant de cadrer 13 professeurs contractuels de l’Université libanaise à l’approche de leur retraite pour qu’ils puissent bénéficier de certains avantages financiers. L’hémicycle est divisé en deux camps : le premier, représenté notamment par les députés du Liban-Nord et quelques autres parlementaires, défend âprement «le droit» de ces professeurs aux indemnités indiquées dans le texte. Le deuxième, dont fait partie le gouvernement, met en garde contre l’effet boule de neige de ce texte qui risque, selon lui, d’encourager d’autres contractuels de l’Administration à exiger les mêmes avantages. M. Berry ne peut s’empêcher de laisser tomber, mi-figue mi-raisin, consécutivement à la remarque d’un député qui proposait qu’on laisse la direction de l’UL trancher : «Nous aurions souhaité que le gouvernement lève sa mainmise sur l’UL». Le débat s’éternise sans que les parlementaires parviennent à un terrain d’entente et c’est finalement la majorité qui l’emporte : le texte ne passe pas. La Chambre vote ensuite au terme d’un tout aussi long débat une proposition de loi prévoyant l’octroi d’indemnités spéciales, à titre de récompenses, aux directeurs des écoles publiques. Elle y introduit toutefois deux amendements dont celui d’exiger qu’un directeur nommé soit titulaire d’une licence d’enseignement, d’un diplôme universitaire ou d’avoir une expérience de 10 ans dans l’enseignement, en dépit d’une levée de boucliers des députés des zones rurales qui ont argué du fait qu’il n’est pas toujours possible de trouver dans les villages qu’ils représentent des personnes diplômées. Ces derniers développent la même argumentation lorsque la Chambre s’attaque à une proposition de loi (renvoyée en commissions) faisant bénéficier un groupe d’enseignants du secteur public de certains avantages financiers. Le débat autour des deux textes dévie pour porter sur la qualité de l’enseignement public et montre à quel point la Chambre est divisée entre ceux qui accordent la priorité au relèvement du niveau de l’enseignement public et ceux qui jugent primordial d’éviter les vacances dans les écoles publiques des zones rurales. À un moment donné, M. Berry constate que le chef du gouvernement et les ministres Fouad Siniora et Michel Pharaon dialoguent, penchés sur un papier : «Si vous avez du travail à accomplir, faites-le la nuit. Que faites-vous donc de vos nuits ?», lance-t-il sur un ton malicieux. La Chambre vote en un tournemain quatre textes avant de s’attaquer au projet de loi sur le blanchiment d’argent auquel M. Fattouche est farouchement hostile : «Cette loi qu’on s’apprête à voter est la plus grave. Elle est importée. Elle porte atteinte au secret bancaire. Elle sous-entend que le Liban blanchit l’argent sale, alors que le blanchiment a lieu à New York, en Israël, à Londres et à Dubaï. Il n’existe de surcroît aucune garantie qu’elle sera bénéfique pour le pays», déclare-t-il d’emblée, rappelant que les promesses d’aide au Liban consécutivement à l’éradication de la culture de haschisch sont toutes restées lettre morte et exigeant le retrait du texte. M. Hariri s’empresse d’expliquer que «le Liban n’est pas accusé de blanchiment d’argent mais qu’il lui est simplement demandé, à l’instar de tous les autres pays, de se conformer aux critères posés par le Gafi». M. Hussein Husseini puis le président de la Chambre notent que des amendements doivent être introduits au texte. Mais M. Hariri ne les écoute pas : il regarde une série de photos avec le ministre Pierre Hélou. «Il n’y a pas de quorum», lance M. Fattouche. «Si, si», répond le ministre des Finances, mais le député revient à la charge ce qui lui vaut cette réplique acide de M. Berry : «Je dois donc apprendre à diriger les réunions ? Je vous rappelle que nous sommes seulement en train de débattre du texte. C’est le vote qui exige un quorum». Mikhaël Daher, Nassib Lahoud, Ahmed Fatfat, Saleh Kheir et Abbas Hachem défendent le projet. «S’il n’est