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Actualités - OPINIONS

Genèse d’une politique annoncée - Par Bassam TOURBAH

Pendant longtemps la francophonie se réduisait pour le commun des mortels à une vague appartenance à une langue (principale ou secondaire) qui emportait avec elle une civilisation, une pensée, une méthode de réflexion. Cette langue était d’autant plus universelle qu’elle était soutenue par un État, la France, considérée parmi les cinq puissances du globe. Elle était apprise dans des écoles qui dépendaient plus ou moins directement de la France. On y dispensait l’Histoire de France (souvenez-vous de «nos ancêtres les Gaulois») et on y apprenait à être cartésien, ce qui signifiait une façon de raisonner, une méthodologie claire et précise. En tout cas, francophonie était synonyme de la France avec tout ce que ce pays pouvait signifier pour les uns ou les autres (pays colonialiste, réminiscence de Suez, l’Algérie … ou mère-patrie) ce qui amena beaucoup de pays francophones, au sens où nous l’entendons maintenant, à refuser de se reconnaître en elle. La politique, une fois de plus, prit le pas sur le culturel. Il a fallu attendre 1970 et la création à Niamey de l’Agence de coopération culturelle et technique (ACCT) pour que cette francophonie soit institutionnalisée avec ses idéaux, ses principes et ses objectifs. Vingt et un pays seulement ont accepté de participer à cette réunion … toujours cette arrière-pensée coloniale, bien que la France ait entre-temps accordé l’indépendance aux États colonisés, et malgré la politique d’ouverture prônée par le général de Gaule à l’égard des anciennes colonies et surtout à l’égard de l’Algérie et de l’ensemble du monde arabe. Ces pays refusaient toujours de reconnaître la Francophonie comme une grande famille qui n’est rattachée à la France que par la langue. En tout cas, l’ACCT, depuis sa création resta inconnue des peuples francophones. Seuls les experts et les officiers des chancelleries en connaissaient l’existence. C’est dire que pendant de longues années, plus de 500 millions d’hommes et de femmes constituant plus du quart des États membres de l’Organisation des Nations unies ne pouvaient se regrouper pour constituer une force capable de peser sur la scène mondiale au même titre que les organisations internationales ou même régionales. Cette francophonie prit, pour nous Libanais, le visage de Charles Hélou qui a présidé pendant longtemps l’Assemblée parlementaire des pays francophones. Charles Hélou fut pour nous Descartes ou Racine, les pères jésuites, le MLF ou le Collège protestant. Le premier sommet des pays ayant le français en partage ne se réunit pour la première fois qu’en 1986, à Versailles. Tout désormais alla très vite. La francophonie y fit un bond de géant passant d’une institution à caractère purement culturel et technique à une institution plus politique : le sommet de Hanoï donna à cette institution son caractère international à part entière, avec un secrétaire général élu. La conférence ministérielle entérina le 5 décembre 1998 l’appellation courante «Organisation internationale de la francophonie». L’Assemblé générale des Nations unies, le 18 décembre de la même année, et l’Union européenne, le 4 mai 1999, accueillirent l’Organisation internationale de la francophonie en qualité d’observateur à leurs différents travaux. Ainsi, les États membres, désormais au nombre de 49 (et trois au titre d’observateurs), exprimèrent leurs volonté de voir la francophonie s’engager dans une diplomatie active. Le sommet de Hanoï marqua incontestablement une étape importante dans l’évolution de la francophonie par l’élection du secrétaire général dont la mission est de promouvoir la visibilité de l’OIF sur la scène internationale. Désormais, la francophonie n’est plus à visage virtuel. C’est un visage reconnu qui mettra en œuvre la politique internationale, animera et coordonnera la politique de coopération multilatérale. Mandat lui est confié afin d’intensifier la coopération avec les organismes internationaux et régionaux et de contribuer à la consolidation de l’État de droit et du processus démocratique. Il lui est demandé de développer les initiatives politiques en vue d’un règlement pacifique des conflits en cours entre les États membres. D’une communauté fondée uniquement sur le partage d’une langue, la francophonie devint désormais une organisation internationale au même titre que le Commenwealth, la Ligue arabe, ou l’Union européenne. Elle constitue déjà un pôle d’attraction susceptible de peser sur le destin de la planète. Désormais, elle va pouvoir parler d’égal à égal avec ces organisations politiques. On devrait ainsi compter sur elle pour sceller le destin du monde. Ainsi, elle ne manquera pas de faire entendre sa voix dans les conflits qui secouent la planète et prendra position notamment sur le Proche-Orient et le Liban. La déclaration de Moncton prit une position politique en appuyant tous les efforts visant à aboutir à un traité de paix juste et global au Moyen-Orient dans le cadre d’une réactivation du processus de Madrid basé sur les résolutions 242 et 338 du Conseil de sécurité des Nations unies et sur le principe de «la terre contre la paix», et consacre une partie de sa déclaration à soutenir l’application de la résolution 425 de Conseil de sécurité des Nations unies qui exige «le retrait total, immédiat, et inconditionnel des forces israéliennes du territoire libanais». Représentant plus de 500 millions d’hommes et de femmes à travers les cinq continents, elle dispose d’un budget de un milliard de franc français. Environ 600 