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Actualités - CHRONOLOGIES

La conquête arabe

Les conquêtes furent, en général, d’une rapidité inattendue pour le vainqueur. L’objectif initial n’était que de razzia frontalière ; ce fut la révélation de la faiblesse de l’adversaire qui fit naître l’idée de conquête, et les premiers succès qui engendrèrent l’enthousiasme réalisateur. Faiblesse que nous connaissons déjà : la désaffection des habitants pour les régimes sous lesquels ils vivaient fit qu’il y eut peu de résistance indigène à l’envahisseur et provoqua parfois des complicités. «Ce ne fut pas pour nous un médiocre avantage, devait écrire un chroniqueur monophysite, d’être délivrés de la tyrannie des Romains». Commencée en 633, la conquête de la Syrie était achevée en 636 ; celle de l’Irak, entamée en même temps, était chose faite en 637 ; celle de l’Égypte s’effectua de 639 à 642 ; celle de l’Iran, sauf des zones bordières, pouvait être tenue pour achevée vers 651 : là cependant, favorisée par la montagne, une certaine résistance «nationale» s’était manifestée, contrairement aux provinces byzantines, dont les dirigeants officiels s’étaient retirés à Constantinople ou avaient sans peine pactisé avec les Arabes. Encore plus difficiles, et coïncidant d’ailleurs avec une période de ralentissement dans l’élan de conquête, furent l’expansion en Asie mineure, qu’essayèrent vainement de sceller deux entreprises contre Constantinople même, la mainmise sur l’Asie centrale, où le Syr-Daria devint au milieu du VIIIe siècle la frontière définitive de l’islam en face des pays d’influence chinoise ou de nomadisme turc, enfin l’occupation de l’Afrique du Nord, où la soumission très pénible des Berbères ne put être tant bien que mal stabilisée qu’en les entraînant à leur tour dans la conquête de l’Espagne, en attendant, un siècle plus tard, la Sicile. Les extrêmes pointes de la poussée musulmane de ce côté furent, on le sait, en Gaule, où l’une d’elles fut arrêtée par Charles Martel à la bataille dite de Poitiers (732). Ainsi se trouvèrent progressivement soumis, de l’Indus au Tage, de la mer d’Aral au Sénégal, d’immenses territoires dont on ne peut nier la similitude climatique, favorable assurément à l’adaptation des Arabes et à la mutuelle compréhension, sur le plan des besoins quotidiens, avec certains des indigènes. Mais d’autres aspects de la géographie, et l’histoire, différenciaient aussi entre eux ces pays. Il faut dès l’abord indiquer qu’au lendemain de la conquête, l’organisation en fut faite, à l’intérieur d’un cadre unitaire très lâche, par une série d’accords particuliers respectant les usages locaux, et dont l’exemple fut un important facteur de soumission pour les populations. Il reste que, si les conquêtes germaniques avaient morcelé l’Europe, la conquête arabe unifia le Proche-Orient. Plutôt que de se fondre dans une majorité indigène où ils se seraient perdus et dont ils ne partageaient pas les habitudes, les Arabes s’installèrent d’abord dans des camps ; vite, cependant, les régions incomplètement urbanisées devinrent des villes où les rejoignent des indigènes : par exemple Koûfa et Baçra (Bassorah) en Mésopotamie, Foustat (le Vieux-Caire) en Égypte, bientôt Kairouan au Maghreb, toujours au contact des zones cultivées et du désert intérieur, en général loin de la mer, qu’ils ne dominaient pas encore. Leurs milices – tous les hommes en âge de porter les armes – étaient divisées en circonscriptions militaires (djounds) dans les régions stratégiques et vivaient du butin et des pensions, hiérarchiquement graduées, que procuraient les versements des indigènes, soit directement, soit sous la forme du revenu de domaines concédés. Sous la direction générale du calife entouré des Compagnons, la tribu, malgré les morcellements et les regroupements entraînés par les conquêtes, reste un élément important de la vie sociale. Les luttes entre tribus du Nord et du Sud, compliquées par la formation de partis issus des conditions nouvelles de l’existence du monde arabe, continueront pendant plus d’un siècle à le secouer, et souvent de façon sanglante. Il était inévitable que ces conditions nouvelles, après des conquêtes qui avaient résolu la crise de succession de Mahomet, fussent à leur tour cause d’une crise autrement grave et durable. Des problèmes immenses, imprévus, que posait l’organisation de l’empire et, pour commencer, d’un gouvernement, devaient surgir de profondes divergences, sous-jacentes aux conflits d’apparence personnelle qui divisent la communauté dès la fin de sa première génération. Mais ces conflits ont encore une autre portée, qui peut paraître étrange : étant donnée l’intime liaison existant entre la loi religieuse et l’organisation sociale, les groupements, qui se dessinent alors deviennent à la fois des partis et des sectes, élaborent des doctrines indissociablement politiques et religieuses. Histoire générale des Civilisations P.U.F., Paris, vol. III.
Les conquêtes furent, en général, d’une rapidité inattendue pour le vainqueur. L’objectif initial n’était que de razzia frontalière ; ce fut la révélation de la faiblesse de l’adversaire qui fit naître l’idée de conquête, et les premiers succès qui engendrèrent l’enthousiasme réalisateur. Faiblesse que nous connaissons déjà : la désaffection des habitants...