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Actualités - ANALYSES

Le double dossier Aoun-Geagea, catalyseur du projet d’entente nationale

Politiquement jumelés, les cas des ennemis d’hier, le général Michel Aoun et M. Samir Geagea, focalisent toujours l’attention des professionnels du cru. Dans la mesure où sans le retour de l’un et la libération de l’autre, le projet d’entente nationale resterait évidemment lettre morte. Dès lors, il est peu de débats, de déclarations publiques ou de prises de position qui ne mentionnent pas ce double dossier, quand ils ne lui sont pas entièrement consacrés. Les loyalistes et les opposants se livrent à ce propos à des passes d’armes à fleurets plus ou moins mouchetés. La discussion porte en gros sur le point de savoir quel sens donner en pratique à ce slogan de la réconciliation nationale que tout le monde défend. En bonne logique, pour tourner une fois pour toutes la page de la guerre, il faut nécessairement lever toute hypothèque sur le retour du général et sur l’amnistie dont M. Geagea devrait bénéficier. Mais certains loyalistes, pas tous il faut le souligner, affirment que ces deux pôles n’ont pas de place sur l’échiquier local car ils s’en excluent eux-mêmes, par leur refus plus ou moins déclaré de Taëf. C’est-à-dire, pour traduire les choses en clair, par leur hostilité persistante aux décideurs. Pour sa part, le président du Conseil M. Rafic Hariri a marqué sa volonté personnelle d’ouverture en promettant au général Aoun un retour sans problème. Il répète aujourd’hui, après l’étonnement causé par les digressions de sources judiciaires occultes (mais aussi par les inquiétantes déclarations de son ministre des Finances), qu’il maintient sa position. En précisant qu’il ne s’agit là ni d’une manœuvre politicienne (entendre pour se gagner les sympathies de l’Est politique), ni de surenchères (entendre sur M. Walid Joumblatt). M. Hariri explique que la responsabilité même qu’il assume lui impose de ne pas lâcher prise et de tenter de mener à bien son initiative d’entente. Il a donc, dans un premier temps, prié le département des Finances d’établir un bordereau détaillé des fonds que le général devrait éventuellement restituer, s’il en existe. Ceci afin de couper le fil par lequel tient cette épée de Damoclès que l’on fait osciller au-dessus de la tête de l’intéressé chaque fois qu’il est question de son retour. M. Hariri a ensuite confié le défrichage juridique du dossier à un avocat spécialisé dans les questions financières, M. Mohammed Matar. Le président du Conseil tient toutefois à souligner que cette procédure de vérification informelle «ne signifie pas du tout que le général Aoun ne peut pas retourner au pays. Je répète qu’en tout état de cause le dossier le concernant est d’ordre administratif et nullement pénal. S’il devait apparaître que le général doit des fonds au Trésor, il aurait à les rendre». Et cela s’arrête là. M. Hariri rappelle que «l’exil du général en France avait été fixé à cinq années, pendant lesquelles il devait s’abstenir de toute activité politique. À la fin de cette période, il aurait pu rentrer au Liban pour faire face à toute question. À l’issue des cinq années mentionnées, les autorités françaises avaient permis au général de gagner Paris dont l’accès lui était prohibé auparavant. Aujourd’hui, il est libre de ses mouvements, mais il semble qu’il ne se déplace pas beaucoup, qu’on ne le voit guère dans les restaurants de la capitale française et qu’il préfère rester chez lui. En tout cas, la balle est maintenant dans son camp. Il peut revenir quand il veut. L’État assumera ses responsabilités (par rapport à la sécurité du général et à sa liberté politique), tout en finalisant le dossier financier en réunissant les données nécessaires à cet égard». Le chef du gouvernement trouve «inadmissible que l’on continue à débattre du cas Aoun et que certains l’exploitent politiquement. Il n’est pas admissible non plus qu’une frange des Libanais continue à éprouver un sentiment d’injustice du fait que l’on interdit le retour du