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Actualités - REPORTAGES

ARCHÉOLOGIE - Consolidation des murs et aménagement des passages - Campagne pour la conservation du Tell ancien de Beyrouth

Après des années d’oubli, le Tell ancien de Beyrouth reprend le devant de la scène. Une campagne pour la consolidation de ses structures est menée actuellement par une équipe de spécialistes suite à la demande de la DGA. Ces architectes archéologues se penchent sur les différents risques que courent les vestiges et qui mettent leur sauvegarde en question. Leur travail se limitant à la consolidation des murs, ils n’effectuent pas une restauration à long terme sur le site. D’ailleurs, on attend encore les plans des routes du centre-ville pour connaître le devenir de ces vestiges.Découverts entre 1993 et 1994, les vestiges déterrés dans la zone de la place des Martyrs en amont de la route du port sont connus actuellement sous le nom de Tell ancien. Des murs et des constructions allant de la période hellénistique à l’âge du Bronze moyen couvrent tout ce «parc archéologique» dont la sauvegarde avait été recommandée par la commission scientifique de l’Unesco. Le site a été conservé, et les vestiges, après de petits travaux de restauration ou de consolidation, ont été laissés à l’air libre. Cependant, garder des vestiges de la période préclassique à l’air libre sans traitement signifie les condamner à une dégradation très rapide. En fait, les intempéries, la pollution, le soleil, l’humidité du sol et les alluvions ont eu raison de leur résistance. Certains des murs présentaient de grandes fissures, alors que dans d’autres des pierres ont croulé à cause de la perte du joint et de l’infiltration de l’eau jusqu’aux assises des fondations. Il fallait agir en urgence. Mme Yasmine Maacaron, architecte et archéologue spécialiste dans la restauration des vestiges archéologiques préclassiques et professeur à l’Université libanaise, avait déjà travaillé sur ce site lors de sa fouille et suivait de très près l’état de conservation, des vestiges. Chargée de la mission de consolidation, elle explique que «les fissures remarquées sur les parois de la porte monumentale, datant de la période cananéenne, étaient particulièrement alarmantes. Car de plus en plus larges, elles illustraient la dégradation rapide des murs du site. D’ailleurs, notre intervention a été faite suivant des objectifs très précis : conserver le maximum de vestiges, in situ, tout en proposant une gestion minimum au quotidien». Dès les premiers jours de travail, ces spécialistes se sont rendu compte de la complexité de leur mission. Des herbes folles, des arbustes et même des arbres ont poussé sur tout le site recouvrant ainsi les vestiges. «Dans certains cas, il nous était très difficile de reconnaître l’emplacement exact des murs ou des vestiges», souligne l’architecte responsable du projet. La première étape de la démarche s’est alors concentrée sur le désherbage mécanique du site qui sera suivi par un autre chimique. «Les produits utilisés dans cette opération sont biodégradables, ne menacent en aucun cas les pierres et sont même spécifiques aux espèces d’herbes qui ont poussé sur ce site», explique Yasmine Maacaron, tout en poursuivant que «le choix des produits a été fait après consultation d’un centre français spécialisé dans le traitement des mauvaises herbes sur les pierres anciennes». L’eau s’infiltre dans les murs Après avoir traité les herbes, les spécialistes se sont penchés sur les problèmes de la pierre, qui était d’ailleurs dans un très mauvais état de conservation. En fait, le relevé topographique complet de l’ensemble du site a montré que les structures étaient sérieusement menacées. Les racines des herbes et des arbustes ont fait éclater des murs, l’eau de pluie s’infiltrait entre les pierres, et les alluvions torrentielles de la place des Martyrs, qui stagnent aux alentours des vestiges, érodaient la pierre. Un nouveau drainage de l’eau était désormais indispensable. Suivant le principe de l’amas des sacs de sable en temps de guerre, de petits murets faits de sacs en tissu vert remplis de graviers ont été entreposés autour des structures afin de