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Actualités - CHRONOLOGIES

AL-BUSTAN - Gottlieb Wallisch - La vie dans un piano

Troisième concert en force d’un piano oscillant entre rigueur et déchaînement. Après Boris Beresovsky et Nikolaï Demidenko, voilà Gottlieb Wallisch, troisième champion des touches d’ivoire, qui vient séduire, si besoin encore en était, le public libanais comblé par ces prestations haut de gamme et de haute voltige pianistique. Au menu, savamment dosé et voué surtout aux partitions de «pianoforte», des pages de Scarlatti, Beethoven et Brahms. Douceur d’une musique de cour avec trois sonates (k 380, 278, 162) de Dominico Scarlatti. Célèbres sonates aux lignes aisées, élégantes, toujours renouvelées grâce à une imagination étonnante et une facilité d’écriture non moins étonnante. Mais aussi rythmes vifs et bien marqués à travers une technique superbe qui ne dédaigne guère les croisements de main, tout comme chez Bach. Savantes architectures toutes en sensibilité et délicatesse comme une dentelle aux points surprenants par son labeur et ses motifs... Harmonie, charme, délicieuses mélodies, contrepoints et un grain de fantaisie sont au rendez-vous de ces partitions toutes en sages, gracieuses et pétillantes vivacité. Déferlements impétueux avec les variations de l’Héroïque op 35 du maître de Bonn. Outre les trente-deux variations pour un thème original qu’on a écoutées la semaine dernière avec Demidenko, voilà donc le finale de l’une des plus célèbres symphonies de Beethoven objet d’exercices colorés (aux teintes d’un Delacroix !) périlleux et brillants utilisant avec brio toutes les insondables ressources du clavier. Trois «intermezzi» (op 117) de Johann Brahms, à la fois denses et légers, graves et fuyants, devaient jeter une note de mélancolique et vaporeuse rêverie après l’entracte comme pour marquer une pause après la mouvance tumultueuse beethovénienne et la morsure des accords portés par les déferlantes chromatiques. Doux, habités d’un souffle profondément romantique mais teintés d’une paisible nostalgie, ces «intermezzi» sont des narrations libres baignées de poésie et d’une lumière aux reflets légèrement coruscants. La première est inspirée d’une berceuse écossaise, Les lamentations de Lady Anna Bothwell, la seconde est une élégie noble et élégante enrobée d’un voile de résignation, et la troisième une mélodie toute en simplicité évoquant une ballade nordique. Les derniers accords de ces œuvres de jeunesse de l’indéfectible ami des Schumann se terminent sur les murmures d’un être contemplatif pour céder ici la place à la bouillonnante et éruptive sonate n° 28 de Beethoven qui clôt le cycle de ce concert avec ses phrases tonitruantes et sa passion volcanique. Quatre mouvements alternent accords arpégés, chromatismes à couper le souffle, tendresse fougueuse et parfois comme une pause du repos du guerrier, un nuage de rêverie traverse ces pages puissantes et noueuses comme une peinture de Michel-Ange... Prestation admirable et sans faille qui a galvanisé une salle composée d’un public peu nombreux mais extrêmement attentif (il semble là que ce soit l’apanage de tous les concerts pour piano au Bustan malgré l’indiscutable qualité des artistes). Explosion d’applaudissements d’un auditoire subjugué qui, par un tour de magie du pianiste virtuose, réalisait brusquement non seulement la musique comme une évidence mais que la vie peut très bien être aussi dans un piano. En bis, une très belle mélodie de Richard Strauss.
Troisième concert en force d’un piano oscillant entre rigueur et déchaînement. Après Boris Beresovsky et Nikolaï Demidenko, voilà Gottlieb Wallisch, troisième champion des touches d’ivoire, qui vient séduire, si besoin encore en était, le public libanais comblé par ces prestations haut de gamme et de haute voltige pianistique. Au menu, savamment dosé et voué surtout aux...