général Aoun par les menaces d’ouverture de dossiers à son encontre». Le cas du docteur À son avis, cependant, le cas de M. Samir Geagea, différent de celui du général, est bien plus complexe, notamment parce qu’il est toujours aux mains de la justice. Dès lors, M. Hariri estime qu’il ne lui est pas possible «de prendre là aussi l’initiative. Tout ce que nous pouvons faire, c’est d’accélérer la procédure en cours pour clore le dossier. Juridiquement en effet il n’est pas possible d’amnistier un inculpé dont le procès court toujours et qui n’est pas définitivement condamné». Ou acquitté : on peut s’étonner des propos de M. Hariri, car le procès concernant le massacre de Dany Chamoun et de sa famille est terminé. Mais le président du Conseil ne se trompe pas car il y un autre procès, l’affaire Zayeck, qui se poursuit en appel. Le chef du gouvernement enchaîne cependant en signalant que «le président de la République dispose du droit, exclusif et inaliénable, de gracier toute personne. Si un décret est pris dans ce sens, et s’il porte sur des affaires déjà jugées et non toujours en cours, je le contresignerais». Motion Pour sa part, l’épouse du Dr Samir Geagea, Mme Sethrida Geagea est en train de collecter des signatures de députés au bas d’une motion pour une proposition de loi d’amnistie revêtue du caractère de double urgence. Le texte proposé s’établit en un article unique : «Toutes les exceptions et toutes les conditions de la loi 91/84, où qu’elles se situent, sont annulées. Notamment au paragraphe numéro 2 alinéa B et aux alinéas A et C du paragraphe numéro 3 de l’article 2, ainsi que les paragraphes 2 et 3 de l’article 3, tout l’article 8 et tout le troisième paragraphe de l’article 9. Les poursuites et les procès en cours basés sur les exceptions et conditions annulées sont arrêtés. Les clauses et les effets des jugements rendus conformément à l’article 307 du code pénal jusqu’au 14 juillet 1996 compris deviennent nuls et non-avenus. Il n’est pas permis de déférer aucun de ces procès jugés, englobés dans l’annulation, devant une autre juridiction. La compétence de tous les tribunaux pour en connaître de nouveau est abolie. Cette loi entrera en vigueur dès sa publication». Un certain nombre de députés ont signé cette motion, tandis que d’autres s’y refusent ou se montrent réservés. Surtout, il faut le dire, après la visite rendue à Bkerké par un émissaire du ministre Sleiman Frangié, Me Joseph Areyji, le leader du Nord étant fortement opposé, comme on sait, à la libération de M. Geagea. Le ministre Georges Frem a indiqué de son côté qu’il n’a pas signé la motion, bien qu’il soit favorable en principe à l’amnistie, car faisant partie de l’exécutif, il pense qu’il n’est pas en droit de parapher une proposition de loi parlementaire, mais un projet de loi gouvernemental. Ce qui est une façon indirecte de contester le droit de cumul et qui amène à se poser la question, qui donc remplace à la Chambre les 19 députés-ministres ? Il convient toutefois de signaler que le texte précité en a fait sursauter plus d’un. Car par son exhaustivité, il étend l’amnistie à toutes sortes de criminels, dont, par exemple, les assassins du président Béchir Gemayel. Sans compter que par extension, on voudra sans doute couvrir de l’amnistie les événements de Dennyé ou les faits reprochés à cheikh Soubhi Toufayli. Il reste que de l’avis de députés qui ont signé la pétition, il est peu probable que la loi d’amnistie voie le jour tant que les familles, notamment les Karamé et les Frangié, y sont opposées. Pour sa part Bkerké, comme le souligne Mgr Roland Abou Jaoudé, tient à ce que l’amnistie fasse partie d’un cadre global d’entente nationale et interchrétienne.
Politiquement jumelés, les cas des ennemis d’hier, le général Michel Aoun et M. Samir Geagea, focalisent toujours l’attention des professionnels du cru. Dans la mesure où sans le retour de l’un et la libération de l’autre, le projet d’entente nationale resterait évidemment lettre morte. Dès lors, il est peu de débats, de déclarations publiques ou de prises de...