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Actualités - BIOGRAPHIES

SOUTENANCE DE THESE - Myra Frapier-Saab évoque, à la Sorbonne, le parcours de son père - Édouard Saab à travers ses 2 000 articles

«L’Orient arabe (1958-1976) vu par le journaliste libanais francophone, Édouard Saab». Tel est le titre de la thèse de doctorat soutenue récemment à la Sorbonne par Myra Frapier-Saab, fille d’Édouard Saab, qui fut correspondant du «Monde», rédacteur en chef du «Jour» de 1965 à 1971 puis de «L’Orient-Le Jour» jusqu’en mai 1976, date à laquelle il fut tué par un franc-tireur dans le secteur du Musée national, à Beyrouth. Le jury était composé des professeurs Dominique Chevalier, actuellement à la retraite, ancien directeur du centre de recherche sur l’islam contemporain à la Sorbonne, Jacques Frémeaux, qui a succédé au professeur Chevalier, Joseph Maïla, doyen de la faculté des sciences sociales et économiques à l’Institut catholique, et Ghassan Salamé, en sa qualité de professeur de sciences politiques. M. Salamé n’a pu, cependant, assister à la soutenance qui a eu lieu en présence, notamment, de MM. André Fontaine, ancien directeur du Monde, Jean François Kahn, directeur de Marianne, et Marc Kravetz, grand reporter à Libération. Nous reproduisons ci-dessous le texte de présentation rédigé par Myra Frapier-Saab lors de la soutenance de sa thèse : «Messieurs les professeurs C’est un honneur que d’évoquer la mémoire de mon père devant vous Monsieur Chevallier et Monsieur Frémeaux qui représentez l’Université de la Sorbonne, garante du droit à la réflexion et à l’expression, et devant vous M. Maïla, symbole de l’intelligentsia libanaise en France. Je regrette bien sûr l’absence de M. Ghassan Salamé, ministre de la Culture libanaise. Je ne peux aborder mon travail sans vous remercier de votre appui : sans votre confiance, et particulièrement sans celle de M. Chevallier, jamais je n’aurai pu mener à bien cette démarche qualifiée de fort périlleuse par certains de mes proches. (…) La bibliographie pose le problème des relations entre le journalisme et l’histoire. Elle comporte environ 2000 articles écrits par Édouard Saab dans un ensemble de quotidiens et périodiques libanais et français. Cette masse d’articles est le noyau de ma documentation. Mon but était de présenter une interprétation journalistique de l’Orient arabe entre 1958 et 1976 et non la retranscription historique de cette période. L’utilisation d’ouvrages historiques plus récents m’a servi uniquement pour mettre en perspective certains dires de l’auteur. Compte tenu de la durée de la période et de la variété des pays abordés, j’ai été obligée de me restreindre à une mise en perspective des faits les plus saillants. (…) C’est pourquoi ma bibliographie est volontairement restreinte et ne comporte que certains ouvrages généraux sur le Proche et Moyen-Orient ainsi que d’autres spécialisés dans l’histoire intérieure du Liban, de la Syrie, de l’Irak, de l’Égypte ou du conflit israélo-arabe. Deux types d’obstacles J’ai en outre délibérément choisi de restreindre mes sources orales : vivant en France depuis l’âge de 7 ans et ayant très peu connu mon père, j’aurais voulu compenser ma vision extérieure et institutionnelle par l’utilisation de témoignages vivants. Cependant, je me suis rapidement heurtée à deux types d’obstacles : le premier étant d’ordre affectif : les personnes ayant connu mon père et ayant sans doute été choquées par sa disparition sont capables de transmettre des informations mais non des raisonnements suivis. D’autre part, ceux qui peuvent tenir des raisonnements sont également ceux qui tiennent un langage foncièrement partisan. Cela m’a permis de comprendre que la violence permanente qui régit l’Orient arabe entraîne, à la seule évocation de mon sujet, une violence verbale et idéologique, significative mais inutilisable dans une démarche méthodique. L’Orient arabe de 58 à 76, vu par le journaliste libanais francophone Édouard Saab est (je reprends là les propos de M. Maïla), la biographie intellectuelle d’un Levantin des années cinquante aux années soixante-dix, qui, animé