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Actualités - OPINIONS

Aime-moi je t’aime ?

Valentin, dans sa tombe, a mis son beau smoking, du rouge sur les lèvres, il s’aime. Aujourd’hui, le verbe aimer se conjuguera à tous les temps. Te quiero s’épèlera dans toutes les langues. Aujourd’hui. L’occasion idéale de répéter bhebbak, peu importe la manière. Aujourd’hui, tout le monde, ou presque, dira I love you... Et tous les biais seront les bons : pigeon voyageur, e-mail, fax, fleuriste, laitier, téléphone, maître d’hôtel, ou... par journal interposé. L’Orient-Le Jour sert, entre autres, à ça. Aussi. Des milliers de Libanais ont envie, aujourd’hui, de dire je t’aime. Envie de dire je t’aime à ces trente hommes qui, désespérément, essayent de les gouverner. Envie de dire je t’aime à Ali Abdallah, Ghazi Aridi, Talal Arslane, Mohammed Abdel-Hamid Beydoun, Nazih Beydoun, Jean-Louis Cardahi, Assaad Diab, Issam Farès, Bassel Fleyhane, Sleiman Frangié, Georges Frem, Marwan Hamadé, Mahmoud Hammoud, Pierre Hélou, Sebouh Hovnanian, Khalil Hraoui, Samir Jisr, Ali Kanso, Karam Karam, Négib Mikati, Béchara Merhej, Michel Moussa, Abdel Rahim Mrad, Élias Murr, Michel Pharaon, Fouad Saad, Ghassan Salamé, Fouad Siniora, Bahige Tabbarah et... Rafic Hariri. Ça en fait un peu trop de je t’aime, là, n’est-ce pas ? Surtout qu’un je t’aime, pour durer, pour faire des étincelles, devra nécessairement éviter l’imbécilité heureuse, la béatitude oui-oui et satisfaite. Aussi, ces milliers de Libanais en amour tiennent-ils à profiter de cette opportunité pour joindre à leur petite flamme quelques souhaits, demandes, desiderata. Que leurs trente glorieux cessent d’atermoyer entre privatisations, libéralisation ou nostalgie d’austérité, et s’emploient à organiser un congrès national consacré à l’économie et aux finances d’un pays bientôt en voie de sous-développement. Qu’ils en appellent à un autre pour apprendre et réapprendre les mots solidarité ou union. Qu’ils repensent à cette charité bien ordonnée qui commence par soi-même, oublient les concomitances, toutes les concomitances. Qu’ils régulent le marché du travail, stoppent la contrebande des produits agricoles, libèrent la justice de tous ses jougs, qu’ils osent surprendre en exhumant cet indispensable concept enfoui et bien enfoui qu’est la politique étrangère libanaise. Qu’ils s’occupent de l’enseignement public, de la jeunesse de leur pays. Qu’ils pensent aux routes, à l’environnement, au tourisme complètement inefficace, à l’équité surtout. C’est-à-dire qu’ils pensent à faire payer à tous les factures d’électricité, d’eau ou de gaz, qu’ils passent à tous les conducteurs, sans délit de faciès ou sans favoritisme, l’alcootest, qu’ils... Qu’ils enseignent à leurs fonctionnaires la différence entre le bureau et le canapé devant la télé. Ainsi soit-il. C’est à ce moment-là que ce aime-moi je t’aime aura un sens, un vrai. Tandem ! Les milliers de Libanais oublieront alors de venir dire à leurs dirigeants qu’ils s’en vont. Ils ne s’en iront peut-être plus. Et les 14 février seront sans doute une deuxième journée de festivités nationales. Valentin, dans sa tombe, enchaîne les triples axels. Et se marre.
Valentin, dans sa tombe, a mis son beau smoking, du rouge sur les lèvres, il s’aime. Aujourd’hui, le verbe aimer se conjuguera à tous les temps. Te quiero s’épèlera dans toutes les langues. Aujourd’hui. L’occasion idéale de répéter bhebbak, peu importe la manière. Aujourd’hui, tout le monde, ou presque, dira I love you... Et tous les biais seront les bons : pigeon...