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Actualités - OPINIONS

ENSEIGNEMENT - La philo au bac libanais vidée de son sens

Les Libanais aujourd’hui mettent à mort la philosophie. Leurs craintes sont les mêmes que celles des sophistes grecs, leurs actions politiques encore plus basses et moins raffinées et leurs buts n’en sont pas moins meurtriers et tyranniques : accaparer le pouvoir aujourd’hui et demain et pour ce faire, extraire, de sa racine même, le germe de toute révolte future possible à savoir, l’enseignement de la philosophie dans le cycle secondaire. Machiavéliques, ils invoquent l’esprit des nouveaux programmes et proposent une méthode empoisonnée censée être plus accessible et à la portée de tous les élèves y compris de tous les cancres! Ils mutilent, déforment et décortiquent la dissertation philosophique, héritière légitime de la maïeutique socratique, et lui substituent une copie arabisée de l’ancienne composition de la philosophie arabe au bac officiel libanais, je parle de cette contradiction foncière appelée «dissertation dirigée»! En effet, la composition philosophique, proposée au bac officiel libanais et mise en vigueur au bac blanc qui a eu lieu le 27 de ce mois, est réduite à une série de questions qui affichent un coefficient numérique. Mais le massacre de la dissertation philosophique au profit d’un par-cœur verbal et désarticulé n’est pas un crime isolé. Il s’accompagne d’un autre crime encore plus barbare, celui de la pensée créative, critique et libre. L’éléve ne pense plus son plan et ne trouve plus lui-même ses réponses; le tout est donné dans les questions posées ! le plan est dessiné et imposé, les réponses sont avancées dans la formulation même des questions (à titre d’exemple très flagrant, dans la traduction arabe du texte de Freud proposé pour la série Humanités, la phrase une pratique couronnée par le succès fut traduite par une pratique clinique alors qu’on interrogeait l’élève sur la nature même de cette pratique!) La valeur de chaque réponse est à l’avance attribuée selon une distribution de points absurde mais assez révelatrice. Ainsi, plus que la moitié de la note dut accordée à des questions introductives qui ne touchent pas le fond du problème posé (Par exemple le sujet des tendances proposé à la série Humanités), ou alors un 5/20 est donné à une «opinion personnelle» (on se croirait là dans une rédaction littérraire) qui n’est autre qu’un substitut déformé de la synthèse philosophique. L’étude du texte proposée pour la première fois au bac libanais manque, elle aussi, ses objectifs et commet, à elle seule, plus de dégâts que les deux «dissertations dirigées». L’élève ne doit pas en réalité faire une étude détaillée, celle-ci est déjà faite et avancée dans la série des questions proposées. Il n’a plus qu’à recopier en paragraphes isolés et numérotés les réponses incluses dans les questions. Là encore, la distribution des points est significative; par exemple, l’analyse de l’intérêt philosophique du texte reçoit moins que le 1/4 environ de la note globale. Dans ces deux formes de composition, l’élève n’est plus censé problématiser, analyser, critiquer ou philosopher tout court! Il n’est plus qu’un perroquet qui répète sans les comprendre les questions posées, tout ou plus bégayera-t-il des éléments épars d’un cours mémorisé aveuglement! La parole intelligente lui est retirée et ironie du sort, il a eu à composer sur l’intelligence (Série T.E.S., T.S.V. et T.S.G.). Les enjeux d’une telle démarche sont multiples et dangereux mais ne différent en rien de ceux qui étaient actifs au procès de Socrate. Les Libanais, ces descendants d’Educlide et de Zénon le stoïcien, déclarent aujourd’hui la sentence suivante: à mort la philosophie! Son crime? Elle était, elle seule encore, libre trop libre, il fallait lui ôter d’urgence ce pouvoir de négation et de contestation! Nos responsables ont tué Socrate, ils ont avorté les esprits libres! Professeur de philosophie
Les Libanais aujourd’hui mettent à mort la philosophie. Leurs craintes sont les mêmes que celles des sophistes grecs, leurs actions politiques encore plus basses et moins raffinées et leurs buts n’en sont pas moins meurtriers et tyranniques : accaparer le pouvoir aujourd’hui et demain et pour ce faire, extraire, de sa racine même, le germe de toute révolte future possible à...