d’un souffle chrétien et arabe, fondamentalement idéaliste, se projette dans trois thèmes et cercles géo-stratégiques essentiels : le Liban, le nationalisme dans le monde arabe et le conflit israélo-arabe. Édouard Saab est issu d’une famille libanaise emblématique des chrétiens d’Orient qui, pour fuir l’oppression ottomane ou pour chercher la prospérité économique, a effectué un parcours triangulaire entre le Liban, la Syrie et l’Égypte. D’autre part, la famille Saab est avant tout chrétienne : le grand-père d’Édouard Saab, issu de la communauté maronite de Baabda se marie avec une personne de même rite que lui, tandis que son fils Halim et son petit-fils Édouard choisissent d’épouser des femmes de rite syriaque-catholique. Ces chrétiens d’Orient sont également francophones : Édouard Saab est le fils d’un fonctionnaire du ministère français des Affaires étrangères à Lattaqié en Syrie, puis de la Régie des tabacs à Hazmieh, au Liban. Édouard porte un prénom occidental, fréquente les Frères des écoles chrétiennes en Syrie, le collège des jésuites à Beyrouth, avant d’entreprendre des études de droit et de psychologie à l’université Saint-Joseph. Devenu journaliste par vocation et passion, il participe à l’ensemble des titres francophones libanais, tels que Le Soir, Magazine, Le Commerce du Levant, Le Jour, L’Orient, pour parfaire son parcours en devenant rédacteur en chef de L’Orient-Le Jour en 1971. D’autre part, il écrit dans des journaux français tels que Jeune Afrique, L’Express et devient dès 1958 correspondant du journal Le Monde à Beyrouth. Deux idéaux L’étude de ses articles relatifs au pays des cèdres révèle un journaliste animé de deux idéaux difficilement compatibles : d’une part, il y a le libaniste, membre actif du parti phalangiste et sensible aux idées de deux philosophes français, Henri Bergson, et surtout le personnaliste Emmanuel Mounier ; d’autre part, il y a le gauchiste réformateur inspiré par le catholicisme social, ayant participé à l’élaboration d’un parti multiconfessionnel de centre gauche. De 1958 à 1976, fier d’appartenir à une démocratie régie par une république parlementaire, il se montre attaché au respect des institutions politiques et à la probité des hommes d’État : progressivement déçu par les incohérences du système politique libanais, il n’aura de cesse de souligner la corruption, l’archaïsme, le féodalisme qui animent les élections législatives ou présidentielles, le gouvernement, le Parlement et la justice. Outre l’intégrité de l’État libanais, même défaillant, le libaniste E. Saab défend l’intégrité du territoire libanais : il s’oppose systématiquement aux ingérences de l’Égypte nassérienne lors de la crise de 1958, aux ingérences syriennes lors du coup d’État avorté de 1961 fomenté par le PPS ; convaincu de la thèse de Maurice Gemayel dénonçant la volonté d’Israël de s’emparer des eaux du Liban-Sud, il s’opposera également systématiquement aux incursions israéliennes. En revanche, l’Édouard Saab réformiste soutient constamment les revendications des étudiants, des salariés et des ouvriers libanais. Il demande l’application d’une justice sociale et dénonce ouvertement les abus du libéralisme économique. Animé par ce même esprit de charité et de justice, il tolère parfaitement la présence palestinienne au Liban, qu’il conçoit comme une terre d’asile donnée à des réfugiés en attendant que ceux-là retrouvent leur Palestine usurpée. À partir des accords du Caire, c’est-à-dire à partir du moment où la présence palestinienne armée devient légale au Liban, le libaniste entre en conflit avec le réformateur. D’un côté, il entretient des rapports personnels avec les leaders palestiniens modérés tels qu’Abou Ayad et ne cesse de souligner la justesse de la cause palestinienne ; d’un autre, il déplore la déliquescence de l’État et des hommes d’État libanais, passifs ou corrompus, dont l’autorité est remplacée par celle des fedayin ou celle des chefs de clans traditionnels. Lorsque la guerre civile libanaise éclate, il demeure libaniste : il réitère ses positions à l’encontre des incursions étrangères, particulièrement