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Actualités - REPORTAGES

La Phénicie chrétienne, une province au cœur de l’Empire chrétien d’Orient

Du règne de Constantin (310-337) à celui de Théodose (379-395), le IVe siècle fait entrer l’Orient romain dans une nouvelle période historique, celle de la domination byzantine qui se perpétue en Phénicie jusqu’à la conquête musulmane (636). Aux plans religieux et politique, deux évolutions majeures définissent cette époque : la partition de l’empire et sa christianisation. De sa reconnaissance par l’édit de Milan de Constantin et Licinius (313) à l’interdiction par Théodose des sacrifices païens (392), le christianisme conquiert une position officielle et exclusive. D’autre part, la fondation par Constantin, sur le site de Byzance, de la nouvelle capitale impériale de Constantinople, en 330, déplace vers l’est le centre de gravité du monde romain. La succession de Théodose en 395 – qui partage l’empire entre ses deux fils – scellera la rupture, confirmée au Ve siècle par la disparition de l’Empire d’Occident et que les reconquêtes de Justinien, au VIe siècle, ne remettront pas en cause. Cette double mutation détermine un recentrage profitable à la Phénicie qui, de province périphérique du monde romain, se retrouve au cœur de l’Empire chrétien d’Orient. Proche des «Lieux saints» de Palestine mais encore d’Antioche et d’Alexandre, les deux centres de réflexion christologique et d’exégèse, elle occupe une position privilégiée au carrefour des idées religieuses et sur la route des pèlerinages. Elle ne tire pas moindre avantage de sa relative proximité géographique du siège du pouvoir impérial : dignitaires civils et ecclésiastiques se rendent souvent et facilement de Phénicie au «Palais sacré» de Constantinople, tandis que les faveurs du prince atteignent en retour les cités de la côte. L’administration gagne en efficacité à ces liens resserrés et la période est tout à fait prospère. La Phénicie byzantine comporte deux provinces («éparchies») où se répartit inégalement l’actuel territoire libanais. Celui-ci s’inscrit pour les deux tiers en Phénicie I, ou «maritime», étroite bande côtière qui s’étend depuis Porphyréon (Haïfa) jusqu’au-delà d’Antarados (Tartous) mais s’élargit au sud en incluant la zone de l’Hermon. Le Liban contemporain en occupe la plus grande part avec les cités de Tyr (Sour), Sareptha (Sarafand), Sidon (Saïda), Béryte (Beyrouth), Byblos (Jbayl), Botrys (Batroun), Tripolis (Trablous), Orthosias (Ard Artousi, à l’embouchure du Nahr al-Bared) et Arca (Tell Arqa). Capitale provinciale et métropole religieuse, Tyr n’y voit son autorité concurrencée que par Béryte, l’autre grand centre commercial et intellectuel – et qui obtiendra en 449 son autonomie ecclésiatique avec le rang de «métropole autocéphale». La vaste province continentale de Phénicie II, ou «Libanaise» concerne surtout l’espace syrien mais elle doit bien son nom au Mont-Liban qui se trouve sur son territoire, ainsi que la vieille cité d’Héliopolis (Baalbeck). Au plan civil, les deux provinces relèvent de l’autorité du «préfet du Prétoire d’Orient», résidant à Constantinople mais représenté par son «vicaire» à Antioche, le «comte d’Orient» – et à Tyr par le gouverneur provincial. Justinien supprimera d’ailleurs l’échelon intermédiaire du «vicaire», le gouverneur de Phénicie recevant alors le titre de «modérateur» (535). En dépit des visées du patriarche de Jérusalem, les évêchés phéniciens demeurent dans le ressort ecclésiatique du patriarcat d’Antioche. Sur la côte, l’implantation du christianisme était au demeurant fort ancienne. Les évangélistes mentionnaient déjà la sympathie de Jésus pour le pays de Tyr et de Sidon (Mt XI, 21-22) et sa guérison d’une possédée, «cananéenne» selon Mathieu (XV, 21-29), «syro-phénicienne» selon Marc (VII, 24-31). Au cours de ses voyages apostoliques, Paul relâchait à Tyr (AcXXI, 3-7) comme à Sidon (AcXXVII,3). Équidistants d’Antioche et de Jérusalem, les ports phéniciens constituaient de fait autant d’escales obligées sur la route du cabotage ou d’étapes disposées au long de la terrestre via maris, selon l’axe géographique essentiel du christianisme naissant. Nous sommes assez bien renseignés sur la croissance de l’église de Tyr par l’historien ecclésiatique Eusèbe de Césarée (260-339). La rigueur de la répression antichrétienne démontre le succès massif de la prédication évangélique. Tyrien lui-même, le philosophe néoplatonicien Porphyre, idéologue de la persécution de Valérien (257-260), avait pu mesurer son ampleur. Frédéric ALPI Liban, l’autre rive
Du règne de Constantin (310-337) à celui de Théodose (379-395), le IVe siècle fait entrer l’Orient romain dans une nouvelle période historique, celle de la domination byzantine qui se perpétue en Phénicie jusqu’à la conquête musulmane (636). Aux plans religieux et politique, deux évolutions majeures définissent cette époque : la partition de l’empire et sa...