Rechercher
Rechercher

Actualités - REPORTAGES

NOSTALGIE - Quand on mettait trois heures pour aller de Beyrouth à Jounieh - Et puis, un jour, les trains ont cessé de siffler

Rappelez-vous l’époque du fameux train orange qui circulait sur l’axe Beyrouth – Jounieh, ce train qui impressionnait les plus jeunes par son sifflement retentissant, que l’on entendait à plusieurs kilomètres... Ce train qui écartait tout sur son passage...rappelez-vous l’époque des gares ferroviaires, celle de Mar Mikhaël, celle de Jounieh, celle de Dahr el Baïdar... Que sont-elles devenues ? