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Actualités - OPINIONS

Madame Bovary, - c’est... lui

«Madame Bovary, c’est moi». Le génialissime Flaubert, son père, considérait aussi Emma comme son double, son alter ego. Emma Bovary qui se languissait, qui se fânait, qui survivait dans sa petite province en bord de Seine, Emma Bovary qui rêvait en Technicolor, en 3D, qui rêvait du monde entier, qui rêvait de... Paris. D’opéra, de théâtre, de littérature, de salons où l’on cause, de restaurants classieux, de luxe, de calme, de volupté, de Chanel n° 5 pour toujours. Sa province trop étriquée l’étouffait, elle s’y ennuyait, Dieu qu’elle s’y ennuyait, et comme elle se jetait sur le premier sujet, sur le premier objet qui lui rappelait Paris, ce Paris – elle ne le sait que trop bien et toute sa tragédie est là – qu’elle n’aura jamais. Emma Bovary est un personnage fictif, sa vie personnelle, elle l’a passée à... bovariser. À fuir dans le rêve l’insatisfaction. Rafic Hariri est un personnage réel, et bien réel, sa vie professionnelle – pour l’instant –, il la passe à... bovariser. À fuir dans l’excès l’étroitesse. Rafic Hariri rêve d’être l’homme qui sortira le Liban de l’autoroute toute tracée et qui a pour nom «voie du sous-développement». Rafic Hariri, de Saïda où il était petit commerçant, à Koraytem où il est Premier ministre en exercice du Liban, en passant par Ryad où il a été un (très) imposant homme d’affaires, rêve de noyer son pays et les Libanais sous l’argent. Il rêve de voir tous les investisseurs s’y installer, tous les chefs d’État s’y arrêter, il rêve de tutoyer, d’embrasser en disant bonjour, tout énamouré, tous les égaux de Jacques Chirac, tous ses collègues. Eh bien, tant mieux. Tant mieux pour lui, «que Dieu lui donne», mais à une condition, une seule, nécessaire, suffisante, impérative. Que le Liban en profite, d’abord, surtout. Et si les Libanais arrivent à avoir, pour une fois, la reconnaissance du ventre et du portefeuille – à défaut de celle du cœur – grâce à Rafic Hariri, pourquoi pas ? Pourquoi pas... Et aujourd’hui, il serait totalement déplacé, idiot même de dire que cet homme ne pense qu’à lui. Il paraît qu’il a appris, que les six ans lui ont appris. Beaucoup. Ça reste évidemment à prouver, mais en attendant, le bénéfice du doute, l’inclination à la confiance, sont conseillés, conseillables. Même si l’heure est loin d’être à l’optimisme. Il y a juste un petit problème. Un gros problème. Emma Bovary a, on le sait maintenant, irrémédiablement bovarisé, sa vie entière : elle avait ses enfants, son mari, la mentalité de sa province, Homais, le pharmacien, tout... Rafic Hariri, lui, a (beaucoup) de soldats à (beaucoup) nourrir, des fonctionnaires archisurnuméraires, la mentalité libanaise, l’extrémisme, le jusqu’au-boutisme de certains partis. Il est vital pour le Liban qu’il puisse cesser de bovariser, être enfin réellement productif. Sans cela, sa réarrivée au Sérail pourrait ressembler de très près au pire cauchemar du Liban. Tous les salons bruissent des rumeurs de dévaluation de la livre. Emma, elle, au moins, n’avait pas à se soucier de ça. Elle.
«Madame Bovary, c’est moi». Le génialissime Flaubert, son père, considérait aussi Emma comme son double, son alter ego. Emma Bovary qui se languissait, qui se fânait, qui survivait dans sa petite province en bord de Seine, Emma Bovary qui rêvait en Technicolor, en 3D, qui rêvait du monde entier, qui rêvait de... Paris. D’opéra, de théâtre, de littérature, de salons où...