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Actualités - CHRONOLOGIES

THÉATRE - « Miniatures », de Saadallah Wannous, vu par Nidal Achkar au Madina - Jeux de pouvoir

Au théâtre al-Madina, Mounamnamat Tarikhiyya de Saadallah Wannous adaptée et mise en scène par Nidal Achkar. Le rideau de Mounamnamat Tarikhiyya (Miniatures) s’ouvre sur un épisode tragique de l’histoire de l’Orient musulman : l’invasion mongole au XVe siècle. Alep est déjà défaite et les troupes barbares du prince Timour s’approchent à grand bruit de Damas. Sur fond de panique et d’urgence, les plus hauts dignitaires de la ville sont divisés sur les moyens d’éviter le pire. Le gouverneur choisit la fuite, les autorités religieuses et les marchands ont tôt fait de pactiser avec l’ennemi, même Ibn Khaldoun, le plus grand penseur de l’époque, se range du côté du tyran. Seuls le commandant de la citadelle et une poignée de courageux citoyens résisteront jusqu’à la mort. Par la voix des chroniqueurs qui relatent les faits, Damas toute entière se fait le théâtre du drame et s’anime comme un véritable personnage. D’un fragment à l’autre, derrière les choix de la cité, se dessinent les destins individuels – sur une trame dont le rythme et l’écriture rappellent les grandes tragédies grecques. Ici, comme souvent dans le théâtre arabe, l’auteur tire prétexte du contexte historique pour mettre au jour les liens à la communauté, à la sur laquelle repose la société. Dans une telle perspective, tradition et modernité ne peuvent que s’affronter – comme en témoigne d’ailleurs l’écriture elle-même –, l’exercice du libre-arbitre menace forcément le dogme. La mise en scène, elle, se présente un peu comme une boîte aux mystères. Chaque scène comporte son lot de surprises. Rien que du bien, rassurez-vous. Du chant du muezzin interprété (tout comme la musique) live, aux mannequins en cartons, en passant par le décor et les costumes. Sans oublier le jeu des acteurs qui sont tous à saluer. Bref, un spectacle, un festin pour les yeux, les oreilles et les neurones. En préface de Miniatures (Actes Sud), Saadallah Wannous avertit : «Mon but n’était pas de présenter un milieu social ni d’analyser quelque document historique. Il serait superflu d’ajouter que mon intention était de provoquer une interrogation problématique que j’estime actuelle, et toujours renouvelée». Et il y réussit. Cette très belle pièce – qui prend presque l’allure d’un conte – est sans doute encore plus intéressante car elle touche à l’être profond de l’individu, brimé par les codes sociaux et la morale collective mais surtout à l’histoire des peuples, des conquérants, de la résistance et des avec l’ennemi». D’une grande qualité dramaturgique, ce théâtre politique et militant nous donne à entendre la langue d’un véritable auteur. Né en Syrie en 1941, Saadallah Wannous a écrit une dizaine de pièces, dirigé une revue de théâtre et une collection d’ouvrages collectifs dédiée à la pensée arabe contemporaine. Ce théâtre vient rappeler cette lacune. À juste titre. Ibn Khaldoun et Timur LangIbn Khaldoun (1332-1406), le plus illustre des historiens et philosophes arabes de l’époque médiévale. Ibn Khaldoun rapporte lui-même sa rencontre avec Timur Lang dans son autobiographie al-Taarif. Il raconte qu’il se rend chez le conquérant mongol qui ne manque pas de lui demander de le renseigner sur son pays, le Maghreb, et de lui consigner par écrit toutes les informations utiles sur ces terres. Le conquérant aurait-il eu l’intention de fouler du talon ce territoire ? Ibn Khaldoun avait-il eu encore une fois la nostalgie de l’aventure politique ou bien retrouvait-il en Timur Lang cette «assabiya», (esprit de clan), capable d’arracher son pays aux déchirements politiques et au déclin culturel où se débattait alors la civilisation arabe ? Notre auteur rapporte en tout cas qu’il n’avait pas été avare de compliments pour le Mongol, à qui, de surcroît il avait apporté des cadeaux (un Coran et Nahj al-Burda de al-Bussayri), «tel qu’incomparable roi du monde dont on n’a pas vu de semblable depuis Adam ! » En définitive, il apparaît que l’initiative du philosophe n’a pas eu le succès escompté car il a dû quitter très tôt Timur Lang, quelques jours seulement après, pour Le Caire. Il nous a cependant brossé un portait de ce conquérant dans une lettre qu’il a adressée au roi mérinide Abu Faris. «Ce roi, écrit-il, “Timur”, est l’un des plus puissants de la terre. Les uns le disent savant et précisent qu’il adopte la doctrine du Rafd, vu son attachement à la famille du Prophète, alors que d’autres avancent qu’il recourt à la sorcellerie, mais il n’en est rien en fait sur cette dernière accusation. Il est en effet d’une grande intelligence et d’une grande sagacité d’esprit, curieux et toujours en quête de savoir. Âgé de 60 ou 70 ans, il boite à cause d’une flèche qui l’a atteint au pied pendant sa jeunesse lors d’une de ses incursions, selon ce qu’on m’a dit. Lorsque la distance à parcourir est courte, il traîne son pied en marchant, et lorsqu’il s’agit d’un long déplacement, ses hommes le portent sur les épaules».
Au théâtre al-Madina, Mounamnamat Tarikhiyya de Saadallah Wannous adaptée et mise en scène par Nidal Achkar. Le rideau de Mounamnamat Tarikhiyya (Miniatures) s’ouvre sur un épisode tragique de l’histoire de l’Orient musulman : l’invasion mongole au XVe siècle. Alep est déjà défaite et les troupes barbares du prince Timour s’approchent à grand bruit de Damas. Sur...