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Actualités - ANALYSES

Les écoutes et l’arrestation préventive, - deux pommes de discorde pour les pouvoirs

Deux sujets suscitent des tiraillements au sein de l’exécutif comme à la Chambre : les écoutes téléphoniques et l’amendement du décret concernant l’arrestation préventive. Pour les écoutes, les commissions parlementaires ont reporté l’étude du nouveau projet de loi, à la demande du chef du gouvernement, qui préfère faire d’abord mettre au point les décrets d’application. Le débat doit en principe reprendre demain en Conseil des ministres, à la lumière d’un projet de décret élaboré par le ministre de l’Intérieur, M. Élias Murr. Ce texte autorise l’interception et l’enregistrement des conversations téléphoniques, dans le cadre des conditions déjà déterminées par les lois et règlements en vigueur. Les tables peuvent être installées dans les centraux du téléphone fixe, portable ou radio, dans les locaux ou les relais de la direction de la Sûreté générale à Beyrouth, au Mont-Liban, au Nord, dans la Békaa, à Nabatyeh et au Sud. Des vans mobiles peuvent être utilisés en cas de besoin. Les écoutes ne peuvent se faire que sur autorisation ou demande de la Justice comme de l’Administration. Dans les deux cas, les interventions sont de la seule compétence du ministère de l’Intérieur qui délivre au coup par coup un arrêté désignant les services chargés d’effectuer les écoutes requises. Il est précisé que les procédures doivent être accélérés et les compilations remises sans tarder au juge d’instruction ou aux administrations qui en ont fait la demande. Des procès-verbaux sont communiqués le cas échéant au ministère de la Défense et à la présidence de la République. Mais cette question des écoutes suscite comme on sait des divergences, souvent motivées par des arrière-pensées d’ordre politique. Selon des députés et des ministres, «le problème est très sensible car il touche aux libertés et à la confidentialité des communications. Or, en multipliant les stations d’écoutes, et en les étendant au cellulaire, on démultiplie du même coup les risques de dérapages et d’abus. Il faut donc de solides garde-fous pour parer ce danger». D’autres parlementaires et membres du Cabinet vont plus loin et soutiennent que «le projet mis au point ne sert pas l’objectif recherché. Car si l’on veut préserver la sécurité nationale, il faut pouvoir surveiller le réseau mobile, qui est largement plus utilisé que la téléphonie fixe. Or les équipements techniques ne sont pas assurés dans les services publics et seules les compagnies de cellulaire peuvent en pratique procéder aux écoutes. Bien évidemment ces sociétés n’ont pas livré à l’État les codes cryptés ni les clés qui lui auraient permis de surveiller le réseau». Le ministre intéressé, M. Élias Murr, reconnaît que ces objections sont valables. Il rappelle que lorsque la loi initiale sur les écoutes avait été établie, le cellulaire et les technologies nouvelles n’existaient pas encore. Il estime qu’il faut apporter des rajouts substantiels au texte. D’autant qu’avec des fonds, n’importe quel particulier peut se procurer un kit d’écoute. L’État doit donc disposer, à son avis, d’un système lui permettant non seulement d’écouter lui-même, mais aussi de repérer et de contrer les écoutes illégales. Quoi qu’il en soit, le projet d’amendement a devant lui deux obstacles à franchir : l’approbation, pour commencer, en Conseil des ministres, puis le vote place de l’Étoile. Étant donné les fortes divergences qu’il suscite, il n’est pas exclu qu’il se retrouve mis sur l’étagère. Pour ce qui est de l’arrestation arbitraire, il existe comme on sait un projet prévoyant d’ajouter un nouvel article (114 bis) au code de procédure pénale. Le Conseil des ministres a ajourné à deux reprises l’étude de ce projet, en octobre dernier et lors de sa dernière séance. Les attendus du texte soulignent qu’un arrêt de détention préventive pris par un juge d’instruction doit être considéré comme une mesure d’exception, appliquée dans des circonstances extraordinaires, car il y va de la dignité comme de la renommée des justiciables visés. D’autant qu’il faut toujours se reporter au principe de la présomption d’innocence. Le projet donne en outre aux particuliers incarcérés qui bénéficient en définitive d’un non-lieu, ou se trouvent acquittés, de réclamer des dommages et intérêts à l’État, s’ils ont subi des préjudices matériels ou moraux du fait de leur détention. Les indemnisations éventuelles sont édictées au niveau des présidents de cours d’appel, dont les arrêtés peuvent être contestés devant une commission supérieure dirigée par le premier président de la Cour de cassation, assisté de deux hauts magistrats. Le verdict, dûment motivé, qui ne souffre ensuite aucun recours, doit être rendu public à l’issue d’une séance ouverte. L’État reste en droit de se retourner à son tour contre les informateurs ou les témoins qui auraient causé une arrestation injustifiée. Les intéressés lésés gardent en outre le droit de porter plainte contre l’État pour dysfonctionnement au niveau de l’appareil judiciaire lui-même. Bien entendu, les libertaires de tous bords soutiennent ce projet, calqué sur les dispositions appliquées dans les pays évolués. Mais nombre de ministres et de députés grognent, car l’acceptation du principe d’indemnisation en cas d’injustice peut coûter très cher à un Trésor déjà dans le rouge. De leur côté, des magistrats objectent au projet en faisant valoir qu’il va considérablement limiter les capacités d’action de l’instruction judiciaire. Ils demandent qu’à tout le moins on fixe un délai pendant lequel la détention préventive est libre. Si l’on peut dire.
Deux sujets suscitent des tiraillements au sein de l’exécutif comme à la Chambre : les écoutes téléphoniques et l’amendement du décret concernant l’arrestation préventive. Pour les écoutes, les commissions parlementaires ont reporté l’étude du nouveau projet de loi, à la demande du chef du gouvernement, qui préfère faire d’abord mettre au point les décrets...