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Actualités - OPINIONS

Vole, mon dragon

Ce n’est plus un fossé qu’il y a entre les Libanais et leur État, leur nation, leurs dirigeants qui ne dirigent plus rien. Une bande de pauvres pantins que l’on articule et désarticule à volonté. Ce n’est plus un fossé, c’est un abîme. Un abîme à la gueule monstrueuse, béante, ricanante. Une gueule qui bouffe, qui avale, qui digère, rapidement, sûrement, les quelques ersatz de valeurs et de dénominateurs communs que continuaient à faire semblant de se partager un peuple et un régime. Le patriarche maronite, tout cardinal qu’il est, n’en est pas moins homme : il n’a pas que des qualités. Loin de là. Il n’empêche, ce qu’il a fait est monumental. Ce qu’il a fait ? Il a pris son bâton et il s’en est allé, il a avalé les kilomètres pour, à chaque fois, rencontrer des chrétiens, des musulmans, des sénateurs, des Premiers ministres, des chrétiennes, des musulmanes, des Libanais d’origine libanaise, des Américains d’origine libanaise, des Canadiens d’origine libanaise, des imams, des curés, des petites gens, des richards, des... Libanais. Nasrallah Sfeir a répété des milliers de fois les mots souveraineté, liberté(s), indépendance, coexistence, il les a scandés, martelés, assénés. Tellement, qu’il doit aujourd’hui les hurler dans ses sommeils. Hassan Khaled, Boulos Boutros «Mohammed» Méouchi et Mohammed Mehdi Chamseddine doivent, de là où ils sont, doucement sourire à Nasrallah Sfeir. Complices. Aujourd’hui complices. Nasrallah Sfeir arrive aujourd’hui mardi. Alors qu’est-ce qu’il a prévu, le Liban, pour accueillir ce monsieur qui a fait pour son pays et pour qu’y vive la coexistence, en cinq semaines s’il vous plaît, ce qu’Émile Lahoud, Nabih Berry, Rafic Hariri et tant, tant d’autres auraient fait en cinq mille ans ? Eh bien le Liban a prévu une «longue journée de sécurité». Voilà. Et toc. Il y aura l’armée, les gendarmes, les services de renseignements mixtes mixtes mixtes (et que vive le métissage !), les chars, les brigades anti-Libanais, les hélicoptères, les porte-avions, les... Non ? Ce n’est pas ça ? Le(s) journaliste(s) fait(font) des procès d’intention ? Préjuge(nt) ? Est(sont) de mauvaise foi ? Soit. Nous verrons bien aujourd’hui... Ce qui est déjà tout vu, par contre, ce sont ces délicieux communiqués des ulémas du Akkar, des communiqués injurieux : du chantage, du simple chantage. Ce qui est déjà tout vu, ce sont les prêches du Mouvement de l’unification islamique : un must en matière de confessionnalisme, de sectarisme, de gratuité, de haine. Cette fois, Hassan Khaled, Boulos Boutros «Mohammed» Méouchi et Mohammed Mehdi Chamseddine doivent se retourner dans leur tombe, grimacer de dégoût. Les Libanais ont envie de dire merci et bravo à Nasrallah Sfeir. Ils sont certainement – et c’est tout à fait légitime – surpris de voir un dignitaire religieux faire le travail d’un leader national, mais c’est avec lui, aujourd’hui, qu’ils ont enfin une petite impression d’osmose. Alors, la moindre des choses, c’est que cet État-marionnette les laisse s’exprimer, enfin s’exprimer, sans les confondre, cette fois encore, avec de dangereux terroristes multirécidivistes. Une dernière chose, ex abrupto : c’est souvent gentil un dragon, contrairement à des centaines d’idées sottes et reçues. Plus : un dragon, ça chasse les mauvais esprits, ça les combat, ça les boute hors d’un pays. Aujourd’hui, les Libanais seront par milliers dans les rues ? Croix et tchadors ? Alors vole, mon dragon.Vole.
Ce n’est plus un fossé qu’il y a entre les Libanais et leur État, leur nation, leurs dirigeants qui ne dirigent plus rien. Une bande de pauvres pantins que l’on articule et désarticule à volonté. Ce n’est plus un fossé, c’est un abîme. Un abîme à la gueule monstrueuse, béante, ricanante. Une gueule qui bouffe, qui avale, qui digère, rapidement, sûrement, les...