celles de la Syrie et d’Israël et s’oppose vigoureusement à la partition du pays. D’autre part, contrairement à la majeure partie des chrétiens libanais, il reste fidèle à la branche modérée de la résistance palestinienne mais déplore que son combat soit récupéré par l’islam. Au moment de sa mort, effaré et profondément meurtri par les massacres effectués entre Libanais ou entre Libanais et Palestiniens, Édouard Saab est un homme en rupture avec les phalangistes, en rupture avec ce qu’on a coutume d’appeler la coalition islamo-progressiste. Syrie/Irak L’Édouard Saab réformiste s’intéresse au nationalisme arabe en tant que chrétien vivant dans un environnement majoritairement musulman. S’il s’intéresse particulièrement au parti de la résurrection arabe, le Baas, c’est parce qu’il y retrouve le souffle messianique, l’idéalisme politique qui font partie de sa personnalité la plus profonde. L’unité arabe fondée sur le laïcisme et le socialisme qu’élaborent Michel Aflak, Salaheddine Bitar, Zaki el-Arsuzi et Akram el-Hourani répond à l’aspiration révolutionnaire du journaliste désireux de modifier en profondeur son paysage politique arabe contemporain. Le journaliste approuve les thèmes fédérateurs du parti, tels que l’accès des droits civiques aux femmes, la liberté d’expression, la lutte contre les monarchies ou les puissances coloniales. Il admire son aspect structuré, discipliné et ses ramifications en Jordanie, en Irak, en Arabie séoudite et dans le Sud arabique. Il se montre également admiratif au développement économique des pays baasistes fondé sur l’exploitation des ressources naturelles du pays et sur l’indépendance à l’égard des puissances coloniales (nationalisation du pétrole irakien). Cependant, progressivement, il est amené à faire un bilan relativement décevant du Baas : ses principes démocratiques sont remis en cause par la répression de tout mouvement de contestation, des coups d’État, l’exercice d’un pouvoir personnel ou collégial qui s’exerce dans la terreur. Le parti qui souhaite renouveler le personnel politique lamine les veilles générations, mais fait le vide autour de lui. Sur le plan économique, E. Saab qui est plutôt partisan du socialisme modéré sui generis de Aflak en Syrie ou el-Bakr en Irak, s’oppose fermement au socialisme scientifique d’inspiration marxiste-léniniste d’Akram Hourani ou de celui de Ali Saleh el-Saadi en Irak. En outre, il regrette les ravages qu’entraîne l’existence de ces deux courants opposés. Il se montre également perplexe devant l’application de la réforme agraire et souligne davantage ses méfaits que ses bienfaits : le démembrement des grandes propriétés terriennes, la dépossession de la bourgeoisie syrienne vecteur de l’économie du pays et l’exil de la majorité des familles de possédants au Liban. En matière d’unionisme politique, E.Saab constate également le décalage entre le principe et la réalité : à l’intérieur, le parti Baas est miné par les querelles de personnes et les courants rivaux. Quant aux tentatives d’unité, telles que la RAU en 1958 ou l’entente tripartite syro-irako-égyptienne, elles se soldent par des échecs retentissants faute d’accord sur la définition même de l’unionisme. Égypte En tant que Libanais chrétien, Édouard Saab se méfie des incursions nassériennes qu’il dénonce régulièrement. C’est également en tant que chrétien qu’il évoque l’influence de Nasser au Soudan, et la nécessité de protéger la communauté chrétienne du Sud. Si Édouard Saab reconnaît le magnétisme et la puissance des discours de Gamal Abdel Nasser, s’il insiste sur le fait qu’il a décomplexé le peuple égyptien notamment la classe paysanne, s’il lui reconnaît son rôle moteur dans l’arabisme des années cinquante à soixante-dix, il dresse un bilan sévère de l’exercice de son pouvoir. Il considère que le nassérisme unioniste de Gamal Abdel Nasser est un «verbalisme érigé en doctrine d’État», d’où l’échec de la RAU et de l’entente tripartie de 1963. Il juge que les relations qu’entretiennent l’Égypte, la Syrie et l’Irak sont des rapports de force plus que des relations unionistes. Les divergences idéologiques