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Actualités - CHRONOLOGIES

THÉATRE - « Le Crapaud », d’Alexandre Najjar, jusqu’au 11 mars au Monnot - Face à face entre justice et littérature

Sur la scène du Théâtre Monnot (rue de l’Université Saint-Joseph) jusqu’au 11 mars, Le Crapaud, une pièce historique en français d’Alexandre Najjar. Placée dans le cadre des événements culturels du Sommet de la francophonie, cette première œuvre dramaturgique du jeune avocat-auteur, qui n’est plus à présenter, offre une heure quarante-cinq minutes de spectacle intelligent. Il y est question, en effet, d’un combat entre la justice et la littérature, une lutte instaurée par Ernest Pinard, procureur sous Napoléon III, contre les écrits d’auteurs jugés immoraux. Dont, entre autres, Flaubert et Baudelaire : les deux écrivains les plus marquants du XIXe siècle et qui, paradoxalement, ont le plus souffert de la censure. Symbole de l’obscurantisme, obsédé par l’ordre, ce procureur – si zélé que l’empereur en fera son ministre de l’Intérieur – va demander la condamnation de Gustave Flaubert pour son roman Madame Bovary, et entamera des poursuites contre Baudelaire pour son recueil Les fleurs du mal. Ernest Picard s’est tellement acharné à protéger «la religion, la morale et les bonnes mœurs» qu’on lui attribua le surnom de «Crapaud». Cet hypocrite défenseur de la morale va aussi s’attaquer à tout ce qu’il juge subversif : les artistes qu’il qualifie de «fumeurs d’opium», les journalistes qui le critiquent, etc. Il ira même jusqu’à interdire que l’on érige une statue de Voltaire «cet athée, anticlérical», fulmine-t-il. Face au Crapaud, Alexandre Najjar place Madame Sabatier (campée par Danielle Zahlan), en incarnation de la liberté. Célébrée par Baudelaire dans ses poèmes, elle tenait un salon littéraire où se réunissaient les écrivains de son temps : Baudelaire, Flaubert, Théophile Gautier et Henri Rochefort, le pamphlétaire. La «Présidente» (comme on la surnommait) était en quelque sorte la protectrice de ces hommes de lettres, tous victimes des persécutions du magistrat. Destins croisés «J’ai voulu faire se rencontrer dans ma pièce ces deux destins croisés : Pinard le persécuteur et Madame Sabatier, la protectrice, deux personnages aux antipodes l’un de l’autre», dit l’auteur. Il signale que «rien n’indique que la rencontre a réellement eu lieu. On sait cependant que “la Présidente” a intercédé auprès d’un magistrat en faveur de Baudelaire». La censure, souvent aveugle et butée – et cela sous tous les cieux et à toutes les époques –, les dysfonctionnements de la justice, son utilisation à des fins politiques sont des thèmes qui portent à réflexion. Et que l’auteur a choisi d’exprimer par un texte bien ciselé, saupoudré d’un humour fin. C’est une première pièce et il y a donc d’inévitables «déséquilibres». Comme cet intermède, à la note locale, introduit par la comparution devant le juge Pinard d’«Assaad» le Tripolitain, suspecté… du meurtre d’un coq. Une séquence à la drôlerie bouffonne qui ne cadre pas vraiment avec l’esprit de la pièce, ni avec la musique «dramatique» (composée par le chef d’orchestre Harout Fazlian) sur laquelle danse «Thémis», l’allégorie de la Justice, campée par la – très bonne ! – danseuse et chorégraphe Nada Kano. Par ailleurs, sur la douzaine de comédiens amateurs réunis par le metteur en scène Berge Fazlian, Charles-Hervé Faucon (l’ancien directeur du CCF, dans la peau de Pinard) et Emmanuel Labrande (son clerc) se distinguent par le naturel de leur jeu. Les autres sont bons mais avec des inégalités d’interprétation : Danielle Zahlan (Madame Sabatier), Elsa el-Hage (la dame de compagnie), Cyril Jabre (Flaubert), Michel Harb (Baudelaire), Hagop Der Ghougassian (Gautier), etc. Le décor signé Rafic Achkar est composé de constructions de base, qui sont transformées, suivant les scènes, de tribunal, en salon, en prison. Côté costumes (conçus par Sirvart Fazlian), ceux des hommes sont plus réussis que les tenues féminines. Il n’empêche que la pièce d’une heure quarante-cinq minutes, sans entracte, est plaisante. Il est question que Le Crapaud soit présenté en France avec des comédiens – professionnels – français. Ce qui replacerait le sujet dans son élément !
Sur la scène du Théâtre Monnot (rue de l’Université Saint-Joseph) jusqu’au 11 mars, Le Crapaud, une pièce historique en français d’Alexandre Najjar. Placée dans le cadre des événements culturels du Sommet de la francophonie, cette première œuvre dramaturgique du jeune avocat-auteur, qui n’est plus à présenter, offre une heure quarante-cinq minutes de spectacle...