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Actualités - REPORTAGES

Trente-quatre cas d’hépatite A à Machghara el-Tahta à cause de la pollution de l’eau - Des mesures préventives mais la cause du mal subsiste

L’épidémie d’hépatite A qui, en l’espace de quelques jours, a frappé le village de Machghara dans la Békaa-Ouest a été enfin enrayée, à en croire le médecin légiste du caza, alors même qu’un nouveau cas est signalé dans la région de Batroun. Au total, trente-quatre cas ont été déclarés, tous des enfants âgés de 5 à 15 ans. Des mesures préventives ont été prises sans toutefois que ne soit éliminée la cause de cette endémie. Tout a commencé vers la fin décembre 2000 quand le Dr Saïd Tarbaih, médecin légiste de la Békaa-Ouest, a constaté quelques cas de jaunisse dans la région de Machghara. Le nombre de personnes atteintes ayant augmenté dès les premiers jours de janvier, le Dr Tarbaih a notifié le département de prévention près du ministère de la Santé. Aussitôt, une enquête sur le terrain a été initiée et des tests ont été faits sur l’eau à Machghara el-Faouka comme à Machghara el-Tahta. Les résultats n’ont fait que confirmer les soupçons du Dr Tarbaih : l’eau à Machghara el-Tahta est polluée ! Entre-temps, les enfants malades ont été mis sous traitement. «Quatre-vingt pour cent des enfants ont été soignés à leur domicile, les autres à l’hôpital», explique le Dr Tarbaih qui précise que les malades, traités aux frais du ministère de la Santé, sont tous hors de danger. Et, pour éviter que l’épidémie ne se propage, le médecin légiste a effectué une tournée dans les écoles pour familiariser les gens avec la maladie dont ils ignoraient tout. Il a même publié une circulaire, à cet effet, dans laquelle il décrit les moyens de prévention contre cette maladie, et qui, selon lui, se résument au mot «propreté». «Je leur ai même appris comment stériliser l’eau avant de l’utiliser pour les travaux domestiques, précise-t-il. Et je leur ai demandé de boire de l’eau minérale en attendant d’assurer l’abonnement à l’Office des eaux de Zahlé». Et d’ajouter : «Nous avons pu ainsi enrayer la maladie. Mais ceci ne signifie pas que d’autres cas n’apparaîtront pas, car il y a ce qu’on appelle la période d’incubation. Je pense que nous aurons affaire à quelques cas pendant plusieurs jours encore». Quoi qu’il en soit, le problème reste entier. «L’eau provenant de Nabeh el-Tannour et de Aïn Abou Zeid et qu’utilisent les quelque 500 habitations de Machghara el-Tahta est polluée», remarque le Dr Tarbaih. «Par contre, celle du puits de l’Office des eaux de Zahlé, à laquelle sont abonnés les habitants de Machghara el-Faouka, est propre». Et de poursuivre : «Nous soupçonnons les conduits d’eau usée, vieux de quarante ans, d’être à l’origine de cette épidémie. Ils doivent être troués à un certain endroit près de ces deux sources, ce qui a certainement provoqué la pollution. Nous demandons au ministère de l’Énergie et de l’Eau de s’en assurer lui-même pour que les choses soient tirées au clair». Situation illégale datant de plusieurs décennies Le fonctionnaire à l’Office des eaux de Zahlé responsable de la région de Machghara, Saleh Ammar, partage l’avis du Dr Tarbaih. Il explique que les habitants de Machghara el-Tahta, refusant de s’abonner à l’office des eaux, ont préféré installer des tuyauteries à partir de la source directement. «Ils boivent cette eau comme ils l’utilisent pour irriguer leurs plantations, indique-t-il. Cette situation dure depuis plusieurs décennies déjà. Ils refusent de s’abonner à l’office des eaux bien que l’abonnement annuel soit de 80 000 LL le mètre cube (au lieu de 150 000 LL), taxes incluses, car la région est considérée comme faisant partie de la bande frontalière. D’ailleurs, des canalisations ont été faites, il y a longtemps, pour qu’ils puissent avoir accès légalement à l’eau, mais certains ont abîmé les installations». Et de constater : «Dès le départ, ils n’avaient pas l’intention de s’abonner». M. Ammar ajoute que l’office des eaux n’est pas responsable de la pollution de l’eau à Machghara el-Tahta, d’autant que l’office effectue de façon hebdomadaire des tests sur l’eau du puits qui alimente Machghara el-Faouka. «Notre eau ainsi que les canalisations sont tout à fait propres», affirme-t-il. « Théorie de conspiration » Bien que les tests effectués sur l’eau montrent qu’elle est polluée, un grand nombre d’habitants de Machghara el-Tahta est convaincu que son eau est saine et continue à en consommer. «La pollution ne provient pas des sources d’eau mais du lac el-Karaoun», remarque Hassan. «Il faut venir le matin, de très bonne heure, pour sentir les odeurs nauséabondes qu’il dégage. La pollution est dans l’air et non dans l’eau comme ils essaient de nous faire croire. L’eau de Aïn Abou Zeid est propre, j’en bois toujours. D’ailleurs, ce sont des prétextes qu’ils nous sortent pour nous obliger à nous abonner à l’office des eaux, ce que je ne ferai jamais». D’autres habitants admettent toutefois que l’eau est véritablement polluée, mais ils estiment être la cible d’une «conspiration». Mohammed explique : «Dans notre village, comme partout au Liban, l’intérêt public n’existe pas. Il n’y a que des intérêts privés. Les partis politiques jouent un grand rôle dans la région ce qui favorise le clientélisme. Quant aux députés, ils n’offrent leurs services que lors de leur campagne électorale. Une fois élus, ils ignorent notre existence. Nous voulons que de bonnes canalisations soient installées à Machghara el-Tahta, c’est l’une de nos principales revendications. Mais ce sont les habitants qui superviseront les travaux et non pas l’un de ces entrepreneurs qu’ils nous ont imposés, il y a quelques années, et dont le travail s’est avéré nul». Et de poursuivre emporté : «Après l’épidémie, ma famille et moi ne buvons plus que de l’eau minérale. Même les légumes et les fruits, ma femme les lave à l’eau minérale. En ce qui concerne mes enfants, je les garde à la maison, je leur interdis d’aller à l’école. Nous sommes tous prêts à nous abonner à l’Office des eaux de Zahlé, pourvu qu’ils nous fassent de bonnes canalisations. Nous exigeons des solutions. Vous pensez que nous ne sommes pas prêts à payer cher notre santé et celle de nos enfants ?». Des solutions qui se font attendre La solution radicale à «l’affaire Machghara» consiste principalement, selon le Dr Tarbaih, à «obliger» les habitants de Machghara el-Tahta à s’abonner à l’Office des eaux de Zahlé dont ils dépendront en cas de problèmes sanitaires. «Il faut remettre les choses dans leur contexte légal», insiste le médecin qui ajoute qu’il y a lieu d’effectuer également une inspection sur le terrain pour trouver l’origine de cette pollution qui proviendrait du réseau d’égouts. Malheureusement, aucune initiative n’a été prise jusqu’aujourd’hui. Bien que le mohafez de la Békaa, Milad Kareh, affirme que l’accès à ces deux sources a été interdit, les tuyauteries existent toujours et quelques-uns des habitants continuent à en boire. De bonnes intentions, il en existe, certes. Mais l’exécution tarde à se faire. Les réunions se multiplient, les propositions se font nombreuses, et les promesses aussi. «Les députés de la région ont tenu une réunion samedi dernier, explique un haut responsable administratif de la région. Il a été question de refaire toute les canalisations dans le village». Et d’affirmer : «Si tout se passe bien, les entrepreneurs pourront entamer les travaux dans les prochains jours». En attendant, les habitants boivent l’eau minérale ou celle de Aïn el-Daiya qui s’est avérée saine… et surtout, ils prennent leur mal en patience. Pendant plusieurs jours, l’affaire Machghara a occupé la une des journaux. Aujourd’hui, elle est oubliée bien que le fantôme de la pollution hante toujours le village. Ce scénario pourrait se répéter à Nabeh el-Safa – où des tests effectués sur l’eau ont prouvé qu’elle est déjà polluée – au Liban-Nord, dans les banlieues de Beyrouth, ou dans n’importe quelle région du pays. Les quelque trente-quatre cas d’hépatite A recensés sont heureusement bénins. Mais faut-il attendre que l’épidémie se propage pour que le gouvernement se décide enfin à intervenir et à trouver une solution radicale au problème de la pollution de l’eau ?
L’épidémie d’hépatite A qui, en l’espace de quelques jours, a frappé le village de Machghara dans la Békaa-Ouest a été enfin enrayée, à en croire le médecin légiste du caza, alors même qu’un nouveau cas est signalé dans la région de Batroun. Au total, trente-quatre cas ont été déclarés, tous des enfants âgés de 5 à 15 ans. Des mesures préventives ont été...