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Actualités - REPORTAGES

Gilgamesh à la conquête - des Cèdres du Liban

Comme il avait déjà remporté bien des victoires et qu’il se trouvait au comble de la renommée, Gilgamesh apprit un jour – on ne sait comment – qu’il y avait dans une région montagneuse, fort éloignée d’Ourouk, un géant qui vivait au milieu d’une forêt – une forêt de Cèdres – au cœur de laquelle se dressait un sanctuaire dédié à la déesse Irnini. Le géant, quant à lui, se nommait Houmbaba ; et, s’il avait reçu la mission de veiller sur Irnini, c’était un dieu qui l’avait installé en cette place, l’un des trois grands dieux du panthéon babylonien, celui qui portait le nom de Bel, c’est-à-dire Seigneur, et qui était, en effet, le Seigneur de la terre, les deux autres dieux de la triade suprême étant Anou, qui règne sur le ciel, et Ea, qui commande à l’Océan. Ainsi, le géant des Cèdres était la créature de Bel, son représentant ou son champion. Mais il se trouvait en même temps que ce géant était en abomination aux yeux de Shamash, et cela pour des motifs qui nous échappent entièrement. Shamash aurait pu, sans doute, à lui tout seul, abattre ce monstre ; s’il n’était pas le maître des dieux, ses pouvoirs, peut-on penser, étaient cependant fort étendus. Mais le dieu Soleil tenait, paraît-il, à associer Gilgamesh à cette entreprise ; et c’est pourquoi il inspire au roi d’Ourouk le désir, et le désir très vif, de partir à la conquête du pays des Cèdres, et d’abord de mettre hors d’état de nuire le géant qui veillait sur cette contrée et en défendait les approches. Gilgamesh était brave, nous le savons ; et son ami, son frère d’armes, Enkidou, ne l’était pas moins que lui. Cependant, la réputation du Géant était telle qu’Enkidou refusa d’abord à son roi de le suivre, alléguant, en manière d’excuse, qu’il avait eu jadis l’occasion d’approcher de la montagne des Cèdres et d’entendre la voix du Géant, de ce géant dont la bouche vomit du feu et dont le souffle est mortel, description sommaire d’où l’on a cru pouvoir déduire que la montagne sur laquelle veillait Houmbaba était un volcan… … Le récit du voyage des deux héros, depuis Ourouk jusqu’aux Cèdres, est gravement mutilé. Nous savons cependant qu’Enkidou, terrassé par un mal subit, fut contraint de s’arrêter en chemin et qu’il resta couché, pendant douze jours, entre la vie et la mort. Si malade qu’il soit, Enkidou se rend compte pourtant de son état ; il en cherche la cause et il croit la saisir : «C’est, dit-il à Gilgamesh, c’est que, quand nous étions encore dans Ourouk, j’ai hésité à partir avec toi. Un dieu m’en veut pour cela». Ce Dieu, qu’on évite de nommer, c’est, suivant toute vraisemblance, le Dieu Soleil, Shamash, qui devait «en vouloir», en effet, à Enkidou, pour avoir risqué de compromettre le succès d’une entreprise à laquelle il était, lui Shamash, si fort attaché. Ainsi, la maladie d’Enkidou apparaît comme un châtiment ou tout au moins comme un avertissement. C’est aussi que cela se passait en un temps où toute maladie était tenue pour la punition d’une faute ou d’un péché, d’un manquement quelconque dans le service de ces maîtres exigeants et capricieux qu’étaient les dieux de la Chaldée. Cependant Enkidou ayant surmonté cette épreuve, les deux compagnons poursuivent leur route, et bientôt ils se trouvent au pied de la montagne des Cèdres. Ils admirent ces arbres qui se dressent fièrement dans le ciel ; mais la crainte se mêle en eux à l’admiration, et, dans leur détresse, ils prononcent une prière qui s’adresse, cette fois, non pas au soleil, mais à la montagne même ; puis ils creusent une fosse, dans laquelle ils versent une poignée de farine en disant : «Ô montagne ! apporte-nous des songes». Et, dans leur sommeil, ils ont en effet plusieurs songes, dont ils cherchent au réveil et dont ils croient saisir le sens, sans parvenir cependant à se rassurer tout à fait. Enfin, le Soleil, qui paraît les avoir abandonnés un moment, accourt à leur aide. Il suscite un ouragan qui jette à terre le géant ; celui-ci demande grâce, semble-t-il, et Gilgamesh est prêt à l’écouter, mais, sur les instances d’Enkidou, la lutte reprend avec un nouvel acharnement, et, au terme d’un combat dont le récit ne nous a pas été conservé, Gilgamesh et Enkidou tranchent la tête du terrible Houmbaba. Charles Virolleaud : Légendes de Babylone et de Canaan.
Comme il avait déjà remporté bien des victoires et qu’il se trouvait au comble de la renommée, Gilgamesh apprit un jour – on ne sait comment – qu’il y avait dans une région montagneuse, fort éloignée d’Ourouk, un géant qui vivait au milieu d’une forêt – une forêt de Cèdres – au cœur de laquelle se dressait un sanctuaire dédié à la déesse Irnini. Le...