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Actualités - REPORTAGES

Le temple d’Eschmoun à Bostan ech-Cheikh

Fondé pendant la première moitié du VIe siècle av. J-C à 3 kilomètres au nord de Sidon par le roi sidonien Echmounazor II, le sanctuaire du jeune dieu guérisseur Eschmoun à Bostan ech-Cheikh atteint sa première apogée aux Ve et IVe siècles av. J-C. Sur le grand podium massif avec les inscriptions aux noms du roi Bodashtart et de Yatonmilk, fut construit dans le courant du Ve siècle av. J-C un premier temple de type oriental avec des chapiteaux à protomés de taureau. Détruit vers le milieu du IVe siècle av. J-C à la suite de la grande révolte des satrapes, celui-ci est remplacé, toujours au IVe siècle, par un second temple grec d’ordre ionique. À l’époque hellénistique, au IIIe siècle av. J-C, un grand bâtiment avec des reliefs représentant des processions d’enfants et un bassin d’eau décoré d’une frise montrant une scène de chasse furent construits au pied nord du podium. Un trône vide, dit d’Astarté, est placé dans la niche au-dessous de la frise de la chasse. Au IIIe siècle ap. J-C, cette «piscine du trône d’Astarté» fut remblayée de terre – mêlée d’innombrables fragments de sculptures. À cette même époque, la partie nord du sanctuaire a été complètement réaménagée avec la construction d’une rue à double colonnade, de bâtiments destinés à des banquets et de bassins. Une église byzantine construite au IVe siècle ap. J-C dans la partie ouest du sanctuaire marque la fin d’une tradition cultuelle plus que millénaire. Les offrandes les plus anciennes des statuettes en calcaire friable provenant de Chypre datent le début des grandes constructions de la première moitié du VIe siècle av. J-C vers 450 av. J-C, à l’arrivée des premiers artistes grecs travaillant le marbre importé des îles grecques, les importations chypriotes diminuent nettement. Le travail de cette roche dure était inconnu des sculptures phéniciens, habitués au grès et au calcaire tendre locaux. Ces derniers se familiarisèrent vite avec ce nouveau matériau dans les ateliers grecs. Au pied du podium furent découverts des protomés de taureau en marbre de type iranien. Ils se distinguent par leur traitement fortement imprégné par l’art grec, des spécimens iraniens de Persépolis et de Suse mais également de ceux figurant sur le chapiteau sidonien de la collection Ford. Cet emprunt à l’art perse n’est pas unique à Sidon : ainsi trois têtes d’hommes barbus identiques appartenaient jadis à des sphinx masculins semblables à ceux figurés sur les reliefs persépolitains. Le meilleur témoin de l’hellénisation de l’imagerie phénicienne avant l’arrivée d’Alexandre le Grand est la «Tribune d’Echmoun», retrouvée à l’est du podium posée sur un socle. Sculptée vers 350 av. J-C, elle est décorée par deux frises en haut-relief : en haut, la réunion des déesses et des dieux grecs autour d’Apollon jouant de la cithare, et en bas une danse de Nymphes et de Satyres au son d’une lyre et d’une flûte. L’iconographie est évidemment grecque mais son interprétation pose toujours des problèmes. Les inscriptions et les auteurs antiques nous apprennent que, dès le IVe siècle av. J-C, les Phéniciens connaissaient les divinités grecques correspondant à leurs dieux : Eschmoun pouvait prendre l’aspect d’Apollon, dieu guérisseur grec, Astraté celui d’Aphrodite, et Allat celui d’Athéna. À la question de savoir si au Ive siècle av. J-C une couche sociale plus large avait subi cette influence hellénisante, répondent deux catégories de monuments sidoniens : les sarcophages anthropoïdes en marbre et la sculpture votive du sanctuaire d’Eschmoun. Par ses qualités protectrices du sanctuaire d’Eschmoun, surtout vis-à-vis des enfants, Eschmoun était une des divinités les plus populaires de Sidon. Les Sidoniens qui voulaient mettre leurs fils sous sa protection lui offraient des statues en marbre. Les inscriptions votives sur les bases des sculptures fournissent la preuve de cette interprétation. Toutes rédigées en phéniciens, elles commencent par une invocation au dieu «Eschmoun à la source Ydlal», puis elles indiquent le nom du dédicant et celui de son fils : elles se terminent par la formule constante «qu’il bénisse» ou «protège». Un des garçons est appelé par l’inscription «Baalchillem, fils du roi Banaa, roi des Sidoniens, fils du roi Abdamon, roi des Sidoniens, fils du roi Baalshillem, roi des Sidoniens». La statue représente donc un jeune prince sidonien qui a vécu vers 420 av. J-C. Le même type de garçon et de fille se retrouve sur des bases analogues, dont les inscriptions ne citent aucune titulaire royale. Comme dans le cas des sarcophages anthropoïdes, les habitants aisés de Sidon choisissaient pour leurs ex votos le même type que celui de la cour. Retenons pourtant un fait important, les inscriptions, votives ou officielles, du Ve et du IVe siècle av. J-C sont toutes rédigées, non pas en grec, mais dans la langue phénicienne locale. Seule la sculpture a été influencée par le courant occidental. En d’autres termes, à l’époque perse, l’hellénisation se manifeste sans pénétrer profondément la culture phénicienne ; ce phénomène est plutôt une «mode» qu’un «changement culturel». La volonté des Sidoniens de maintenir leurs propres traditions se poursuit à l’époque hellénique. Même si la sculpture votive du sanctuaire d’Eschmoun ne se distingue plus de celle des grands centres hellénistiques occidentaux et Eschmoun apparaît sous l’aspect d’Asclépios ou de l’Apollon grec, les Phéniciens ont crée dès le IIIe siècle av. J-C pour leur grande déesse Astarté un type iconographique nouveau. Ce n’est pas l’Aphrodite nue de la tradition occidentale mais une image qui évite tout élément humain – un siège vide avec accoudoirs en forme de sphinx. Ainsi, dans une grande salle à ciel ouvert du sanctuaire, un «trône vide d’Astarté» représente la statue de culte. L’aversion profondément ancrée en Orient contre les représentations divines sous forme humaine resurgit donc à un moment où dans le monde entier les statues de culte sont à leur apogée. R.S. «Liban, l’autre rive».
Fondé pendant la première moitié du VIe siècle av. J-C à 3 kilomètres au nord de Sidon par le roi sidonien Echmounazor II, le sanctuaire du jeune dieu guérisseur Eschmoun à Bostan ech-Cheikh atteint sa première apogée aux Ve et IVe siècles av. J-C. Sur le grand podium massif avec les inscriptions aux noms du roi Bodashtart et de Yatonmilk, fut construit dans le courant du Ve...