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Actualités - CHRONOLOGIES

THÉATRE - « Escadron marche à la mort » à la salle Monnot jusqu’au dimanche 18 février - La guerre de tout le monde

Quatre femmes et un homme en treillis avec au-dessus d’eux des panneaux inspirés du Guernica de Picasso. Pour Alfonso Sastre, l’auteur de la pièce, comme pour tous les Espagnols, le 26 avril 1937 reste le symbole de «l’océan de douleur et de mort» (Picasso) dans lequel a été brutalement plongée la ville martyr et tout le pays à sa suite. Hassan Benjeddi, le metteur en scène marocain qui a déjà signé l’année dernière à Beyrouth Yerma, a choisi de former un bataillon de femmes. Il leur a laissé leurs prénoms espagnols et il a traduit le texte en libanais. À peine la première phrase prononcée, le spectateur fait de cette guerre espagnole la sienne. Celle qui a commencé à Beyrouth le 13 avril 1975. Drôle d’impression. Sur scène, la pièce commence par une danse de guerre, mimant la démarche militaire. Mais dans la pénombre se profile des soldats aux cheveux longs, chassant désespérément un naturel qui revient au galop : la grâce féminine. Il y a Agatha, le professeur de métaphysique, timide derrière ses lunettes (extraordinaire Betty Taoutel), il y a India (Nadine Naoum, dans un rôle courageux et attachant), le garçon manqué, la blessée à vif; il y a Pedra (Zay Khawli, dans une interprétation juste), la séductrice qui n’hésite pas à boire pendant le service ; il y a Pija (Joyce el-Aam donne toute l’ampleur au final), la discrète et la courageuse, celle qui, déjà morte, représente le souvenir pour Luis (très bon Bahaa Harmoushe), le jeune soldat malade, que les femmes protègent de l’autorité abusive et idiote du «aarif» (Nabil Assaf, qui pourrait être plus crédible). Jour fatidique Pourquoi sont-ils là ? L’absurdité de la guerre les fait réagir chacun à sa manière : Luis est constamment malade, Pija qui se tait, Pedra qui boit et qui rit, tandis qu’India agresse et qu’Agatha pleure. Ces cinq-là doivent trouver une réponse à cette question lancinante. C’est le sergent qui leur fera comprendre qu’au front, un escadron marche uni vers la mort. Uni dans une même décision, celle du meurtre. Le «aarif» tombe, sans doute pour en finir. Les cinq soldats sont seuls, sans repères : ils croient attendre la date du combat. Ils l’attendent comme ils peuvent. Jusqu’au jour fatidique, qui ne vient pas. L’escadron est tombé dans un piège : pas de front, pas de trépas glorieux, juste une condamnation à mort pour avoir désobéi aux ordres. Agatha se pend, Pija et India s’enfuient. Luis est seul, du moins il croit l’être. Pedra la discrète, la grande sœur, lui apprend à vivre et à fumer. Pour que chaque cigarette allumée lui rappelle son escadron, ses histoires sordides et touchantes, la mort de ceux que l’espoir n’a pas pu rattraper. Une heure et quart plus tard, le spectateur repart avec ses propres réflexions sur la guerre, celle du Liban et celle des autres, sur les soldats qui ont peur, pleurent, se déchirent et s’aiment passionnément avant d’être séparés par des bombes. Peut-être que ces hommes fragiles sont-ils un peu comme des femmes. Une belle pièce.
Quatre femmes et un homme en treillis avec au-dessus d’eux des panneaux inspirés du Guernica de Picasso. Pour Alfonso Sastre, l’auteur de la pièce, comme pour tous les Espagnols, le 26 avril 1937 reste le symbole de «l’océan de douleur et de mort» (Picasso) dans lequel a été brutalement plongée la ville martyr et tout le pays à sa suite. Hassan Benjeddi, le metteur en...