Rechercher
Rechercher

Actualités - CHRONOLOGIES

AL-BUSTAN - Concert de Boris Berezovsky - Somptueux remous de la mer

Comme un paysage mobile dont la mer est l’insaisissable reflet. Somptueux remous aquatiques et délices de l’eau sous les touches d’ivoire de Boris Berezovsky au jeu éblouissant, d’une infinie sensibilité et surtout d’une maîtrise à couper le souffle. Pour emboîter le pas au thème de «Venise à Amsterdam» qui régit le huitième Festival du Bustan, ce jeune pianiste, cheveux barrant toujours son front, la stature «colossale», a minutieusement concocté un programme (sujet toutefois à d’agréables changements en dernière minute !) aux magnificences sonores multiples et intéressant à plus d’un niveau où les rives des deux cités, toutes deux en bord de mer, ont toutes les prééminences en ce qui concerne l’eau. Élément majeur, l’eau dont on fait l’éloge est ici muse et toile de fond. Barcarolle, nymphes, canaux de Venise, gondoles et rives de la mer de Crimée (et même une larme !) sont l’objet, rêveur et houleux, de ces pages bruissantes du roulis des vagues perlées d’embruns. Pages «nautiques» allant de Debussy à Liszt en passant par Ravel, Moussorgsky, Szymanowsky, Chopin et Liszt. Ouverture avec L’Isle Joyeuse de Debussy où émergent d’un fouillis de notes liquescentes aux sonorités lumineuses les souvenirs de bonheur et des moments ensoleillés. Images sonores somptueuses dans leur évocation d’une fugace félicité, mais dans un registre absolument diffèrent, avec cette «cathédrale engloutie» où mysticisme et légende se côtoient dans les brumes d’une mystérieuse alchimie sur fond de velours enrobé d’une frémissante poésie. Ce que Husman avait dit avec des mots, Debussy le décrit avec des notes, des accords et des sonorités jaillis du temps passé. Sortilèges d’un esprit bien français pour une transparente Ondine de Ravel, la première des trois pièces qui font «Gaspard de la nuit» d’après un poème D’Alysius Bertrand. Là aussi une poésie effleurée par la grâce des eaux dans une formulation à la fois révolutionnaire et conservatrice. Suivent «les jeux d’eaux» (inspirés d’un poème d’Henri de Regnier), prolongement d’une atmosphère «marine» chuchotante et toute en cascade, où s’entrecroisent avec grâce des arabesques d’accords riches évoquant, sans nul doute, un «Dieu fluvial riant de l’eau qui le chatouille...». Passage à vif et comme un réveil en sursaut avec Moussorgsky. Impétuosité à la russe s’entretenant dans une vélocité à couper le souffle des grandes déferlantes des orageuses rives de la mer de Crimée. Pièce peu connue du grand public de l’auteur de Boris Godounov mais où l’on retrouve un lyrisme déchaîné et inquiétant surtout avec ce bouillonnant et éruptif Baidary. La valse avec Ravel avait brusquement des intonations d’une âme habitée et possédée. Brillante, portée par une mélodie au lyrisme impétueux, marquée par un rythme accentué et une grande vélocité, cette œuvre de l’auteur du Bolero est probablement un des joyaux du répertoire pianistique sans oublier son redoutable aspect de périlleuse technicité pour maîtriser le clavier. Après l’entracte, toujours dans le sillage de la modernité mais métissée des voix des grands maîtres classiques surtout les couleurs débussiniennes et ravéliennes, «Métopes» de Karol Szymanowski. Œuvre d’un musicien torturé et d’une culture qui frise l’érudition, on écoute ici cette «fabulation» sonore inspirée à la fois de l’Odyssée d’Homère et d’un voyage en Sicile. Se succèdent en superbes narrations pianistiques oscillant entre extase et érotisme L’île des sirènes, calypso et Nausicaa. Retour au prince du clavier avec Frédéric Chopin et une barcarolle au lyrisme vaporeux, teintée d’une étrange mélancolie et d’un romantisme absolu. Et suit cet admirable Scherzo aux premières mesures interrogatives et inquiétantes, méditation grave et atmosphère dense du plus écorché vif des amants du clavier. Scintillante conclusion et en grande virtuosité pianistique avec Venise et Naples, extraits des Années de pèlerinage de Frantz Lizst, un autre «champion des touches d’ivoire» qui, selon les termes de George Sand, «a bu à toutes les sources de la vie et de la mort». Trois pièces d’une grande beauté où les touches du piano, par-delà d’incroyables chromatismes et d’accords à contorsion de doigté, rivalisent d’éclat et de séduction : Gondoliera, merveilleux arrangement d’une chanson italienne presque populaire transcendée ici par la grâce d’un Liszt inspiré, Canzone où flotte l’ombre d’Othello d’après Rossini et une alerte Tarentelle où se mire avec une foisonnante vivacité tout le soleil de l’Italie. Très longue salve d’applaudissements d’un public peu nombreux mais sélect (en fait le «happy-few» stendhalien !) qui eut le plaisir et la chance d’écouter deux bis de grande qualité. Tout d’abord deux Mazurka de Chopin à la rêverie chargée d’une étrange mélancolie aux humeurs vagabondes et nostalgiques, et surtout cette admirable et volcanique «étude» de Scriabine (qu’on a déjà savourée l’année dernière sous les feux de cette même scène par ce même fougueux pianiste) et dont on ne se soustrait pas aisément à son impérieuse emprise. Dire que Boris Berezovsky a le toucher d’un dieu dès qu’il effleure le clavier, et qu’avec lui le piano a bien plus que de l’éloquence est une bien pâle figure de style. Il faut l’écouter «fendre» les vagues des touches blanches et noires pour comprendre la beauté d’un moment palpitant où il n’y a plus ni interprète ni compositeur, juste la musique et ce recueillement dans la salle...
Comme un paysage mobile dont la mer est l’insaisissable reflet. Somptueux remous aquatiques et délices de l’eau sous les touches d’ivoire de Boris Berezovsky au jeu éblouissant, d’une infinie sensibilité et surtout d’une maîtrise à couper le souffle. Pour emboîter le pas au thème de «Venise à Amsterdam» qui régit le huitième Festival du Bustan, ce jeune pianiste,...