MUSIQUE - En tournée à Chypre, au Liban et en Syrie - Le duo de guitare classique Spinosi : - à cheval entre l’ancien et le nouveau

Josiane et Philippe Spinosi sont mari et femme et forment un duo de guitares depuis bientôt 15 ans. Leur répertoire de musique classique va du XVIIIe siècle à nos jours, et les deux musiciens – qui jouent aussi bien sur des instruments d’époque que modernes – interprètent des œuvres originales pour deux guitares. Invités par les Centres culturels français de la région, ils sont actuellement en tournée au Liban, après Chypre et avant la Syrie. Rencontre. Josiane Rabemananjara a fait ses études de musique au Conservatoire d’Orléans, puis au Conservatoire d’Aulnay-Sous-Bois (en région parisienne) où elle obtient une médaille d’or. C’est là qu’elle rencontre Philippe Spinosi qui a suivi toute sa formation dans cette même institution. Le couple participe à des séminaires internationaux près de grands solistes et suit des cours avec de très grands guitaristes internationaux comme Alvaro Pierri et Roberto Aussel. Le Duo Spinosi est ensuite créé. «Nous avons forgé notre duo en plusieurs années, notamment auprès de trois personnalités qui nous ont beaucoup marqués : le chef d’orchestre et flûtiste Pierre-Alain Biget, professeur de musique de chambre en France, et le prestigieux duo des frères brésiliens Sergio et Odair Assad, qui sont la référence mondiale actuellement en ce qui concerne le duo de guitare classique», indiquent les musiciens. Avec Biget, ils donnent à leur duo des fondations de véritable ensemble de musique de chambre. Avec les frères Assad, ils acquièrent un savoir-faire très précis sur le fonctionnement du duo. Le Duo Spinosi se produit dans de nombreux festivals en France et donne 180 concerts en trois ans. Il participe à des concours internationaux ainsi qu’à des émissions télévisées et à des directs radiophoniques. À l’initiative des Centres culturels français et alliances françaises à l’étranger, il voyage beaucoup à l’intérieur de la France, mais part également en tournée aux États-Unis, au Maroc, en Tunisie, en Allemagne, en Irlande, dans les pays de l’océan Indien, à Madagascar et aux Îles Maurice, séduisant des publics très variables, jeunes ou moins jeunes. Musiques françaises originales Depuis trois ans, le Duo Spinosi approfondit la musique française. «Souvent on connaît la guitare comme instrument pour musique espagnole. Nous avons choisi volontairement de servir la musique française parce que nous sommes des musiciens français, et parce qu’il y a beaucoup de belles choses à faire découvrir au public», affirment-ils. Hier midi au Collège Protestant et hier soir au campus des sciences humaines de l’USJ, rue de Damas, le duo a interprété des œuvres françaises – fin XVIIIe siècle, début XIXe siècle – écrites pour deux guitares. Pas d’arrangements donc, sauf pour un seul morceau, les Trois pièces pour clavecin de Jean-Philippe Rameau, arrangées par Philippe Spinozi pour la guitare (ancienne). Et pour le reste du programme : Antoine de Lhoyer, Napoléon Coste (instruments anciens) et Jacques Ibert, Jean Françaix et Pierre-Petit (instruments modernes). Ce soir jeudi 29 mars, le Duo Spinosi se produira à Aley, 18h30, en l’église des grecs-catholiques ; demain vendredi 30, à Saïda, au Lycée Hariri et samedi 31, à Deir el-Kamar, en l’église Saydet el-Tallé. C’est en Syrie qu’il sera ensuite reçu, avant de clore sa tournée dans la région et de rentrer en France. Josiane et Philippe Spinozi veillent avec beaucoup de douceur et de précaution à leurs guitares d’époque, «sensibles à l’humidité et aux variations de température. Ce sont des instruments anciens et rares, et très peu de guitaristes en jouent. Visuellement, elles sont très différentes des guitares modernes». Plus petites, ornées d’ivoire et de nacre, fabriquées avec du bois d’arbres fruitiers par les deux plus grands luthiers de l’époque. La guitare de Philippe Spinosi est une Lacote et date de 1825. Les «barrettes» du manche sont directement incrustées sur le bois de l’instrument. Celle de Josiane Spinosi est une Coffe-Goguette et date de 1827. La plaque de touche vient se superposer au manche. «“Lacote” était surnommée le Stradivarius de la guitare. Elle et “Coffe-Goguette” correspondent à l’apogée d’un courant français de la guitare qui avait démarré avec Louis XIV, grand amoureux de cet instrument de musique, ce que beaucoup de gens ignorent», indique Philippe Spinosi. «On n’imagine pas un roi jouant de la guitare mais lui en jouait très bien. Il aimait aussi beaucoup la danse et le théâtre. À cette époque, la fabrication de guitares avait atteint un très haut degré de raffinement. Puis ce courant s’est un peu éteint au XIXe siècle. Aujourd’hui, il est en train de renaître en France où l’on refait actuellement énormément de guitares. Les instruments de fabrication française ont une cote qui monte et deviennent mondialement connus. Parallèlement, il y a de plus en plus de bons guitaristes français, et le duo de guitare est une formation en pleine expansion». Un guitariste doit aussi s’occuper des ongles de sa main droite (côté cordes), ceux de la main gauche étant toujours coupés (côté manche). «Nous avons un matériel pour cela, du papier à ongle pour guitaristes et autres limes…», explique Josiane Spinosi dans un sourire. Une découverte intéressante que le couple a faite au Liban : le rapport oud/guitare ancienne. «À la fin de chacun de nos concerts, des joueurs de oud sont venus nous dire qu’ils sont très impressionnés par le son de nos instruments anciens qui s’apparente, paraît-il, au son du oud, bien plus qu’à celui de la guitare actuelle». Le Duo Spinosi a enregistré à ce jour deux disques. Le dernier, qui rencontre un vif succès, est un disque en duo sur la musique française originale pour deux guitares autour de 1850 et 1950. Enregistré avec la participation de Radio France (pour la technique et le son), il est distribué par Harmonia Mundi et disponible dans les discothèques libanaises, à la suprise du couple Spinosi. «Finalement, beaucoup d’œuvres ont été écrites pour deux guitares, même si l’on a souvent l’impression du contraire. Il faut simplement se donner la peine d’aller à la recherche des partitions, fouiller dans les bibliothèques nationales du monde. On y trouve des heures et des heures de musique», concluent les musiciens. Leur prochain disque, qui est en préparation, sera consacré à Antoine de Lhoyer. Il comprendra plusieurs œuvres qui ont toutes été retrouvées par le couple, et qui ne sont pas encore éditées. Bons entendeurs, soyez aux aguets…