dévier l’eau. Ces mêmes sacs ont servi de consolidation pour les murs présentant des risques de chute. Entassés d’une façon très esthétique en deux ou trois assises, leur prolongement sur l’ensemble du site ne dérange en aucun cas l’observation des assises en pierre calcaire. Le fin gravier a servi aussi dans le remblai des structures situées dans les parties les plus basses et qui étaient en danger. «Nous avons opté pour le gravier blanc dans le remblai car il empêche les herbes de pousser, filtre l’eau, ne se mélange pas aux couches archéologiques et sa couleur blanche crée une forme de “couche de propreté” sur les lieux», souligne Yasmine Maacaron. Dans le cas de sols archéologiques non fouillés, le gravier a été déposé sur du géotextile qui filtre l’eau et ralentit l’érosion, protégeant de la sorte tous les niveaux d’occupation non déterrés. Après avoir traité les structures des fondations, l’équipe a consolidé les murs qui ont perdu dans la plupart des cas leurs joints. Ainsi, un nouveau mortier a remplacé l’ancien sur les parois des murs. «Le liant que nous avons utilisé est en eau de chaux car ce matériau utilisé au cours des siècles passés est réversible, note Michel Daoud, archéologue architecte travaillant dans l’équipe. De ce fait, si dans le futur des architectes interviennent sur le site pour une restauration, ils peuvent l’enlever à petits coups de piochon. En plus, sa composition plus tendre que la pierre permet à cette dernière de respirer et ce mortier perd très vite son aspect de “matériau récent” devenant de la sorte homogène avec la structure d’ensemble», poursuit cet architecte du terrain. Un avenir encore inconnu Le travail de cette équipe se termine à la fin du mois de mars et le site est déjà métamorphosé. Toutes les structures sont apparentes, et grâce aux mains courantes et aux barrières de protection, la circulation piétonne est sécurisée. Le visiteur ne risque plus de tomber dans des trous de quatre mètres de profondeur, mais l’aménagement du site n’est pas encore terminé. Le manque de pancartes de signalisation rend impossible toute compréhension des vestiges. Mais il semble qu’au sein de la DGA une équipe travaille déjà sur ce sujet et les pancartes seront placées dans les quelques mois à venir. «Notre mission stabilise et ralentit l’érosion des pierres sur ce site mais elle n’est pas une restauration à long terme et ces structures millénaires ont besoin d’un entretien général continu. Il faut en fait assurer, à un rythme hebdomadaire, le nettoyage du site et le désberbage mécanique des maçonneries et, à un rythme mensuel, l’inspection des drains et des remblais des murets», affirme Yasmine Maacaron. Il est évident que la DGA fera tout le nécessaire pour préserver ces vestiges millénaires, mais une sorte de «mystère» plane encore sur le devenir du site. Certes, il est situé dans un des parcs archéologiques créés dans le centre-ville, mais sa conservation a nécessité la modification d’une partie du Master Plan envisagé par Solidere, une avenue reliant la place des Martyrs à la route du port traversant le site. L’affaire a été en fait relancée en novembre dernier quand le Conseil des ministres a transmis au CDR le projet d’étude d’un pont, qui remplace la route et passe au-dessus du Tell ancien. Les piliers de celui-ci prendront-ils racine entre les vestiges, au milieu du site ou seront-ils à l’extérieur ? Les vibrations du sol dues au passage des voitures et des lourds véhicules sur le pont ne vont-elles pas endommager les murs millénaires ? À quoi va ressembler le Tell ancien dans une décennie ? Les réponses à toutes ces questions ne nous seront fournies qu’une fois l’étude terminée. On ose quand même espérer que cette dernière prendra en considération la vulnérabilité de ces vestiges et leur importance nationale.
Après des années d’oubli, le Tell ancien de Beyrouth reprend le devant de la scène. Une campagne pour la consolidation de ses structures est menée actuellement par une équipe de spécialistes suite à la demande de la DGA. Ces architectes archéologues se penchent sur les différents risques que courent les vestiges et qui mettent leur sauvegarde en question. Leur travail se...