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Actualités - REPORTAGES

VIENT DE PARAiTRE – Un ouvrage fruit de la coopération entre la Fondation Joseph et Laure Moghaizel et l’UE - Comment consolider la démocratie sans violence de parcours ? - Par Antoine Messarra

Les travaux du programme «Observatoire de la démocratie au Liban», entrepris par la Fondation Joseph et Laure Moghaizel, en coopération avec l’Union européenne et dans le cadre du programme euro-méditerranéen «Meda-Démocratie», viennent de paraître, fruit de neuf séminaires organisés entre 1997 et l’an 2000. Le coordinateur du programme, le professeur Antoine Messarra, présente pour L’Orient-Le Jour une synthèse de l’ouvrage (Librairie Orientale, 2000, 768 p., en arabe et en français). Le programme «Observatoire de la démocratie au Liban» constitue un cadre méthodologique de travail, au moyen de plus de 150 indicateurs, pour l’étude des quatre composantes de la démocratie : des élections libres et équitables, un gouvernement œuvrant avec transparence et responsable devant le pouvoir législatif, le respect des droits civils et politiques, et une société civile active. Ces quatre composantes constituent une pyramide où tout élément est indispensable à la cohésion de l’édifice. Le programme se propose l’investigation documentaire, la publication de rapports trimestriels et de travaux plus exhaustifs sur le processus démocratique au Liban, des enquêtes de terrain et l’organisation de séminaires, ainsi qu’un volet d’application sur l’apprentissage démocratique à l’école et à l’université et sur le droit du citoyen à l’information. Le chef de la délégation de l’Union européenne au Liban, M. Dimitris Kourkoulas, souligne dans l’introduction: «Le programme Meda-Démocratie est partie intégrante de la nouvelle politique européenne pour la Méditerranée, le partenariat euro-méditerranéen instauré par la conférence euro-méditerranéenne des ministres des Affaires étrangères, tenue à Barcelone les 27 et 28 novembre 1995. Il s’agit d’une initiative commune aux 27 partenaires, les 15 pays de l’Union européenne et les 12 pays tiers méditerranéens. Initiative ambitieuse et qui restera dans l’histoire comme la première tentative de créer des liens durables et solidaires entre les riverains de la mer Méditerranée. L’Union européenne ne saurait maintenir sa prospérité et poursuivre son intégration sans la stabilité et la prospérité de ses voisins immédiats. Suite à la conférence de Barcelone, le Parlement européen a décidé de créer le programme Meda-Démocratie qui développe en particulier l’appui aux mesures de promotion de la démocratie, l’Etat de droit, les droits civils et socio-économiques et la protection des groupes vulnérables». Le secrétaire général de la Fondation Joseph et Laure Moghaizel, M. Fady Moghaizel, relève une double dimension, celle de la participation politique et de la justice sociale. L’histoire du programme remonte à des concertations avec Laure Moghaizel dans les premiers mois de 1997. Ces concertations avaient essentiellement pour but d’entrevoir les pistes de continuité d’un leg démocratique libanais, un leg qui pèse sur les militants démocrates et accroît les obligations des potentialités humaines du Liban. Le programme ne se réduit pas à des recherches fondamentales et de terrain, entreprises par des universitaires et des chercheurs. Il aboutit certes à des travaux publiés sous forme de rapports trimestriels, et à des ouvrages de référence, mais son apport réside dans la consolidation d’une méthode de travail, d’une dynamique et d’une stratégie de recherche et d’action et la formation d’une relève. Enracinement et libanisation Le Liban se caractérise par rapport aux pays de la région par un patrimoine démocratique de gestion du pluralisme, de consensus et de conflit, de lutte pour les libertés et de résistance. Le but est d’enraciner et de libaniser l’apprentissage démocratique, afin que les principes et normes se transforment en une culture intégrée et en comportement au quotidien, aux niveaux du pouvoir, des sous-systèmes sociaux et des rapports entre les citoyens et le pouvoir. On déplore la prédominance d’une culture de subordination et de frustration, culture qui ne favorise pas l’approche de la démocratie en tant qu’engagement et combat par des citoyens concernés, participants à la chose publique et responsables de l’intérêt général. La vie publique au Liban souffre aussi d’un partage confessionnel sans limites et d’accommodement à outrance. Tout est négociable dans le Liban d’après-guerre et d’après-paix, sans normes et en fonction des rapports de force et du clientélisme. Que faire quand le clientélisme se camoufle derrière le confessionnalisme ? La propension à tous les compromis dans la vie publique a aussi émoussé le courage, non pas celui de s’adapter à toutes les conjonctures, mais le courage de décider, de partir ou de rester, d’assumer la responsabilité au lieu de la situer dans une concordance équivoque, un consensus totalitaire au sommet, ou un écran d’argumentation juridique formelle. Dualité polémique ou démocratie de proximité ? «Observatoire de la démocratie» dépasse le débat dualiste conflictuel et qui persiste avec ténacité depuis les années 20, bien qu’il soit révolu et épuisé: unité/pluralité, laïcité/ confessionnalisme, libanité/arabité, isolationnisme/nationalisme, progressisme/réaction... Le préambule constitutionnel invite à entrer de plain-pied dans un débat politique et de gouvernance, à la lumière des données, des moyens et des priorités, prenant en considération les préoccupations et le vécu des citoyens, leurs attentes et leurs aspirations et les principes de base de la démocratie et des droits de l’homme. Le processus démocratique dans le petit pays multicommunautaire exige un haut niveau de savoir scientifique, de la sagesse politique et de la créativité. L’interaction, les bonnes intentions et les traditions conviviales bien ancrées ne suffisent pas à faire revivre et rationaliser le Liban pluraliste et à prémunir la gestion pacifique d’un système consensuel, à défaut d’un État de droit et d’une culture démocratique à tous les niveaux de la vie publique. Comment consolider la démocratie libanaise dans la stabilité et le changement, sans ruptures épisodiques et sans violence de parcours ? Par l’État de droit certes, mais aussi par une élite politique renouvelée dotée d’une imagination politique à la fois sage et créatrice, parce que l’État n’est pas seulement une administration bureaucratique, et aussi grâce à une société civile toujours active et disposée à la pratique quotidienne de la citoyenneté. Une classe politique installée au pouvoir et qui se reproduit par le clientélisme transforme les intérêts stratégiques libano-syriens, et à l’avantage des deux pays, en un pouvoir de tutelle menaçant ainsi la démocratie libanaise et généralisant la menace à presque tous les domaines de la vie publique.
Les travaux du programme «Observatoire de la démocratie au Liban», entrepris par la Fondation Joseph et Laure Moghaizel, en coopération avec l’Union européenne et dans le cadre du programme euro-méditerranéen «Meda-Démocratie», viennent de paraître, fruit de neuf séminaires organisés entre 1997 et l’an 2000. Le coordinateur du programme, le professeur Antoine...