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Actualités - INTERVIEWS

INTERVIEW - Le député du Ramgavar s’insurge contre l’hégémonie du Tachnag - Hagop Kassarjian : Pour une communauté arménienne totalement intégrée

Président du parti Ramgavar depuis six ans, Hagop Kassarjian, élu député sur la liste Hariri à Beyrouth, veut en découdre avec les médias. Il ne comprend pas pourquoi ceux-ci continuent à donner la préférence aux représentants du parti Tachnag et surtout à considérer que les députés arméniens ne doivent parler que des problèmes de leur communauté. Cet homme de fer (il possède une industrie métallurgique) se sent concerné par tout ce qui touche le Liban et se considère comme un citoyen libanais d’origine arménienne. Il veut donc avoir voix au chapitre à l’instar de tous ses autres compatriotes. Les législatives 2000 ont provoqué un véritable séisme auquel la communauté arménienne, traditionnellement considérée comme un bloc homogène, n’a pas échappé. Le pouvoir du puissant parti Tachnag, qui depuis des années faisait la pluie et le beau temps au sein de la communauté, a été sérieusement ébranlé, ses candidats ayant échoué à Beyrouth pour céder la place aux représentants des partis Ramgavar et Henchag et à deux «indépendants», en vérité proches du président du Conseil Rafic Hariri. Le Tachnag a donc perdu la bataille à Beyrouth, mais ses chefs continuent à affirmer qu’il représente 90 % de la communauté arménienne, les nouveaux députés de Beyrouth ayant été élus, selon lui, par les voix sunnites. Hagop Kassarjian réfute cet argument. Il précise que lui et ses compagnons ont obtenu des voix arméniennes, mais ce n’est pas le plus important, car depuis Taëf, aucun député n’est élu par les seuls électeurs de sa communauté. «Même Sébouh Hovnanian élu au Metn et membre du Tachnag a obtenu plus de 40 000 voix dont la plupart ne sont pas arméniennes. C’est cela la politique d’intégration nationale». N’empêche que les élus doivent aussi représenter leur communauté. «Où sont les statistiques qui prouvent que le Tachnag représente 90 % de la communauté arménienne ? Je pense que ceux qui possèdent une carte de membres dans ce parti ne dépassent pas les 5 %. Il y aurait 40 % de sympathisants et les autres sont nos partisans ou ceux du Henchag ou encore des indépendants. L’hégémonie du Tachnag sur notre communauté doit cesser». Une animosité vieille de 50 ans D’où vient cette animosité entre le Tachnag et les autres partis ? «Elle remonte à plus de 50 ans. Le Tachnag a condamné tous ceux qui traitaient avec l’Arménie soviétique, n’hésitant pas à les qualifier de communistes. Nous autres, nous pensions que même sous le régime soviétique, l’Arménie demeurait notre patrie d’origine et nous devions par conséquent aider nos frères là-bas. Les régimes passent et les pays restent. Voulant contrôler toute la diaspora, le Tachnag n’a pas hésité à nous accuser d’être des communistes, alors que traditionnellement, le Ramgavar regroupe la bourgeoisie arménienne». Si l’Arménie est sa patrie, quelle place occupe le Liban ? «L’Arménie est notre patrie d’origine, mais le Liban est notre pays. Tout comme un émigré libanais au Brésil est un Brésilien d’origine libanaise. Nous sommes contre l’isolement des Arméniens au Liban et leur enfermement dans des ghettos. Ils doivent s’intégrer totalement à la société. Socialement et économiquement, c’est déjà fait, mais politiquement, ils restent à l’écart, car c’est ce qu’impose le Tachnag qui veut continuer à contrôler la communauté. Nous autres, nous pensons que chacun doit être libre de penser comme il le souhaite, sans toutefois mettre en danger l’unité des rangs arméniens, sur les questions sacrées : nos écoles, nos églises et nos institutions propres, mais tout le reste doit rester libre. Pourquoi tous les Arméniens doivent voter pour une même liste, comme un seul bloc ? Est-ce qu’on accepterait la même chose pour les maronites, les sunnites ou les autres communautés ?». Beaucoup