pas voté, le secteur bancaire international cessera de traiter avec nos banques», indique M. Daher alors que Ali el-Khalil, Abdallah Farhat et dans une moindre mesure Anouar el-Khalil expriment des réserves sur ses clauses. La proposition de M. Fattouche de retirer le projet de loi ne passe pas. La Chambre entame l’examen du texte dont elle amendera trois articles qui suscitent de vifs débats. Le premier concerne le comité autonome qui sera chargé d’enquêter au sujet des opérations de blanchiment d’argent. Présidé par le gouverneur de la Banque du Liban, cet organisme sera formé du président de la commission de Contrôle des banques, d’un juge, du président de l’Association des banques ou des personnes qu’ils délèguent en leur absence. M. Berry conteste le fait de confier une enquête de ce genre «au secteur privé» mais les députés parviennent à le convaincre de la nécessité de former une commission indépendante «qui constitue une garantie pour le secteur bancaire». Il n’en demeure pas moins qu’il continue de désapprouver la représentation de l’Association des banques à la commission du moment que les banques sont les premières concernées par ce projet de loi. Plusieurs députés dont Nassib Lahoud, Mikhaël Daher et Mohammed Fneich plaident en faveur du maintien d’un délégué de l’Association «car qui peut mieux que le secteur bancaire veiller à l’application de cette loi». Finalement, c’est la proposition de M. Berry qui l’emporte et au lieu du président de l’Association des banques, c’est le Conseil des ministres qui devra nommer un quatrième membre au sein de la commission. Le deuxième article, amendé sur proposition de M. Lahoud, concerne le procédé à suivre, une fois l’enquête terminée : «La commission décide soit de débloquer le compte (gelé provisoirement pour cinq jours renouvelables une seule fois lorsqu’elle est saisie d’une affaire de blanchiment d’argent), soit de lever le secret bancaire». On y ajoute la phrase suivante : «Si elle ne prend pas de décision (durant les cinq jours) le compte est débloqué d’office». La troisième modification concerne l’immunité totale des membres de la commission. Cette clause jugée aberrante par un certain nombre de députés – «Dites-moi qui dans le pays bénéficie d’une immunité totale», proteste M. Fattouche –, est amendée de sorte que l’immunité n’est levée que si un des membres de la commission ne respecte pas le secret bancaire. Quant à l’argent sale, il est défini comme suit par la nouvelle loi : il s’agit des fonds obtenus de la récolte et du trafic de drogues, des crimes organisés, des opérations de terrorisme, du trafic d’armes, de vols, de détournements de fonds et de falsification de monnaies. Le texte exige aussi des changeurs, des sociétés financières, foncières, de leasing, d’assurances, ainsi que des bijoutiers et des antiquaires de tenir des registres concernant les opérations dont le montant est supérieur à la somme qui sera définie par la Banque du Liban, conformément à la loi. De sources parlementaires, on a indiqué que le Liban reste énormément avantagé par rapport aux pays qui se sont dernièrement conformés aux exigences du Gafi dans la mesure où il a pu obtenir que la fraude fiscale ne fasse pas partie des opérations qui commandent la levée du secret bancaire et que le délai d’enquête soit fixé à cinq jours renouvelables. Quant à l’immunité accordée aux membres de la commission, elle s’explique par la nécessité de les protéger face à d’éventuels actes vindicatifs dans la mesure où ils doivent le plus souvent avoir à faire à des mafias, selon les mêmes sources.
Réunion technique hier place de l’Étoile : rien que du social et du juridique à l’ordre du jour de la cinquième séance parlementaire plénière de l’année qui a été principalement marquée par le vote de la loi relative à la lutte contre le blanchiment d’argent. L’adoption de ce texte donnera un coup de pouce à la mise en route du programme de redressement...