qui existent entre le Baas et le nassérisme s’avèrent profondes : le Baas refuse le recours à l’islam, Nasser le tolère ; le Baas se fait une idée fédérative ou fusionnelle de l’union arabe, Nasser lui préfère une définition hégémonique ; le Baas s’appuie sur les ouvriers et les paysans pour promouvoir le nationalisme arabe, Nasser préfère endoctriner le peuple. Le Baas réussit à construire des ramifications ailleurs que dans son berceau d’origine et survit à ses créateurs, le nassérisme se cantonne à l’Égypte et ne survit pas à son fondateur. D’autre part, le nassérisme socialiste engendre une «dignité bâtie sur la misère et la privation». Au lieu de respecter une période de transition assumée par le capital privé, nécessaire à l’application d’une économie socialiste, au lieu de bâtir un marché commun arabe, auquel Édouard Saab croit fermement, il multiplie les nationalisations, attaque les intérêts occidentaux, met sous séquestre des biens et liquide des possédants égyptiens, paralyse le secteur privé et augmente la dette. Par ailleurs, les réformes agraires bouleversent le monde paysan. Enfin, selon Édouard Saab, cette économie socialiste est incompatible avec la politique guerrière menée par le Raïs notamment au Yémen. Selon lui, cette guerre appauvrit le pays et détourne le président égyptien de son objectif prétendument essentiel : récupérer la Palestine usurpée. Conflit israélo-arabe Édouard Saab s’engage pour la cause des Palestiniens dans le conflit israélo-arabe pour trois raisons majeures : en tant que chrétien, il est directement concerné par le sort fait à la Ville sainte de Jérusalem ; en tant que Libanais, il porte une attention soutenue à la politique hydraulique israélienne dont une partie menace le Litani, en tant qu’Arabe, il est sensible à la récupération de la Palestine, en tant qu’humaniste, il épouse totalement la douleur et l’attente des réfugiés palestiniens. Dans ses articles et dans son ouvrage Les deux exodes, écrit avec Jacques Derogy, un journaliste français juif, à une époque où les camps n’osaient pas affronter leurs idées, il s’acharne à démonter les arguments sionistes : non, la Palestine n’est pas cette terre sans peuple pour un peuple sans terre, les terres vendues l’ont été par des familles syro-libanaises et non palestiniennes, leur nombre est dérisoire, les 7 révoltes arabes et les 300 000 morts qu’elles ont provoquées, prouvent l’attachement indéfectible des Palestiniens pour leur terre depuis l’Antiquité. La défaite de 1948 est due à la complicité qui liait étroitement les organisations terroristes juives à la Grande-Bretagne, à la disproportion des forces armées à l’inexpérience du soldat arabe, à la trahison d’Abdallah. Elle est aussi due à la terreur exercée sur ce peuple inoffensif et pacifique, notamment à Deir Yassin, symbole du village arabe ayant signé des accords, de non-belligérance, entièrement pillé, et dont la population civile est constituée d’enfants et de vieillards déportés. De 1948 à 1967, le journaliste utilise la tribune de la presse libanaise et plus prudemment Le Monde, pour dénoncer la politique du fait accompli israélien et la poursuite inexorable du détournement des eaux du Jourdain malgré le recours aux instances internationales. En 1956, Édouard Saab approuve la nationalisation du canal de Suez effectuée par Nasser et l’affrontement qui s’en suit : selon lui, Nasser redonne confiance aux Arabes, relégués au rang des perdants et leur accorde une vraie indépendance à l’égard du monde occidental. Peu à peu, il se montre désabusé devant les sommets arabes qu’il qualifie de «festivals d’éloquence» ou encore de «cérémonie funèbre de la Palestine» et devant l’Onu qu’il pense inerte et passive. C’est pourquoi, à l’aide d’un langage révolutionnaire et offensif, il encourage l’essor d’une résistance armée palestinienne et la possibilité pour les fedayin de lancer des opérations militaires contre Israël. E. Saab encourage également les camps de réfugiés à se transformer en fidaï. Il se rend avec certains d’entre eux aux avant-postes jordano-palestiniens du conflit. Lors de l’affrontement