personnes travaillent pour elle de par le monde. L’OIF dispose en outre de représentations permanentes auprès de l’Onu (New York et Genève), de l’Union européenne et de l’OUA. L’OIF ne se contente pas de réunir des pays dont le seul lien est la langue. D’ailleurs qui dit langue dit pensée, une façon d’aborder les sujets, une méthodologie de vie et d’esprit, un cartésianisme que le monde nous envie. Tout ce qui constitue l’être dans ce qu’il a de noble, tout ce qui façonne son intelligence et son intellect. Encore que l’OIF ne prétend pas, par le français qui réunit ses membres, occulter la langue nationale des États. Elle est placée sous le signe du respect de la diversité culturelle et linguistique de ses membres. C’est ainsi que la francophonie est à la fois une et plurielle. «Elle prend sa richesse de l’apport des différentes civilisations». Elle a donc pour mission essentielle de défendre la multitude des cultures dans le cadre de la mondialisation. Son originalité tient dans le fait qu’elle accueille non seulement les États mais également les gouvernements. Ainsi, le Canada y est admis, mais également et au même pied d’égalité le Québec, le Nouveau-Brunswick. Et au meme titre que la Belgique, la Communauté française de Belgique. La société civile, elle aussi, y est représentée à travers les opérateurs directs : l’Agence universitaire de la francophonie, TV5, l’Université Senghor, l’Association des maires francophones. Les États. Les gouvernements. La société civile. Mais également l’Assemblée parlementaire qui regroupe les Parlements des pays francophones. Là on devine le souci majeur de l’OIF de consolider l’État de droit et du processus démocratique. Ce souci se reflète également dans l’importance que l’OIF accorde aux problèmes des minorités dans le monde : elle se veut ainsi porteuse d’une message humanitaire basé sur la paix. Trente et une organisations non gouvernementales sont accréditées auprès de l’OIF. Toujours cette idée d’ouverture au monde non politique. Toujours ce souci de modernisme qui allie privé et public puisque dans ces ONG, la femme a sa place (Association internationale des femmes francophones), les directeurs d’établissements scolaires également, mais aussi les professeurs de français, le droit d’expression et d’inspiration française, les éditeurs, les journalistes, les sociologues, l’environnement… Le droit, nous l’avons dit, occupe une place importante dans la préoccupation de l’OIF, particulièrement le droit de l’homme et la démocratie puisqu’une délégation spéciale aux droits de l’homme et à la démocratie fut créée incluant la direction de la coopération juridique et judiciaire entre pays francophones dont le but est d’asseoir un environnement juridique et politique propice à la primauté du droit. L’économie et les finances ont une place de choix dans les programmes de l’OIF puisque la première conférence des ministres francophones de l’économie et des finances s’est déroulée à Monaco les 14 et 15 avril 1999. Le thème général retenu fut celui de l’investissement et du commerce. Il intéresse au plus haut point le Liban. Surtout que la conférence de Monaco se montre soucieuse de favoriser l’intégration régionale et d’appuyer les efforts destinés à renforcer la compétitivité des économies des États et gouvernements membres, à favoriser le développement des échanges intra-régionaux et à harmoniser les règles juridiques applicables à la vie économique. Notre pays devrait saisir l’opportunité du sommet de 2001 afin de resserrer des liens économiques avec les pays membres de la Francophonie à un moment où le Liban, qui s’est réveillé de sa longue léthargie, a grand besoin des investissements pour faire face à sa situation économique difficile et surtout en vue d’être prêt, le moment venu, à se positionner sur la scène régionale après la paix tant promise. Énumérer toutes les activités présentes et tous les projets futurs de l’OIF en relevant leurs intérêts pour la communauté francophone et même mondiale nécessiterait un ouvrage entier. Il faut cependant relever avec intérêt et admiration le travail colossal entrepris et qui embrasse tous les domaines de la vie politique, économique, sociale mais également le sport, l’environnement, l’énergie, les radios, les télévisions sans oublier l’appui fourni aux métropoles francophones. ************** Salut à toi, frère par la langue. Mais l’es-tu par le langage ? Tu l’es par la méthode, l’es-tu par le contenu ? et si tu l’es par la pensée, l’es-tu par l’action ? Mais l’es-tu par la pensée ? Tu l’es par la façon de penser. Tu m’es proche par Corneille, l’es-tu par Racine ? Tous les deux nous le sommes sûrement par Molière ! Corneille, toi qui décris les hommes tels qu’ils devraient être, tu as bercé notre enfance et forgé notre morale. Tu es le dénominateur commun entre des gens aussi différents que le Béninois et le Québécois, le Mauritanien et le Roumain, ou le Vietnamien et le Tunisien. Tu as été loin de la réalité vécue, laissant à Racine le soin de nous décrire tels que nous sommes, en proie à nos envies, à nos amours, à nos intérêts. Et ce brave Molière qui se moqua intelligemment de tous, nous faisant rire aux éclats … de nous-mêmes et des autres. Alors, l’OIF ? Corneille ou Racine ?
Pendant longtemps la francophonie se réduisait pour le commun des mortels à une vague appartenance à une langue (principale ou secondaire) qui emportait avec elle une civilisation, une pensée, une méthode de réflexion. Cette langue était d’autant plus universelle qu’elle était soutenue par un État, la France, considérée parmi les cinq puissances du globe. Elle était...