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Actualités - OPINIONS

J’ai fait un rêve...

La nouvelle s’est répandue comme une traînée de poudre. Au début, personne n’y a cru, cela ne pouvait être qu’un bobard, une rumeur folle. Puis, au fil des heures, il a fallu se rendre à l’évidence : les Syriens ont bel et bien quitté le périmètre du palais présidentiel à Baabda et celui du ministère de la Défense à Yarzé. Un retrait qui s’est effectué avec armes et bagages, à la demande même du chef de l’État. Le commandement syrien n’a rien trouvé à y redire. N’est-il pas normal que la légalités libanaise veuille récupérer cette région hautement symbolique ? Il suffisait seulement d’en faire la demande... Et comme un bonheur ne vient jamais seul, voilà que les Syriens ont également évacué toutes les régions jouxtant les écoles et les universités libanaises. Les étudiants manifestaient depuis des semaines déjà pour réclamer ce départ. À Damas, balayé par le vent du changement, l’appel a été entendu et, chose inimaginable il y a encore quelques mois, des sanctions sont tombées : limogés les officiers qui maintenaient des troupes près des campus universitaires ; épurés les gradés qui s’étaient enracinés à Deir el-Kalaa, alors que pas un seul Israélien n’y avait été débusqué depuis 1990 ! Tout se déroulait donc au mieux des intérêts des deux pays : à Beyrouth, comme à Damas, on célébrait les nouvelles relations privilégiées basées sur le principe «Les Libanais au Liban, les Syriens en Syrie». Réuni en séance extraordinaire, le Conseil des ministres libanais devait alors prendre une décision non moins exceptionnelle : en signe de remerciement pour tous les sacrifices consentis, le Liban, reconnaissant, rétrocédait les fermes de Chebaa à la Syrie. Mais assez bizarrement, les Syriens ont accepté ce cadeau du bout des lèvres. *** Dans ce climat d’euphorie générale au Liban, c’était à qui ferait preuve de plus d’abnégation, de plus de générosité. Première à réagir, l’institution militaire : tous les officiers supérieurs renonçaient de plein gré aux indemnités supplémentaires et autres privilèges, sans rechigner. La carrière militaire n’est-elle pas un sacerdoce ? Abandonnés les clubs des officiers, les centres balnéaires et autres marinas à Kaslik et ailleurs. Tout était remis à l’État, pour en faire un meilleur usage, à la veille d’une saison touristique florissante et du sommet de la francophonie. Pas un seul gradé n’a grogné, pas un seul n’a démissionné. Il fallait bien donner l’exemple, et effectivement, l’effet boule de neige ne tardait pas à se manifester : après les militaires, plus d’allocations sociales (mondaines devrait-on dire) pour les ministres et les députés, plus de voitures de service, plus d’escortes pétaradantes et de gardes du corps. Le mot d’ordre était désormais à l’austérité. Dans l’Administration, les écuries d’Augias étaient nettoyées à grandes eaux. Tous les parasites y passaient : les fonctionnaires absents, les commis incompétents, les surnuméraires, les hommes des présidents, les sous-fifres des sous-fifres. À l’Éducation nationale, il y avait désormais plus d’élèves que d’enseignants, et les écoles retrouvaient leur vocation initiale : éduquer les enfants et non plus accueillir des enseignants en mal d’emploi, placés çà et là par leurs protecteurs. L’État, vache à traire, vache folle menée à l’abattoir, c’était fini et bien fini. Le programme Hariri démarrait au quart de tour, sans couacs et sans récriminations. Au vu de toutes ces réalisations, la Banque mondiale déliait les cordons de la bourse, l’Union européenne et les États-Unis aussi. Même Israël se mettait de la partie et annonçait que le Wazzani et le Hasbani ne l’intéressaient plus. *** On me secouait comme un prunier. Je n’arrivais pas à émerger de mon sommeil. Je baignais littéralement dans la béatitude. Insistante, ma fidèle soubrette me tendait le journal, celui qu’on vous livre avec votre café du matin. Un coup d’œil sur la manchette, un autre sur les pages intérieures et j’étais fixé. J’ai refermé tranquillement le journal, renvoyé ma soubrette et replongé illico dans mon lit douillet. J’ai fait un rêve...
La nouvelle s’est répandue comme une traînée de poudre. Au début, personne n’y a cru, cela ne pouvait être qu’un bobard, une rumeur folle. Puis, au fil des heures, il a fallu se rendre à l’évidence : les Syriens ont bel et bien quitté le périmètre du palais présidentiel à Baabda et celui du ministère de la Défense à Yarzé. Un retrait qui s’est effectué avec...