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Actualités - ANALYSES

Place de l’Étoile - Pour Berry, la séance d’hier était « une suite » à celle d’il y a deux semaines - Comme le Conseil des ministres, le Parlement a occulté le « vrai » débat

Que l’Exécutif se permette d’escamoter le vrai débat politique, comme lors du dernier Conseil des ministres et malgré l’extrême tension qui prévaut depuis deux semaines – en se contentant de s’en tenir à l’ordre du jour –, c’est déjà, en soi, une chose bien stupéfiante. Que l’État continue à cultiver l’absentéisme et les silences coupables comme d’autres, avec amour, leur potager, alors que la distibution de tracts subversifs, haineux et confessionnels, dure encore, en est une autre tout aussi condamnable. Mais que le président de la Chambre décide (ou qu’on lui ait demandé de décider) de considérer la séance plénière d’hier comme étant une suite à celle d’il y a deux semaines, en interdisant aux députés d’intervenir, de s’exprimer et de dialoguer avant de passer à l’examen des projets de loi à l’ordre du jour, cela devient simplement inadmissible. Inadmissible parce qu’en complète contradiction avec la vocation première d’un hémicycle, avec le cahier des charges d’un parlementaire. Quel qu’il soit. Non que le blanchiment d’argent ou la situation de certains enseignants ou directeurs du secteur privé et des projets de loi s’y rapportant ne soient pas d’une relative grande importance. Ils ont été traités par les députés avec tout le sérieux qu’ils méritaient. Sauf que, le fait est là : la rue, toutes tendances confondues, est en train de se laisser prendre à un début de psychose à laquelle les Libanais pourraient, à n’importe quel moment, céder. Peut-être devraient-ils (re)penser les mots, tenus hier dans les couloirs de la Chambre, de Hussein Husseini : «La détente n’est pas pour demain, mais l’explosion non plus». Sauf que, pendant ce temps, les députés n’ont pas eu le droit de retransporter le débat là où il est censé être traité – l’hémicycle –, de le rationnaliser, de le dépassionnaliser, de le mener à bout. En dialoguant. «Il n’est pas normal que l’on ne débatte pas d’une situation qui présage la pire forme de discorde, et le Parlement ne peut pas se contenter d’assumer le rôle de spectateur». Boutros Harb, en début de séance, a parlé au nom d’un (très) grand nombre de députés. Mais personne n’a été dupe des raisons invoquées par Nabih Berry pour s’attaquer directement à l’ordre du jour. Les députés non plus – la plupart ignoraient cette décision –, même s’ils ont tous tenu à ne pas critiquer la gestion du speaker, et même si certains d’entre eux étaient fermement convaincus que ce n’est ni la rue ni les interventions des députés qui pouvaient régler le problème et taire le confessionnalisme, «mais un dialogue», à l’instar du député hezbollahi Hussein Hajj Hassan, interrogé, comme plusieurs de ses collègues par L’Orient-Le Jour, en marge de la séance. «Plus le Parlement ou le Conseil des ministres occultent ce genre de sujets, plus la tension, dans la rue, augmente. Il ne serait pas judicieux de ne pas en parler, c’est une des principales préoccupations des Libanais, d’autant plus que la psychose semble être là. Raison de plus pour en débattre, créer une plate-forme de dialogue ouverte et intelligente», a estimé le député du bloc joumblattiste Salah Honein. «Le sujet n’est pas d’être d’accord ou pas avec la décision du président Berry, c’est comme ça. Mais personne ne veut la guerre de nouveau», a déclaré le député PSNS Marwan Farès. Quant à Misbah el-Ahdab, député de Tripoli, proche de Rafic Hariri, il a été plus loin : «Le président Berry n’a pas été à l’encontre du règlement intérieur en estimant que cette séance était une suite. Mais il aurait dû dépasser cela, la situation actuelle nécessite une communication, un échange d’idées. On ne peut pas faire face en ignorant ce qui se passe. Avec les interventions, on aurait pu dire les choses, essayer de calmer le jeu, de diminuer la panique des Libanais». Et le député du Chouf Georges Dib Nehmé – qui, comme ses collègues de Zahlé Élie Skaff, de Beyrouth Adnan Arakji, ou du Nord Jean Obeid, a fait une déclaration publique dans le hall du Parlement – a indiqué à L’Orient-Le Jour que son discours était personnel, en accord avec ses propres convictions, et que «les membres du bloc joumblattiste partageaient (ce) point de vue». Le ministre des Télécommunications Jean-Louis Cardahi, proche du chef de l’État, a souligné que «toutes les questions doivent être posées au Parlement, ou dans le cadre des institutions. Cela est naturel, le Liban est un pays démocratique et nous croyons aux valeurs démocratiques», a-t-il assuré. Nassib Lahoud, enfin... Le député de Baabdate a avoué qu’il a été «partagé. Oui, j’aurais voulu intervenir, mais il ne faut pas en faire un drame. Il y aurait eu 2 ou 3 voix d’un côté, 20 de l’autre... Et puis on a beau dire que le Parlement est le lieu du dialogue, mais c’est à l’Exécutif, d’abord, d’enclencher tout cela. Après tout, nous, nous ne sommes que le Législatif», a-t-il ajouté, rappelant la promesse de Nabih Berry, celle de convoquer, «bientôt», l’Assemblée pour un débat de politique générale. Sauf que d’ici là, des torrents pourraient gronder sous les ponts.
Que l’Exécutif se permette d’escamoter le vrai débat politique, comme lors du dernier Conseil des ministres et malgré l’extrême tension qui prévaut depuis deux semaines – en se contentant de s’en tenir à l’ordre du jour –, c’est déjà, en soi, une chose bien stupéfiante. Que l’État continue à cultiver l’absentéisme et les silences coupables comme...