souhaiteraient qu’il en soit ainsi ? «Non, cela ne devrait pas être ainsi. C’est une atteinte à la liberté et un accroissement des clivages confessionnels. Nous souhaitons que les Arméniens soient libres de leurs choix politiques. Nous ne voulons pas éliminer le Tachnag, mais simplement qu’il nous traite avec respect». En voulant échapper à «l’hégémonie du Tachnag», ne s’est-il pas placé sous la coupe du bloc Hariri, remettant ainsi en question «la légendaire autonomie des Arméniens ?». «Pas dut tout. Nous sommes convaincus de la politique de M. Hariri et au sein de ce bloc, rien ne nous est imposé. La diversité dans la représentation arménienne est importante et il ne faut plus que notre communauté soit isolée des autres Libanais». Que pense-t-il de l’actuel nœud arménien au sein du gouvernement ? «Nous en sommes les premières victimes. Nous avons remporté les élections à Beyrouth et nous devrions être représentés au gouvernement. À mon avis, si le ministre Sebouh Hovnanian avait dès le début refusé d’accepter le portefeuille qui lui était proposé, nous n’en serions pas là aujourd’hui et le problème aurait été rapidement réglé, mais il a préféré accepter et créer la crise après. C’est pourquoi elle traîne depuis des mois». Le blocage est ailleurs Selon M. Kassarjian, la désignation d’un second ministre arménien est bloquée, au niveau du président Lahoud et du Premier ministre Hariri. Le premier qui a choisi M. Hovnanian pour «donner une compensation au Tachnag» estimerait que le Premier ministre a eu sa part avec M. Fleyhane. De son côté, Hariri considérerait que M. Fleyhane était une nécessité économique et par conséquent le second ministre arménien devrait faire partie de ceux qui ont été élus à Beyrouth, c’est-à-dire les membres de sa propre liste, ou leurs alliés. Tant que les deux hommes ne parviendront pas à un accord, le nœud arménien continuera à exister. M. Kassarjian affirme à ce sujet qu’il n’a pas de problème à ce qu’un Arménien proche de son courant, mais non membre de son parti, soit désigné, l’essentiel étant pour lui de préserver les droits de la communauté. Toutefois, ce ne sont pas les Arméniens eux-mêmes qui constituent le cœur du problème. L’affaire est devenue politique et le blocage se trouve ailleurs. En prêchant pour une communauté arménienne totalement intégrée au reste de la société, M. Kassarjian reproche aux journalistes de ne poser aux députés arméniens que des questions concernant cette communauté. «On ne me demande jamais ce que je pense de ce qui se passe à Chebaa, proteste-t-il. Le Tachnag publie son communiqué qui représente la position officielle et c’est fini, plus personne n’a le droit de réfléchir sur la question. De plus, le Tachnag est trop rigide, alors qu’il devrait être plus flexible et accepter que d’autres puissent représenter les Arméniens». Au fait, que pense-t-il de ce qui se passe à Chebaa ? Kassarjian sourit : «À mon avis, le problème est plus vaste qu’une question de hameaux. Le Liban est obligé de rester un pays de confrontation, en raison du fait qu’Israël occupe une partie de son territoire et qu’il est encore au cœur du conflit israélo-arabe. En même temps, la situation économique est tellement dramatique qu’il doit absolument tout entreprendre pour attirer les investissements étrangers. Comment concilier ces deux tendances contradictoires : une économie d’ouverture et une politique de confrontation, tel est le grand défi de l’actuel gouvernement. La tâche est très difficile, mais les mesures prises récemment placent le pays sur la bonne voie. À condition que tous les efforts aillent dans le même sens».
Président du parti Ramgavar depuis six ans, Hagop Kassarjian, élu député sur la liste Hariri à Beyrouth, veut en découdre avec les médias. Il ne comprend pas pourquoi ceux-ci continuent à donner la préférence aux représentants du parti Tachnag et surtout à considérer que les députés arméniens ne doivent parler que des problèmes de leur communauté. Cet homme de fer (il...