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Actualités - ANALYSES

Un voyage qui change les donnes

Un voyage de quarante jours. Un carême, une traversée du désert ? Tout le contraire apparemment. Sur le plan médiatique, mais encore plus sur le plan sociopolitique, jamais le cardinal Sfeir n’a été plus présent sur la scène libanaise que durant son absence. Il revient aujourd’hui. En héros pour les uns, en symbole de danger pour les autres. Qui, à l’exemple des analystes officiels syriens, ne sont pas loin de le considérer comme un provocateur mettant en péril la paix civile. C’est que, dans sa longue tournée de nos colonies aux States et au Canada, le prélat a su enflammer l’imagination des émigrés, tout en insufflant courage aux résidents coincés ici. Un verbe haut et clair, qui appelle à la concorde, à l’unité nationale, mais autour d’un Liban de plein droit. Une fermeté égale dans le rejet de la tutelle et dans celui de la violence. «Le mur de Berlin est tombé. Mais pas par les armes» a-t-il dit. C’est ce double thème qui fait la différence. Par rapport à autrui, mais aussi par rapport aux positions antérieures de Bkerké. Où il n’était pas question d’évoquer les formes de l’action à entreprendre ou de l’action dite directe à éviter, car la rue, les jeunes surtout, ne bougeait pas encore. Comme ce n’est plus le cas aujourd’hui, c’est un test important que le pays et le patriarche vont connaître ce mardi du retour. La tension est vive. D’autant que l’Est sait désormais que les Américains, les Européens aussi, ne sont pas avec lui. Et qu’il doit clamer encore plus fort ses revendications pour se faire entendre. Tout est donc de savoir jusqu’à quel point les jeunes ne voudront pas ajouter l’agitation de rue à l’expression verbale. Avec l’aide éventuelle de provocateurs à la solde de parties extérieures qui rêvent de voir les Libanais s’entredéchirer. Autrement dit, tout est de savoir si Bkerké ne va pas être débordé à sa droite si l’on peut dire. Ce qui, de l’avis des modérés du camp chrétien, serait extrêmement préjudiciable pour la cause nationale en tant que telle. Car l’Ouest se verrait obligé de réagir dans un sens opposé. Et le principal objectif du patriarcat, unir les Libanais autour de leurs constantes nationales, serait ainsi trahi. C’est pourquoi Bkerké insiste pour le strict respect de l’ordre, de la loi et des institutions. En dénonçant les velléités subversives affichées par certains extrémistes. Tandis que le courant aouniste, fer de lance sur le terrain de la contestation antisyrienne, affirme ne vouloir s’en tenir qu’à des actions pacifiques, à la Gandhi. Mais les importants mouvements de foule que l’accueil du patriarche va occasionner peuvent produire d’eux-mêmes du désordre. D’autant que l’État est prêt, si l’on peut dire. Tout en promettant qu’il n’y aurait pas de «jour S de sécurité» répressif comme le 14 mars, il a mis en place un dispositif antiémeute serré pour encadrer, filtrer et contrôler la rue. Avec un peu l’aide du patriarcat comme des modérés de l’Est qui ont déconseillé aux gens de se rendre à l’aéroport pour en raccompagner Mgr Sfeir et de se contenter de se rassembler à Bkerké. Des appels qui semblent cependant ne pas avoir été parfaitement entendus, nombre de groupes ayant fait savoir qu’ils sont déterminés à se rendre à Khaldé. Si on les laisse y arriver. Car la hantise des responsables a atteint un point tel qu’après une réunion samedi dernier, ils ont proposé un transport du patriarche par hélicoptère de l’AIB à Bkerké. Soi-disant pour éviter au convoi par route d’être pris à partie par des éléments sectaires, hostiles aux positions du patriarche. Cette offre a été rejetée, l’entourage du prélat faisant savoir qu’on ne voit pas pourquoi il serait houspillé par des Libanais quand il ne fait que demander la souveraineté et l’indépendance du pays. Quant aux ulémas du Akkar, ils ont repris du service pour vilipender dans un violent communiqué le prélat. Et demander aux députés de la région, chrétiens en tête, de l’attaquer s’ils veulent éviter des vexations. Une façon comme une autre de montrer que la paix civile est dans la ligne de mire. Avec ou sans mobilisation de rue à l’Est, avec ou sans la responsabilité des extrémistes de ce camp.
Un voyage de quarante jours. Un carême, une traversée du désert ? Tout le contraire apparemment. Sur le plan médiatique, mais encore plus sur le plan sociopolitique, jamais le cardinal Sfeir n’a été plus présent sur la scène libanaise que durant son absence. Il revient aujourd’hui. En héros pour les uns, en symbole de danger pour les autres. Qui, à l’exemple des...