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Actualités - ANALYSES

VIE POLITIQUE - Le communiqué-réponse à Nasrallah retiré en soirée par Koraytem - Hariri-Hezbollah : les apparences sont sauves, mais dans le fond…

Petite chronique feuilletonnesque d’une énième anicroche, et sans doute pas la dernière, entre le Premier ministre Rafic Hariri et le Hezbollah : hier, le bureau de presse du Premier ministre a publié un communiqué-mise au point à la suite du discours improvisé du secrétaire général du Hezbollah Hassan Nasrallah lors de la cérémonie à la mémoire de cheikh Chamseddine. Et quelques heures plus tard, Rafic Hariri demandait le retrait de ce communiqué. Une question : pourquoi ? Petit retour en arrière. Paris, jeudi 15 février, Rafic Hariri souligne clairement que Beyrouth ne veut surtout pas se livrer à une quelconque provocation à la frontière avec Israël, «nous sommes d’accord avec la Syrie sur ce point», a-t-il même tenu à préciser. Hameaux de Chebaa, vendredi 16 février, le Hezbollah lance une attaque se soldant par la mort d’un soldat israélien alors que deux autres sont blessés. Koraytem, samedi 17 février, Rafic Hariri reçoit le chef du bloc parlementaire Hezbollah, Mohammed Raad, et le conseiller politique de Hassan Nasrallah, Hussein Khalil. L’ambiance, à en croire des sources proches de Koraytem, est à «tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil». Rafic Hariri répète au Hezbollah qu’il est convaincu que l’attaque de la veille n’était pas une réponse à ses déclarations parisiennes, chose que le Hezbollah lui confirme (bien volontiers ?), soulignant que les opérations menées contre Israël n’ont «aucune visée intérieure». Chatila, dimanche 18 février, cérémonie en mémoire de l’ancien président du Conseil supérieur chiite, cheikh Mohammed Mehdi Chamseddine. Le secrétaire général du Hezbollah Hassan Nasrallah décide d’improviser son discours, une critique enflammée d’une récente déclaration de l’ambassadeur américain à Beyrouth David Satterfield, sur l’inopportunité des attaques contre les positions israéliennes dans les hameaux de Chebaa. «C’est Washington qui bloque les aides», a-t-il accusé. Et à la fin de son laïus, une pique adressée au représentant de Rafic Hariri, le ministre des Finances Fouad Siniora. C’est un malentendu né de deux interprétations opposées de cette pique qui aurait – officiellement – mis un petit feu à une petite quantité de poudre. Officiellement… Ce que laisse sous-entendre le communiqué Baabda-Damas-Anjar-Faqra, dimanche 18 février, Rafic Hariri s’entretient avec le chef de l’État Émile Lahoud, se rend au palais des Mouhajerine conférer avec le président syrien Bachar el-Assad, fait un crochet, au cours du retour, par la Békaa chez le chef des services de renseignements syriens au Liban Ghazi Kanaan, puis remonte vers la neige de Faqra retrouver sa famille, Faqra où, hasard ou coïncidence, se trouvait également le général Lahoud avec qui le Premier ministre s’est entretenu une deuxième fois. Que s’est-il passé au cours ou entre ces quatres étapes dominicales, et qu’est-ce qui a incité Rafic Hariri à demander à son bureau de presse de se fendre d’un communiqué-mise au point suite au discours de Nasrallah, la question se pose, naturellement. Où l’on en arrive au fait principal de la journée d’hier, à savoir ce fameux communiqué, diffusé en milieu de journée aux télévisions, aux radios et aux agences de presse, et ensuite… purement et simplement retiré en soirée. Tout en se souvenant du pourquoi de ce communiqué. Officiellement, c’est une interprétation d’une pique lancée par Hassan Nasrallah à Fouad Siniora. Pour les uns, le secrétaire général du Hezbollah a critiqué les Américians. Pour les autres, c’était la politique du gouvernement Hariri qui était visée. Le Premier ministre a sans doute voulu profiter du flou artistique ambiant pour mettre les points sur les i et, publiquement, continuer de s’en prendre à cette espèce de tabou qu’est la sempiternelle opposition entre résistance et investissements, entre politique et économique. «Je veux m’occuper, aussi, des dossiers politiques régionaux», se serait dit Rafic Hariri. Le discours de Hassan Nasrallah tombant à pic, et son caractère aidant, il a dû demander la diffusion de ce communiqué qu’il devait sans doute ruminer depuis longtemps. Ce que dit et surtout ce que laisse sous-entendre ce communiqué est simple. La résistance à Israël ne doit être le monopole de personne et tout le monde en a payé le prix. Le Hezbollah a été héroïque, mais la victoire remportée en mai 2000 n’aurait jamais été possible sans le soutien populaire. Et selon des sources politiques ayant observé de près les tiraillements