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Actualités - REPORTAGES

HISTOIRE - L’arrivée des Arabes en Andalousie - Le dialogue des cultures : du Moyen Age à la Renaissance -

Ayant conquis l’Afrique du Nord, les Arabo-musulmans vont franchir le détroit de Gibraltar et occuper le sud de l’Espagne et toute l’Andalousie. Leur ardeur, leur fougue et les alliances qu’ils noueront avec les hobereaux locaux leur feront franchir les Pyrénées; ils ne furent arrêtés qu’à Poitiers par Charles Martel. Apaisés pour un moment et relativement assagis, ils vont profiter des douceurs de l’Andalousie. Son doux climat était propice à la poésie, à la philosophie et à la douceur de vivre. Les intellectuels parmi eux se prirent à méditer sur ce qu’ils avaient appris en Orient, des trésors, quoique édulcorés, de la philosophie et des sciences des Grecs, des Romains et de celles de l’Orient profond, ainsi que sur les belles envolées lyriques et poétiques de l’Arabie heureuse qui font que la langue arabe reste une des plus belles et des plus riches langues du monde. Arrivés en Andalousie, riches de ce bagage intellectuel, lourd de l’héritage de plusieurs cultures savamment mélangées, et voulant continuer le dialogue entamé à la cour omeyyade et dans l’oasis de tolérance et d’ouverture qu’était le Bagdad abbasside de Haroun el-Rachid et d’al-Ma’moun, les Arabes d’Andalousie ne tardèrent pas à ouvrir, dans leurs principales villes, des écoles et des universités. Très vite, la renommée des universités andalouses et les fastes des cours arabes d’Espagne traversèrent les frontières, et très vite en Europe les gens avides de connaissances et de savoir se mirent à apprendre l’arabe, langue de poésie, de philosophie et de sciences. Ils se dirigèrent donc vers le sud pour acquérir le savoir. Les philosophes et les savants du Maghreb et de l’Espagne dialoguaient avec leurs collègues européens. Un souffle de liberté et de tolérance souffla sur l’austère Europe médiévale. Rudyard Kipling disait : «L’Orient est l’Orient, et l’Occident est l’Occident, ils ne se rencontreront jamais». Il pensait, en disant cela, que leur sensibilité, leur goût et leur concept de la vie sont différents à cause de la différence des origines de leurs croyances, de leurs us et coutumes et de leurs traditions, et que les critères qui régentent leur vie quotidienne par rapport aux êtres et aux choses ne sont pas les mêmes. Si Rudyard Kipling pensait seulement à cela, il avait raison. Mais l’Orient et l’Occident se sont souvent rencontrés sur les champs de bataille, mais aussi autour des tables de négociation, des traités, des trêves et des intérêts économiques et politiques communs. Ils se sont donc connus ; ils se sont entraidés pendant les guerres et pendant les périodes de trêve et de paix, d’autant plus que pour gagner une guerre contre l’autre, ou réussir une paix avec lui, il faut très bien l’étudier pour pouvoir très bien le connaître et, partant, traiter avec lui d’égal à égal par les armes ou dans les négociations. Culture et goût du savoir C’est ce que les Arabes s’installant en Andalousie ont fait tout comme les indigènes. Ils se sont rencontrés, ils se sont connus, ils ont frayé ensemble et se sont entremêlés, et ils ont donné à l’Occident frileux et sceptique d’abord l’exemple d’un niveau élevé de culture et le goût du savoir. L’Europe commença donc à apprendre l’arabe d’abord en Espagne avec les Mozarabes, surtout à Tolède dont la tête de file fut l’archevêque de la ville Ximenez de Rada (XIIe et XIIIe siècles). Le terrain préparé et ensemencé par les Mozarabes et les savants arabes tels que Ibn Zahr, Ibn Baja et Ibn Roshd (Averroès) porta rapidement ses fruits ; il ouvrit la voie à des savants européens tels que Gérard de Crémone, Albert le Grand, Michael Scothus et Roger Bacon. L’influence de ces grands maîtres arabes et européens s’étendit sur tout le continent et fut une des causes premières de l’éclosion de la pré-Renaissance et de la Renaissance italienne d’abord, puis occidentale. D’un autre côté, comme chacun sait, le malheur des uns fait le bonheur des autres, le modus vivendi que les Byzantins avaient réussi à instaurer et à faire respecter à l’époque omeyyade et au cours des deux premiers siècles de l’ère abbasside commença à s’effriter à partir du XIe siècle. Les hordes barbares venues de l’est grignotaient chaque jour une parcelle de l’empire dont la superficie se rétrécissait comme une peau de chagrin. L’arrivée des Croisés de l’Occident n’était pas faite pour arranger les choses. Devant le danger de la chute définitive de l’empire, les premiers à fuir le navire en détresse furent les intellectuels avec leurs vieux grimoires et leurs manuscrits. Ces gens du savoir étaient bien placés, eux qui étaient au courant de tout pour pressentir le sort que l’on réservait aux bibliothèques et aux intellectuels lors des sacs de villes et de la ruine des empires. La plupart de ces lettrés étaient des religieux, ce fut, tout naturellement, qu’ils prirent le chemin de Rome, capitale de la chrétienté et à l’abri désormais des coups du sort. Les milieux cultivés de l’Italie et de l’Europe reçurent à bras ouverts ces collègues, d’autant plus qu’ils apportaient avec eux des trésors inestimables. Profitant de l’esprit de tolérance ambiant et alléchés par ce qu’ils avaient déjà acquis, ils s’appliquèrent à lire, in extenso, les auteurs classiques orientaux et occidentaux. N’étant plus retenus par les interdits imposés par la chrétienté d’Orient et l’islam, les exégètes de l’Europe étanchèrent leur soif non seulement de philosophie et de sciences mais aussi d’architecture, de sculpture et de peinture, et de tous les beaux-arts en général. Cela sonna le glas des universités espagnoles, pour leur malheur, les maîtres de ces établissements ne pouvaient se libérer du carcan que leur religion leur imposait. L’avance qu’ils avaient prise sur l’Europe s’arrêta aux portes de la Rome renaissante et de la Constantinople encore fumante de ses ruines. La stagnation obligée qu’ils durent subir devant le progrès italien les relégua à tout jamais à la traîne de l’histoire. Ils furent les géniteurs et les promoteurs de la pré-Renaissance et ses premières victimes. Le Moyen Age européen venait de se terminer, celui de l’Orient venait de commencer.
Ayant conquis l’Afrique du Nord, les Arabo-musulmans vont franchir le détroit de Gibraltar et occuper le sud de l’Espagne et toute l’Andalousie. Leur ardeur, leur fougue et les alliances qu’ils noueront avec les hobereaux locaux leur feront franchir les Pyrénées; ils ne furent arrêtés qu’à Poitiers par Charles Martel. Apaisés pour un moment et relativement assagis, ils...