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Actualités - ANALYSES

Le pouvoir invité à laver le linge sale en famille

Une proposition en vedette hier dans les salons politiques : puisque les composantes du pouvoir en place sont en conflit, qu’elles règlent donc leurs comptes au sein de l’instance qui les réunit, à savoir le Conseil des ministres. Et qu’elles évitent, par une séance de franches explications, les retombées de leurs disputes au niveau de la rue. Pour ne pas faire subir à un pays exsangue le fardeau, et les périls, d’un clivage généralisé. Mais le bras de fer entre Moukhtara et Baabda ne risque-t-il pas de dégénérer en crise politique grave, avec implosion du Cabinet, en cas d’explications houleuses en Conseil des ministres ? Ce danger, les auteurs de la proposition en sont conscients. Et c’est bien pourquoi ils s’efforcent de paver la voie à un happy end par des démarches intensifiées de conciliation préalable. En même temps, pour réduire la tension, ces médiateurs, prenant exemple sur le président Rafic Hariri, tentent de minimiser la gravité de l’empoignade. À les en croire, il ne s’agit à tout prendre que d’une tempête dans un verre d’eau ou d’un nuage d’été… indien. Selon ces messieurs bons offices, les déclarations incendiaires de M. Walid Joumblatt sont à mettre au compte d’une saute d’humeur passagère ou de l’une de ces sorties purement tactiques dont il est coutumier. Ils suggèrent donc que l’on passe outre, que l’on fasse la sourde oreille, que l’on ferme les yeux sur ce feu d’artifice. Mais c’est un peu tard, car le camp loyaliste et le régime ont déjà réagi avec vigueur. Et comme cela a provoqué une contre-riposte de la part des cadres joumblattistes, on peut estimer que la joute est déjà trop avancée pour être canalisée vers ce corral qu’est le Conseil des ministres, considéré comme havre de paix. Cependant, pour arrondir les angles, les conciliateurs donnent une lecture à leur façon de la nouvelle initiative Joumblatt. Ils ne veulent y voir, expliquent-ils, qu’un «effort visant à faire corriger la trajectoire du pouvoir et ne visant nullement à déclencher une campagne en règle contre le régime. L’idée de porter atteinte à la présidence de la République en tant qu’instance nationale n’a sûrement pas effleuré le leader du PSP. Dont les critiques ne doivent donc pas être surévaluées. Il ne faut pas se focaliser sur de telles péripéties, à un moment où le destin du Liban se joue sur l’échiquier régional», soulignent ces personnalités. Et de répéter qu’en tout état de cause, «le Conseil des ministres ne peut ignorer ses responsabilités politiques et laisser de tels débats de côté. Sa mission en effet ne se limite pas à concocter des décrets et il est concerné au premier chef par le climat qui règne dans le pays. Dans ce domaine aussi, il s’agit de faire œuvre utile et de corriger la trajectoire car les pratiques suivies transgressent l’esprit comme la lettre de notre Constitution». À ce sujet, un ministre témoin donne un exemple récent : «Lors de l’affaire des disparus, raconte-t-il, il a été question de former une commission ministérielle, judiciaire, sécuritaire et syndicale. Le président du Conseil s’y est opposé. Le président de la République a alors informé le Conseil des ministres qu’avant sa propre réunion, le Conseil supérieur de défense avait étudié le dossier et adopté le principe de la commission. Le chef de l’État a ajouté que dans ces conditions, il allait en traiter directement, et personnellement, avec le chef du gouvernement. En dehors donc du Conseil des ministres, autorité exécutive suprême, et c’est ce qui eut lieu !». Une version des faits qui laisse entendre que l’on revient peu à peu aux pratiques qui avaient cours du temps de la troïka. Les ministres commencent donc à murmurer. Et l’un d’eux confie que «les dirigeants ont beau soutenir que l’entente règne entre eux, il est clair que le pouvoir ne parle pas d’une seule et même voix. Et qu’il ne s’exerce pas selon les règles. La preuve même des clivages est que l’on évite de discuter de tout sujet qui fâche, qu’on laisse donc les problèmes en suspens, en Conseil des ministres. Les questions épineuses sont discutées en dehors de l’ordre du jour du Conseil qui n’est jamais que routinier». Et de livrer un autre exemple d’un retour aux vieilles habitudes troïkistes : «Pour la désignation d’un successeur au ministre Assaad Diab comme recteur de l’Université libanaise, M. Nabih Berry a bataillé de pied ferme en faveur de M. Ibrahim Kobeyssi, qui a effectivement été nommé. Le président de la Chambre a fait savoir qu’il considère le rectorat de l’UL comme un poste réservé de plein droit à sa communauté, ajoutant qu’il lui appartient en propre d’en choisir le titulaire». Les ministres cités déplorent que le Conseil des ministres ne fonctionne toujours pas comme institution détenant véritablement le pouvoir exécutif et ne s’occupe même pas de politique. Mais peut-on s’en étonner quand on s’est tellement éloigné du pacte de Taëf ?
Une proposition en vedette hier dans les salons politiques : puisque les composantes du pouvoir en place sont en conflit, qu’elles règlent donc leurs comptes au sein de l’instance qui les réunit, à savoir le Conseil des ministres. Et qu’elles évitent, par une séance de franches explications, les retombées de leurs disputes au niveau de la rue. Pour ne pas faire subir à un...