de 1967, s’il approuve la fermeture du détroit de Tiran effectuée par Nasser, il ne croit pas à une victoire arabe. Il se rend à Jérusalem, côté jordanien, où il dénonce l’utilisation du napalm par les forces israéliennes notamment sur les populations civiles. L’État hébreu décime trois armées arabes en 48 heures. Dans La Syrie ou la révolution dans la rancœur, ouvrage écrit juste après la défaite, il s’interroge inlassablement sur les raisons de la défaite : il accuse l’armée syrienne d’être restée à Damas pour défendre le régime plutôt que de se concentrer sur le champ de bataille. Il accuse les Israéliens d’avoir annoncé la défaite de Kuneïtra de façon prématurée et d’avoir démobilisé les troupes. De 1967 à 1973, il utilise un double langage : guerrier contre Israël tout en affirmant la nécessité d’afficher les tuniques de paix devant l’Onu. Au moment où la résolution 242 est élaborée, il conseille aux Arabes d’avoir un dialogue direct et de ne pas conclure d’accords séparés. Peu à peu, il se soumet à l’idée de devoir récupérer les territoires occupés par étapes pour ensuite gagner la Palestine. Il se montre néanmoins écœuré par l’abandon de la cause palestinienne : Septembre noir est pour lui la conséquence d’une politique de mensonges : on ne sait plus qui soutient réellement la cause palestinienne, on ne sait plus comment soutenir la branche modérée en écartant la tendance extrémiste. À la veille de 1973, E. Saab considère que «négocier ne signifie pas abdiquer» ; il ne croit plus dans la capacité guerrière des Arabes. Cependant, paradoxalement, lorsque la guerre éclate à nouveau il se réjouit de voir les Arabes profiter du yom kippour pour surprendre l’ennemi ; il applaudit la première phase de la guerre où les forces égyptiennes se montrent disciplinées et victorieuses ; en revanche, il déplore fermement que les Égyptiens aient cru à la propagande israélienne qui consistait à faire croire que la rive ouest du canal n’était qu’un front de diversion alors qu’il s’agissait du véritable enjeu de la bataille. De plus, E. Saab est exaspéré par les accointances entre Henry Kissinger, «le cher Henry», et l’État hébreu. Il approuve l’utilisation de l’arme pétrolière même s’il sait que les émirs ne gêneront pas véritablement les besoins des États-Unis. Au terme des 18 jours d’affrontements où l’État hébreu sort encore une fois victorieux, Saab déplore que les Palestiniens soient restés passifs au lieu d’ouvrir un troisième front qui aurait été fatal ; il leur conseille de ne pas s’exclure des négociations à commencer par la conférence de Genève. Après 1973, le message que E. Saab fait passer dans ces articles et qu’il ne «s’agit plus d’obtenir par la force ce qu’on a perdu par la force, mais d’obtenir par la paix ce qu’on a perdu par la guerre». Les traités israélo-égyptien et syro-israélien lui semblent relativement favorables aux Arabes : il ne croit plus en la Palestine strictement arabe, par la force des choses, en une terre contrainte de devenir au mieux binationale. Conclusion La mort d’Édouard Saab, le 16 mai 1976, reflète parfaitement la violence de la période et des thèmes que je viens d’évoquer. Savoir s’il s’agit d’un meurtre ou d’une balle perdue tirée par un tireur embusqué n’ajoute rien à notre connaissance du sujet. Sa mort est aussi celle d’un citoyen délibérément optimiste, courageux, engagé, pour qui le Liban et le monde arabe sont une partie de lui-même, avant d’être un documentaire journalistique. À sa mort, les messages de condoléances venus des leaders chrétiens libanais traditionnels et des membres de l’Armée de libération de la Palestine, de l’armée du Liban arabe, du Fateh, d’el-Saïka, du Parti communiste prouvent l’esprit consensuel qu’il incarnait, malgré tout».
«L’Orient arabe (1958-1976) vu par le journaliste libanais francophone, Édouard Saab». Tel est le titre de la thèse de doctorat soutenue récemment à la Sorbonne par Myra Frapier-Saab, fille d’Édouard Saab, qui fut correspondant du «Monde», rédacteur en chef du «Jour» de 1965 à 1971 puis de «L’Orient-Le Jour» jusqu’en mai 1976, date à laquelle il fut tué par un...