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Actualités - INTERVIEWS

DIPLOMATIE - « C’est pour nous un cas particulier », déclare à « L’Orient-Le Jour » le ministre des AE Celsio Lafer - Le Brésil aidera de son mieux le Liban sur la scène internationale

Il y a loin – une dizaine de milliers de kilomètres – du Liban au Brésil ; à maints égards cependant, notre pays est loin d’être terra incognita pour le Colosse brésilien, qui abrite en effet la plus grande partie de la diaspora libanaise. Bien que demeurés très attachés à la mère-patrie, ces Brésiliens d’ascendance libanaise sont de parfaits citoyens, absolument loyaux à leur pays d’adoption ; un très grand nombre d’entre eux occupent des positions de premier plan dans la vie politique, économique et sociale du Brésil et d’une manière générale, la communauté libanaise du Brésil est tenue en haute estime par les autorités locales. Cette estime se double d’un très sincère intérêt pour la situation particulière du Liban, comme a tenu à le souligner le ministre brésilien des Affaires étrangères M. Celsio Lafer, au cours d’un entretien accordé la semaine dernière, à São Paulo, au rédacteur en chef de «L’Orient-Le Jour» Issa Goraieb. Homme d’une grande culture, avocat de profession, chevelure et barbiche plus sel que poivre, Celsio Lafer a l’air d’un professeur d’université et il sourit, amusé, quand je le lui fais remarquer d’emblée. Il s’exprime en un français impeccable même si, diplomatie oblige, il se donne le temps de choisir les termes adéquats. Ministre de fraîche date, M. Lafer n’a aucune honte à confier qu’il est actuellement absorbé par l’étude d’une pile impressionnante de dossiers internationaux ; il est très au courant néanmoins des réalités libanaises et de la situation particulière de notre pays, pris entre les impératifs de la confrontation avec Israël et les retombées internes de la présence syrienne sur son sol. Heureux hasard, le chef de la diplomatie brésilienne est actuellement plongé dans la lecture d’un ouvrage sur les droits de l’homme, rédigé par une chercheuse américaine et presque entièrement consacré à «cet homme d’exception que fut Charles Malek» (ministre des Affaires étrangères du Liban dans les années cinquante puis président de l’Assemblée générale des Nations unies). Malek, commente-t-il, illustre parfaitement ce pluralisme culturel qui est le trait particulier de votre pays. Considéré à l’échelle régionale, ce culte du pluralisme éveille-t-il en cet Israélite de São Paulo quelque désir d’impliquer son pays dans la recherche d’un règlement de paix au Proche-Orient ? «Il faut savoir que le Brésil joue en ce moment un rôle très important dans le contentieux entre le Pérou et l’Ecuador, répond-il. Nous sommes très préoccupés en outre par la situation en Colombie, en raison de la clause démocratique régissant les relations entre États au sein du Marché commun sud-américain (Mercosur)». – Oui, mais le Proche-Orient ? – C’est très loin, c’est vrai ; trop loin pour que le Brésil ait la capacité d’agir directement et de manière constructive. L’Union européenne est plus proche de vous, elle entretient des liens très étroits avec la région, elle apporte un soutien économique très concret à l’Autorité palestinienne autonome, par exemple. L’Europe elle-même a un rôle limité, alors qu’en serait-il du Brésil qui ne jouit d’aucune influence directe dans cette partie du monde ?»... – Le Brésil n’a-t-il pas la moindre influence auprès du parrain américain du processus de paix ? – Pour être très réaliste et en même temps très précis, il faut être l’auteur d’une action ou du moins avoir une possibilité d’action pour que l’on vous écoute ; il faut avoir une position de départ, il faut être en mesure de présenter une offre. Ce que nous sommes en mesure de faire, c’est de défendre une position constructive face à l’immense tragédie que vit le Proche-Orient à laquelle nous sommes, croyez-le, sensibles au plus haut point. Tout récemment encore, la négociation de paix semblait en bonne voie, et la voici aujourd’hui dans l’impasse. Le secrétaire général de l’Onu Kofi Annan, que je rencontrai il y a peu à New York, a résumé la situation en une formule percutante : «On dialoguait dans la violence et aujourd’hui c’est la violence sans dialogue...». – Et le Liban dans tout cela ? – Le Liban est pour nous un cas particulier, compte tenu du poids considérable de l’émigration libanaise au Brésil. Tout Brésilien ne peut qu’être sensible aux difficultés que connaît le Liban (difficultés de toutes origines, dont le ministre brésilien se montre fort bien informé dans le détail même si, pour les passer en revue, il requiert la confidentialité). Il existe effectivement une singularité dans le cas du Liban, et tant le gouvernement que le peuple du Brésil y sont extrêmement sensibles. Je peux vous assurer que nous ferons de notre mieux pour œuvrer de manière constructive sur la scène internationale en faveur de votre pays. – Et au plan des relations directes ? – Avez-vous des suggestions ? – Oui, une au moins : pourquoi la visite officielle au Liban du président Cardoso, projet longuement et minutieusement préparé pourtant par l’ambassadeur Sergio Barcellos Telles, a-t-elle été reportée à deux reprises déjà? Vous-même y seriez évidemment le bienvenu, d’autant que les Brésiliens d’origine libanaise de São Paulo vous tiennent en très grande estime et souhaitent vivement engager un contact avec vous – Le président a été retenu par des préoccupations internes et il ne faut donc rechercher aucune autre raison à ces reports. Je sais que M. Cardoso reste très désireux de se rendre au Liban. Quant à vos amis de São Paulo et du Brésil, qu’ils m’appellent donc au téléphone, je serais ravi de les rencontrer. – Quel message souhaiteriez-vous adresser aux Libanais, par le canal de L’Orient-Le Jour ? – Nous ferons de notre mieux, dans toute la mesure de nos possibilités. Et puis Sergio Telles est un grand ami, un grand ambassadeur, un grand artiste.
Il y a loin – une dizaine de milliers de kilomètres – du Liban au Brésil ; à maints égards cependant, notre pays est loin d’être terra incognita pour le Colosse brésilien, qui abrite en effet la plus grande partie de la diaspora libanaise. Bien que demeurés très attachés à la mère-patrie, ces Brésiliens d’ascendance libanaise sont de parfaits citoyens, absolument...