Rechercher
Rechercher

Actualités - CONFERENCES ET SEMINAIRES

COLLOQUE - « Francophonie et dialogue des cultures dans le monde arabe » à l’UL, Tripoli - Salamé : Les entrepreneurs culturels sont dangereux lorsqu’ils entrent en politique

Clôturant le colloque «Francophonie et dialogue des cultures dans le monde arabe» organisé par la faculté des lettres de l’UL de Tripoli, le ministre Ghassan Salamé a développé trois notions fondamentales : le dialogue, la culture et la francophonie. «Le dialogue, a-t-il souligné, est à mes yeux quelque chose qui peut être dans d’autres cultures un luxe, et que pour nous Libanais est un défi quotidien. Si on ne le fait pas, on peut glisser dans la violence, et si on le réussit, on peut connaître des phases de convivialité et de joie qui ont fait l’essence de notre histoire. Le dialogue a des exigences. L’une de ces exigences est la reconnaissance de l’autre et le respect de la légitimité de cette altérité. Il me semble que l’altérité est en principe légitime et que nous devons la reconnaître. Mais au-delà de ces réflexions, peut-être banales, il me semble aussi que le dialogue ne peut véritablement être fait que si ceux qui s’y engagent acceptent de prendre le risque d’être transformés par le dialogue. On n’entre pas innocemment dans le dialogue. Et ceux qui pensent entrer dans un dialogue pour en sortir exactement indemnes, semblables à l’état dans lequel ils sont entrés dans le dialogue, ils n’ont pas dialogué, ils ont traversé un processus qui ne les a pas transformés et s’il ne les a pas transformés c’est qu’ils n’ont pas dialogué. Il ne s’agit pas simplement, me semble-t-il, du respect de l’altérité de l’autre, mais il s’agit de l’acceptation que cette altérité peut conduire à une identification avec l’autre ou à une transformation par l’autre». M. Salamé a poursuivi : «À propos de la culture : à mon avis, les cultures ne dialoguent pas, ce sont les hommes qui dialoguent, ce sont les groupes qui peuvent dialoguer, éventuellement les États, mais j’en doute. Les cultures ne sont d’ailleurs pas en confrontation non plus. Elles ne s’entrechoquent pas, les cultures ne sont pas des êtres. Les cultures à mes yeux sont d’abord et avant tout les creusets importants où nous puisons nos valeurs, nos idées, nos goûts esthétiques et elles sont une espèce de réservoirs qui nous aident à négocier tous les jours et à renégocier l’identité. C’est pourquoi il me semble que le discours sur le choc des civilisations risque d’être un peu superficiel. Le paradigme du choc des civilisations est vicié à la base... En réalité, cette fin du XXe, début du XXIe siècle me paraît dominée par la multiplication des entrepreneurs culturels. Et les entrepreneurs culturels, lorsqu’ils entrent en politique sont particulièrement dangereux. Ils tendent à ignorer le fait que de plus en plus les individus sont transculturels ou au moins ils renégocient toujours une équation entre des cultures différentes dans leur propre individualité. Or les entrepreneurs culturels quand ils entrent en politique veulent réduire cette complexité à une espèce d’identité. Les entrepreneurs culturels quand ils prennent les armes deviennent dangereux, et nous autres Libanais, nous le savons plus que les autres. Car ils aboutissent à vouloir non seulement imposer une identité unique pour les hommes, mais également une identité unique au territoire. Nous avons connu le nettoyage confessionnel dans notre pays, et les Balkans connaissent encore le nettoyage ethnique. Les entrepreneurs culturels, également, quand ils entrent dans la politique et qu’ils s’arment, deviennent particulièrement dangereux parce qu’ils essayent de réduire la culture à un ustensile de lutte. C’est pourquoi il me semble épistémologiquement que nous devons beaucoup réfléchir avant de nous contenter simplement de jeter aux yeux et à la face des entrepreneurs culturels le simple concept de dialogue des cultures». « La francophonie, a indiqué M. Salamé, a peut-être commencé autour du concept “parler français” «elle s’en est beaucoup éloignée heureusement. Heureusement parce qu’il me semble qu’elle s’est constituée comme une tribune internationale fondée précisément sur deux réfutations extrêmement prometteuses d’avenir. La première est la réfutation de l’uniformité, non seulement de l’uniformité culturelle comme une valeur mais de l’uniformité comme projet et même comme possibilité. La francophonie est là pour dire que l’uniformité est un projet fondamentalement absurde». «La deuxième réfutation est le concept même de la diversité au sein de la même tribune comme modèle pour l’ensemble de l’univers. Il y a une langue française, mais des cultures francophones que la francophonie a réussi à ressembler, ce qui fait que la fête du 20 mars que j’ai ratée à Beyrouth j’ai pu la rattraper à Kinshasa. Ces deux réfutations sont importantes pour mille raisons et elles sont particulièrement importantes pour le Liban parce que le Liban est à la fois un territoire et une mission», a-t-il conclu. Recommandations Après l’allocution du ministre Salamé, la coordinatrice du colloque, Mme Zahida Darwiche Jabbour, a lu les recommandations des participants. «Après avoir posé la problématique de la culture francophone dans le monde arabe sous ses divers aspects, a-t-elle dit, exposé toutes les situations de la littérature francophone, analysé les rapports de l’écrivain francophone à sa culture maternelle, étudié la question de l’identité et de l’identification dans l’acte d’écrire le français et constaté la vitalité de la langue arabe comme langue d’identité nationale riche d’une culture ancestrale, porteuse de valeurs humaines, et le rôle important que joue la francophonie dans le dialogue des cultures et principalement dans la culture arabe avec les cultures francophones». Les participants au colloque ont retenu les recommandations suivantes : — Inciter les autorités et les instances francophones à œuvrer pour : 1 – Le respect des spécificités culturelles des pays francophones dans un monde où la mondialisation s’impose de plus en plus. 2 – L’interaction entre les cultures francophones. 3 – La multiplication des espaces du dialogue. 4 – Le dépassement d’une vision dichotomisante opposant les Arabes aux francophones, l’Orient à l’Occident, le Nord au Sud. 5 – La promotion de la communication entre la francophonie et le monde arabe, le développement de la francophonie étant lié à une dynamique d’échange et d’acculturation avec la langue et la culture arabes. 6 – La non-limitation de la francophonie à sa dimension politique pour l’ancrer davantage dans sa dimension culturelle. 7 – L’encouragement des traductions dans tous les domaines dans les deux langues. 8 – Le développement des réseaux de recherches francophones dans les universités, afin de faciliter la circulation de l’information et du savoir. 9 – L’encouragement de la publication francophone. 10 – La diffusion des technologies de l’enseignement et de la recherche dans toutes les universités. Les participants lancent enfin un appel au IXe Sommet francophone pour faciliter la mobilité des chercheurs, étudiants, écrivains et linguistes francophones dans l’espace de la francophonie.
Clôturant le colloque «Francophonie et dialogue des cultures dans le monde arabe» organisé par la faculté des lettres de l’UL de Tripoli, le ministre Ghassan Salamé a développé trois notions fondamentales : le dialogue, la culture et la francophonie. «Le dialogue, a-t-il souligné, est à mes yeux quelque chose qui peut être dans d’autres cultures un luxe, et que pour...