Hariri-Hezbollah de ces derniers jours, «il serait inutile que le parti islamiste se mette à dos tous les Libanais en leur imposant une échappatoire et une seule : jouer les kamikazes contre les tanks israéliens pour ne pas être taxés de traîtres». Et ce sur quoi insiste, toujours entre les lignes, ce communiqué est tout aussi simple. Le gouvernement n’a jamais laissé sous-entendre, d’une façon ou d’une autre, l’abandon de la concomitance des volets syro-libanais. Et d’autre part, il serait ridicule de taxer chaque personne qui essaie de ramener investisseurs et argent au Liban, de collaboration avec Israël ou les États-Unis. Tous les Libanais, quel que soit leur niveau de responsabilités, souhaitent récupérer les hameaux de Chebaa. Mais tous les Libanais, quel que soit leur niveau de responsabilités, veulent manger, boire, prospérer et… vivre. Enfin, l’État appuie la Résistance et cela fait partie de ses responsabilités, il reconnaît également la légitimité populaire dont elle jouit. Mais il ne faut absolument pas oublier que le gouvernement est né suite à un raz-de-marée populaire en faveur de Rafic Hariri et de son Courant du futur, et qu’il a obtenu la confiance du Parlement. Ce qui signifie qu’au niveau de la légitimité populaire, entre Rafic Hariri et l’équipe qu’il préside, et le Hezbollah, c’est bonnet blanc et blanc bonnet. Les deux scénarios Maintenant reste à savoir ce qui s’est passé entre le moment où le communiqué a été distribué aux médias et celui où il a été retiré – quelques heures à peine séparant ces deux «(non ?) événements». Scénario n° 1 : Rafic Hariri est revenu de Damas fort de la garantie que le super-voisin partage la volonté de Beyrouth – du moins de son gouvernement – de ne pas faire du Liban un nouveau Hanoi, pour reprendre la marque déposée de Walid Joumblatt, «il faut se décider, pour le Liban, entre Hanoi et Hong Kong». Il aurait invité Hussein Khalil à Koraytem, qui lui aurait transmis les éclaircissements de Hassan Nasrallah au sujet de la pique lancée à Fouad Siniora. «Nous ne doutons pas de votre patriotisme», lui aurait dit Rafic Hariri, à quoi cheikh Khalil a répliqué que le Hezbollah ne doutait pas non plus du patriotisme du gouvernement, tout en lui faisant part du «profond étonnement» du parti islamiste à l’égard de ce communiqué. D’autant plus que lors de la réunion de samedi à Koraytem, l’ambiance entre les deux camps avait été, paraît-il, au très beau fixe. Et voulant prouver sa bonne foi, Rafic Hariri aurait demandé, en pleine réunion avec le représentant du Hezbollah, le retrait du communiqué. Tout est bien qui finit bien, aucune pression, aucun «grand décideur» n’est intervenu, les apparences sont sauves et… le Premier ministre aura obtenu ce qu’il voulait, les radios, les télés et les agences de presse ayant diffusé le fameux texte. Rafic Hariri a dû probablement garder en tête qu’il n’en était pas à sa première anicroche avec le Hezbollah – loin de là, elles sont coriaces depuis 1993. Ni à sa dernière. Scénario n° 2 : cheikh Khalil s’est sans doute «invité» lui-même à Koraytem, soutenu – envoyé – par Anjar, voire même Damas. Coups de téléphone fermes à l’appui durant l’entretien des deux hommes, et Rafic Hariri se voit contraint de demander le retrait de son communiqué. Véritable camouflet certes, mais surtout, une nouvelle «preuve» de la volonté des tuteurs, quels qu’ils soient, de cantonner le Premier ministre à un rôle presque exclusivement économique, en le privant de la gestion des dossiers régionaux. Une volonté qui s’est d’ailleurs à maintes fois traduite, sur la scène purement locale, par les prises de bec sourdes, larvées, mais tenaces, entre les deux pôles de l’Exécutif. Il n’empêche, cet événement qui n’a pas l’air d’en être un devrait faire date : c’est la première fois que Rafic Hariri informe directement et publiquement le Hezbollah – extrêmement puissant depuis le 24 mai 2000 – de ce que plus personne n’ignore : avec moi au pouvoir, tous les efforts – diplomatiques – seront fournis pour récupérer les fermes de Chebaa et par là, l’entière souveraineté du Liban. Mais avec moi, cela sera, d’abord et surtout, la relance économique. Énième anicroche donc, mais anicroche-charnière. On attend les (intéressantes) réactions du chef de l’État, comme celles du président de la Chambre. Ou leur absence.
Petite chronique feuilletonnesque d’une énième anicroche, et sans doute pas la dernière, entre le Premier ministre Rafic Hariri et le Hezbollah : hier, le bureau de presse du Premier ministre a publié un communiqué-mise au point à la suite du discours improvisé du secrétaire général du Hezbollah Hassan Nasrallah lors de la cérémonie à la mémoire de cheikh Chamseddine....