Rechercher
Rechercher

Actualités - CHRONOLOGIES

Épuration - Un phénomène de société inévitable et insoluble - Une vieille rengaine, la réforme administrative

La réforme administrative c’est, dans ce pays, la quête du Graal, la quadrature du cercle. Presque tous les gouvernements (de paix civile) qui ont passé ont eu des velléités de jouer à l’Hercule nettoyant les écuries d’Augias. Et ils ont tous, invariablement, échoué, plus ou moins lamentablement. Au fil des décennies, ce problème, qui date des Ottomans, s’est alourdi, compliqué, au point de devenir un phénomène de société inévitable et insoluble. La tapisserie offre une trame, apparemment indestructible, de corruption, de clientélisme et de confessionnalisme. À tous les niveaux comme à tous les degrés. Cela va du petit graissage de patte à seule fin de stimuler le zèle d’un sous-fifre indolent jusqu’aux plus faramineuses magouilles se chiffrant en millions de dollars. Dans cette foire permanente, il faut le souligner, c’est la dilapidation aveugle qui coûte le plus au Trésor. Car si les combines juteuses ne se montent que lorsque l’occasion s’en présente, les dépenses somptuaires inutiles, souvent pour la frime, sont le lot du quotidien. Et finissent par représenter, selon les experts, quelque 20 % du passif budgétaire. Est-ce la faute des fonctionnaires ou des politiciens ? La question est un peu oiseuse, car c’est d’une mentalité générale qu’il s’agit. Et très souvent c’est de complicité active qu’on peut parler. Dans ce sens que dans cette République comme dans toutes celles qui l’ont précédée, c’est la course entre notables pour placer leurs gens dans l’Administration. À ne rien faire, ou plutôt à défaire les cordons de la bourse. Le comble du paradoxe, c’est que tout le monde s’accorde pour estimer qu’il est temps de mettre un terme à ce bazar. Mais dès qu’il s’agit de passer à l’action, comme par hasard, comme par miracle, les obstacles se dressent sur la route des réformateurs. Obstacles élevés, c’est le fin du fin, tantôt au nom de l’équité et tantôt d’une prétendue efficacité. Un exemple entre mille : la tentative opérée en 93 par le premier Cabinet Hariri et qui avait capoté sur «la réforme de la réforme» prestement opérée par la Chambre de l’époque. Plus près de nous, quand le précédent gouvernement Hoss avait voulu mettre un peu d’ordre dans la boîte, il avait dû se contenter d’évincer des symboles haririens. Sans pouvoir toucher aux gens d’autres pôles, soutenus par les décideurs. Ce qui fait que ce Cabinet avait pu être accusé de se livrer à une simple vindicte dirigée contre le milliardaire. Et le fameux système de partage du gâteau a ainsi été maintenu. Cependant, l’idée d’une réforme étant par définition populaire, les cercles politiques continuent d’en parler. Peu de rencontres, de débats, ou même de séances du Conseil des ministres qui ne soient marqués par ce thème récurrent, si facile à enfourcher tant qu’on en reste aux généralités ou aux diagnostics. La pression existe quand même et pour gagner du temps, ou en perdre, les responsables en place font valoir qu’ils entendent faire établir un plan général pour guérir et moderniser l’Administration. Cependant, certains cas précis ne souffrent pas de report. Ainsi le ministre de l’Information, M. Ghazi Aridi, estime ne pas pouvoir attendre la réforme globale de l’Administration pour traiter le problème des médias officiels. À savoir Télé-Liban, l’Agence nationale d’information et Radio-Liban. Que le ministre projette de fondre toutes les trois en une seule institution. Après avoir dénoncé les conventions collectives, abusives à son sens. Et largué l’incroyable excédent d’effectifs parasitaires. Prié de faire le point, lors de la dernière séance du Conseil des ministres, M. Aridi a instamment prié cette haute instance exécutive de ne pas lui retirer son soutien. En précisant qu’il doit faire face à de multiples pressions, des interventions effectuées pour l’amener à mettre de l’eau dans son vin, en épargnant les «parts réservées» aux pôles d’influence. Parlementaires ou ministériels. M. Aridi souhaite donc que le pouvoir établisse clairement une ligne rouge, pour protéger son projet de réforme. Beaucoup de ses contempteurs et certains de ses amis pensent qu’il se fait des illusions. En pratique, il n’est pas exclu que ce point de vue soit erroné. Car M. Aridi paraît être solidement réaliste : il répète à qui veut l’entendre qu’il ne s’agit pas de lutter contre des moulins à vent. Ni que son projet, conçu pour le bien public, soit dirigé contre tel ou tel, fractions comprises. Toujours est-il que le plan Aridi n’est pas encore tout à fait finalisé. Les dirigeants attendent d’en connaître tous les détails. Et ils espèrent qu’à tout le moins ce programme pourra servir de modèle pour «dégraisser le mammouth» comme disait Allègre. C’est-à-dire pour alléger l’ensemble de l’Administration de son énorme surcharge pondérale, en mettant sur la touche tous les fonctionnaires, ou les services, parasites. Ainsi, pour ne citer qu’un exemple, la MEA croule sous les emplois fictifs. Son président s’en plaint et souligne qu’il n’y peut rien. La compagnie comprend 4 200 salariés (!) pour 9 malheureux avions, loués de surcroît. De plus, on a recruté récemment, au titre de la complaisance, trois cadres payés mensuellement entre 3 000 et 7 000 dollars. Bien évidemment, cela ne va guère mieux au Casino, à l’Intra, à la Banque de financement ou aux Affaires sociales, organismes envahis par une armée de bons à rien. Cela étant, comme un ministre en convient avec une moue sceptique, «rien ne sert de courir, il faut partir à point : si l’on ne réforme pas la politique d’abord, l’Administration ne changera jamais». De son côté, Me Karim Pakradouni rappelle, avec tous les économistes, que sans une Administration réformée, le redressement économique n’est pas possible.
La réforme administrative c’est, dans ce pays, la quête du Graal, la quadrature du cercle. Presque tous les gouvernements (de paix civile) qui ont passé ont eu des velléités de jouer à l’Hercule nettoyant les écuries d’Augias. Et ils ont tous, invariablement, échoué, plus ou moins lamentablement. Au fil des décennies, ce problème, qui date des Ottomans, s’est...