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Actualités - ANALYSES

Boutros poursuit une mission triplement difficile

On l’aura compris : la mission de M. Fouad Boutros ne se limite pas à jeter un pont entre Bkerké et Damas. Elle offre en effet deux autres dimensions également importantes : le traitement de l’ensemble du contentieux libano-syrien et la lubrification des rapports entre le patriarcat et le régime. Ces volets restent cependant étroitement interdépendants. Ainsi, il est peu plausible qu’il puisse y avoir un accord entre Damas et Bkerké sans que Baabda n’y souscrive ; et inversement, il est peu probable qu’il y ait entente entre les deux pôles maronites locaux sans l’aval de la Syrie. En tout cas, la triple mission de l’ancien ministre reste naturellement triplement difficile. D’autant que certains dirigeants cachent mal qu’ils sont peu désireux d’engager un quelconque dialogue en dehors du cadre des institutions officielles. Ils s’abritent derrière un argument que le plébiscite délivré à Bkerké fragilise beaucoup : «Nous ne savons pas, affirment-ils, avec qui parler. Car les pôles qui affirment représenter le camp chrétien sont aussi nombreux que divergents.» Depuis son retour, Mgr Sfeir s’impose comme un interlocuteur incontournable des autorités. Mais même si l’on met de côté le blanc-seing populaire accordé au patriarche, on peut réfuter les objections de ces responsables par une suggestion simple : organiser un dialogue général. Qui du reste engloberait également les courants musulmans, eux aussi «nombreux et divergents». Cependant les officiels réfractaires à cette idée soutiennent qu’elle est utopique, irréalisable. Car, à leur avis, il ne peut y avoir d’entente ni sur la liste des sujets à débattre, ni sur les principes à retenir, ni sur les mécanismes à mettre en œuvre pour aboutir à des dénominateurs communs. «Ainsi, expliquent-ils, Bkerké souhaite que le dialogue porte sur le redéploiement de l’armée syrienne, en prélude à son retrait, conformément aux dispositions de Taëf. Or cette question est du ressort exclusif des gouvernements des deux pays et ne peut dès lors faire l’objet d’un débat généralisé. Les décisions doivent être prises en commun par les deux États concernés, à la lumière des impératifs stratégiques et à l’ombre des menaces israéliennes. Dès lors, en bonne logique, le retrait syrien ne peut intervenir qu’après la conclusion d’une paix globale dans la région». La pression de l’opinion se fait toutefois si forte que le pouvoir local ne peut plus s’arc-bouter sur une position aussi radicale. On note de la sorte que lorsque l’Est soutient qu’il exprime tout haut ce que l’Ouest pense tout bas, personne ne lui répond que ce n’est pas vrai. Alors, «en bonne logique», pour parler comme les loyalistes cités, on devrait s’acheminer vers le dialogue. Mais qui pourrait-il donc réunir ; quels seraient ses fondements et son ordre du jour ? Beaucoup de pôles pensent que les réponses à ces interrogations pourraient être apportées en fin de compte par M. Fouad Boutros, dont la mission est généralement reconnue comme primordiale. L’ancien ministre, qui a rencontré à deux reprises le président Bachar el-Assad et le patriarche Sfeir, doit également voir aujourd’hui même le président Lahoud pour la deuxième fois. Il a eu comme on sait des entretiens antérieurs avec les présidents Berry et Hariri. Un tour de table nécessaire, car M. Boutros a besoin de tous les soutiens possibles pour réussir. Et pour préserver sa mission des attaques de flanc de coulisses dont elle risque de faire l’objet, notamment de la part des officiels qui rejettent l’idée même de dialogue. En tout cas, on ne peut pas se faire d’illusions : si les décideurs ne veulent pas jouer le jeu, la partie sera finie avant de commencer. Aussi, les espoirs se tournent maintenant vers une invitation que M. Boutros recevrait prochainement de Damas, pour y rencontrer de nouveau le président Assad. Espoirs renforcés, il faut le souligner, par la proximité de la visite que le Saint-Père doit effectuer en Syrie entre le 5 et le 8 mai prochain. Un événement qui pourrait inciter la direction syrienne à mettre un peu d’eau dans son vin en ce qui concerne le dossier des relations avec le Liban en général. Et avec Bkerké en particulier.
On l’aura compris : la mission de M. Fouad Boutros ne se limite pas à jeter un pont entre Bkerké et Damas. Elle offre en effet deux autres dimensions également importantes : le traitement de l’ensemble du contentieux libano-syrien et la lubrification des rapports entre le patriarcat et le régime. Ces volets restent cependant étroitement interdépendants. Ainsi, il est peu...