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Actualités - BIOGRAPHIES

Portrait - Il a annoncé la création du Rassemblement national pour le salut et le changement - Najah Wakim, un marginal qui dérange

La cigarette ne quitte jamais ses doigts, d’abord parce qu’il est un fumeur invétéré, ensuite parce qu’il aime bien se cacher derrière son voile opaque. Najah Wakim a beau avoir un franc-parler quasi légendaire, il n’aime pas beaucoup parler de lui. «Non pas que j’ai des choses à cacher, précise-t-il chaque fois qu’on lui pose cette question, mais parce que j’estime que ce qui compte, c’est mon action publique. Le reste ne concerne que moi». Fonceur, attaquant sans merci ses adversaires avec des qualificatifs qui dépassent souvent la bienséance, il a un style qui séduit les jeunes de toutes les communautés mais qui dérange leurs aînés, qu’ils soient ou non au pouvoir. Dans la nuit de samedi à dimanche, un étrange incendie s’est déclaré à son bureau, une semaine exactement après la création du Rassemblement national pour le salut et le changement. Depuis 1972 et son élection surprise au Parlement alors qu’il n’avait que 26 ans, Najah Wakim s’est consacré à la politique pour défendre une cause à laquelle il continue de croire, même s’il reconnaît qu’elle semble de plus en plus inaccessible. Pour lui, le nassérisme qui l’a porté vers la victoire en 1972 continue à incarner le rêve d’une nation arabe unie, capable d’affronter les défis actuels et de défendre efficacement la cause palestinienne, qui reste la plus importante puisqu’elle est à l’origine des problèmes de la région. D’ailleurs, depuis sa première élection, Wakim est resté fidèle à cette cause, au point qu’on l’a longtemps accusé d’être l’agent des Palestiniens au Liban ou, en tout cas, de toucher de l’argent de certaines organisations. Wakim nie naturellement ces accusations tout en précisant que, pour lui, la cause palestinienne est toujours aussi sacrée et le peuple palestinien qui se bat avec des pierres contre les gigantesques moyens israéliens, toujours aussi noble. Même si ses dirigeants le sont beaucoup moins. D’ailleurs, avec l’éclatement de la guerre au Liban, Wakim s’était de plus en plus éloigné d’Abou Ammar, pour se rapprocher du FPLP de Georges Habache, pour lequel il continue de vouer une grande admiration. Ses liens avec cette organisation étaient si étroits qu’on avait laissé entendre à un moment donné qu’elle lui donnait de l’argent. Et Najah Wakim, qui vit toujours dans le même modeste appartement depuis des années, répond qu’au moment de quitter Beyrouth en 1982, le FPLP avait placé certains de ses biens en son nom afin de les protéger. Il ajoute que par la suite, il a tout restitué au représentant de cette organisation au Liban, Salah Salah. Opposé à toutes les milices Personnage non confessionnel, Wakim a toujours été un marginal, dans un pays où la confession tient souvent lieu d’appartenance politique. Il s’est ainsi opposé à toutes les milices, chrétiennes et musulmanes, pendant la guerre et à tous les mouvements et groupes confessionnels après Taëf. Lucide, il avait été le premier à dénoncer la structure confessionnelle latente dans cet accord et à considérer qu’il ne pouvait constituer une solution viable pour le Liban. Il avait même été le premier à dénoncer ouvertement la politique syrienne au Liban en pleine séance parlementaire, ce qui lui avait valu une violente réponse de la part de son ami, le baassiste Assem Kanso, visiblement chargé de ce genre de besogne puisqu’il a récidivé il y a quelques mois avec Walid Joumblatt. Wakim avait alors bien reçu le message, sans pour autant modifier ses convictions. Pour lui, la Syrie reste l’alliée stratégique dans le conflit arabo-israélien et ce n’est certainement pas lui qui réclamerait la dissociation des volets libanais et syrien, mais il considère avoir le droit de critiquer certains agissements syriens au Liban. Ce débat ayant été ouvert avant l’heure, Wakim avait été contraint à adopter un profil bas, le temps que la tempête se calme. Il n’avait pu mettre à profit cette période pour tenter de se rapprocher du courant aouniste et d’autres formations «chrétiennes», les divergences étant fondamentales entre eux. Il est donc contraint à faire cavalier seul ou presque, avec les restes de ce qui fut la gauche libanaise et son allié de Saïda Moustapha Saad. Maintenant qu’il a perdu son siège parlementaire, il n’a même plus accès aux médias, ceux-ci mentionnant à peine ses déclarations. Pourtant, dans cette atmosphère fanatisée à l’extrême, où le débat prend des accents de plus en plus confessionnels, le Liban aurait eu besoin d’un autre son de cloche. «Je propose aux Libanais une troisième voie, celle de l’opposition non confessionnelle, face au loyalisme et à l’opposition confessionnelle», déclare Najah Wakim en annonçant dimanche dernier la création du Rassemblement national pour le salut et le changement (RNSC). Un rassemblement qui n’a pas encore de structure véritable et dont on ne connaît pas tous les membres, mais qui appelle à une réforme administrative, politique, économique et sociale, basée sur la déconfessionnalisation des institutions et de la société en général, car le confessionnalisme a empêché l’établissement d’un système politique sain. Ce rassemblement dénonce aussi le déséquilibre dans les relations libano-syriennes, tout en faisant assumer aux autorités libanaises et syriennes la responsabilité de ce déséquilibre. Le fait que des alliés traditionnels de la Syrie comme Moustapha Saad et Wakim lui-même aient adopté ce genre de position est passé relativement inaperçu dans le climat actuel et dans ces conditions, le RNSC n’a pas beaucoup de chances de constituer une véritable troisième voie pour les citoyens. Conscient de la difficulté de la mission, Wakim reste convaincu qu’il faut agir, car la situation est particulièrement dramatique. Selon lui, on veut affaiblir le Liban pour qu’il soit prêt à accepter les plans américano-israéliens pour la région. Économiquement, nous sommes dans l’impasse, mais, selon lui, on détourne l’attention des Libanais en exacerbant leurs sentiments confessionnels et en créant ce climat malsain. Wakim souffre aujourd’hui de voir l’état de délabrement de son pays, ce pays dans lequel il espère que ses enfants, dont il est si fier, auront un avenir. Rêveur invétéré, il continue à croire à sa cause et à se battre pour ses convictions, même s’il est de plus en plus convaincu que la grande chance des Arabes est passée. Toutefois, pour lui, il n’y a d’autre choix que le combat pour les idées. On l’a accusé d’être populiste, voire démagogue, il n’est qu’un homme du peuple qui croit toujours que celui-ci mérite mieux que les gouvernants qu’on lui impose.
La cigarette ne quitte jamais ses doigts, d’abord parce qu’il est un fumeur invétéré, ensuite parce qu’il aime bien se cacher derrière son voile opaque. Najah Wakim a beau avoir un franc-parler quasi légendaire, il n’aime pas beaucoup parler de lui. «Non pas que j’ai des choses à cacher, précise-t-il chaque fois qu’on lui pose cette question, mais parce que...