Frimeurs et frimas

Enfin, il s’est passé quelque chose. Un peu d’émotion dans l’air. Levez-vous orages désirés ! Vous en avez rêvé, le bonhomme hiver l’a fait. Mardi, c’était comme au plus beau des films russes : Fuouuu… Fuouuu… (le vent), Frouscht… Frouscht… (les pas dans la neige), quelques borborygmes en basse pour économiser le souffle embué (conversation). Et c’était comme si la saison tout entière s’étalait sur trois jours : ainsi aurions-nous eu le printemps, l’été, l’automne et le 20-23 février. Témoin, le niveau d’hygrométrie, parfaitement équivalent à celui de l’année dernière, sauf qu’il s’est déversé en une seule fois. Enfin, on a eu chaud –enfin on a eu froid –, enfin, vous voyez… Et comme nous n’avons jamais rien prévu, à-quoi-bonistes que nous sommes, la surprise de voir le ciel nous tomber littéralement sur la tête était parfaitement réussie : mini tempête, super effets. L’on était d’ailleurs en droit de se demander pourquoi le réchauffement planétaire dont on nous rebat les oreilles ne parvenait pas jusqu’au fond de nos couettes, mais (n’est-ce pas ?) nous avons ce talent d’être toujours à part dans les processus globaux. Allez, il n’y a plus qu’à replanter les arbres, retendre le réseau électricité- téléphones-eaux usées, réparer les toitures, remplacer les vitres, les véhicules, combler les crevasses et ramer. Après tout ce ne sont que gestes ataviques. Me revient ce vers d’al-Mutanabbi : «Je suis le noyé, que m’importe d’être mouillé ?» Qu’il pleuve des chiens, des chats, des météores, des dettes, de l’uranium appauvri ou des hallebardes, notre gloire à nous est de faire avec, surtout rien contre : face aux éléments, l’exception libanaise. Sacrés frimeurs, tout de même !