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Actualités - BIOGRAPHIES

CORRESPONDANCE - Une rétrospective de Grandma Moses à Washington - Talent de vieillesse : - si jeunesse savait…

WASHINGTON-Irène MOSALLI «À trente ans, tout est joué, œuvre, carrière et destinée…». Une théorie à laquelle échappe allègrement une Américaine de l’Amérique profonde qui est devenue partie intégrante de l’histoire de l’art de son pays. Son nom : Grandma Moses. Une véritable grand-mère qui a commencé à peindre à 70 ans, qui est décédée à l’âge de 101 et qui, entre-temps, a connu la célébrité à travers les 1 600 toiles qu’elle a ainsi produites en 21 ans. Sous le titre Grandma Moses au XXIe siècle, le Musée national des femmes à Washington lui consacre une importante rétrospective, reflet de l’évolution d’un talent pictural hors du commun. Talent qui a explosé dans les années 40, en pleine montée de John Pollock et du courant abstrait. Considérée en premier comme un symbole de l’expression populaire nationale, parce qu’elle peignait en détail la vie à la campagne, elle avait de suite trouvé une place de choix sur les sacro-saintes cimaises new-yorkaises. Elle avait aussi mérité les couvertures de Time et de Life. De son vrai nom, Anna Mary Robertson Moses, (née en 1860 et décédée en 1961), cette fermière des confins de l’État de New York, qui avait eu dix enfants (dont cinq morts en bas âge), ne s’était donc mise à la peinture que sur le tard, en 1927, après la mort de son mari. Elle avait commencé par broder des paysages et, après avoir eu de l’arthrite dans les mains, elle a remplacé l’aiguille par des pinceaux qu’elle trempait dans des couleurs aussi vives que celles de ses fils. À 80 ans sur des cimaises new-yorkaises Et sur la toile, elle avait conservé un tracé plat. Cependant, son fort était de savamment juxtaposer les gros plans et les vues panoramiques, un style qui avait attiré l’attention des connaisseurs. C’est un collectionneur d’art, Louis Caldor qui, en 1938, avait découvert quelques-unes de ses toiles à la devanture d’un drugstore et qui les avait signalées au propriétaire, Otto Kallir, d’une galerie new-yorkaise, la Galerie Saint-Étienne. C’est là qu’a eu lieu en 1940 la première exposition de Gradma Moses qu’elle avait elle-même intitulée Ce que peint une fermière. Auparavant, elle donnait à voir ses compositions et ses confitures-maison dans les foires des villages. À 80 ans donc, elle se trouve projetée sur les cimaises de Big Apple. Au-delà de l’aspect folklorique et nostalgique de cette exposition, la critique avait perçu chez ce peintre autodidacte plus d’une sensibilité artistique. Grandma Moses avait développé un style original. Elle passait son sens aigu de l’observation au filtre de l’évocation, évitant intuitivement la froide illustration. «La mémoire est un peintre», avait-elle dit. Et ses visions sont des combinaisons de souvenir, d’espoir et de bonheur. C’était là la magie de son œuvre, (paysages et scènes rurales), à la fois réalistes et idylliques. Elle n’aime restituer que ce qui se passe à l’extérieur. Et quand elle peint sa fenêtre bordée de rideaux vaporeux, c’est pour dire ce qu’elle voit à travers. Il fait bon vivre dans tous ses tableaux où elle raconte notamment «les pommiers», «la confection du sirop d’érable», «un jour de déménagement», «travaux de toiture», «jeux de neige», «les abeilles du quilt», «la vieille maison à carreaux», «l’arc-en-ciel», «les monts», «les vallées» en toutes saisons. Aujourd’hui, elle n’est plus cette «outsider», ainsi qualifiée par ses contemporains de l’abstraction. Après avoir rompu le carcan folklorique, elle dure et perdure de par une indéniable expérience esthétique qu’elle avait instinctivement générée. Elle a acquis, le plus naturellement du monde, une célébrité que beaucoup de femmes de son temps se sont vues déniées. Et le plus naturellement du monde, aussi, son mode d’expression a suivi une évolution qui est mise en relief dans la rétrospective de ses œvres actuellement présentées. À ses débuts, dans les années 40, elle travaillait en petits carreaux, cadre de ses narrations, à la manière des quilts. Dix ans plus tard, elle élargit son format et aère son dessin en disant, «je change de style, je deviens moderne à mon vieil âge, avec la tête pleine d’idées». Elle continuera, ainsi jusqu’à la fin, à donner plus d’aisance à ses lignes et à ses couleurs. Avec elle il faut dire, si jeunesse savait… ce talent de vieillesse.
WASHINGTON-Irène MOSALLI «À trente ans, tout est joué, œuvre, carrière et destinée…». Une théorie à laquelle échappe allègrement une Américaine de l’Amérique profonde qui est devenue partie intégrante de l’histoire de l’art de son pays. Son nom : Grandma Moses. Une véritable grand-mère qui a commencé à peindre à 70 ans, qui est décédée à l’âge de 101...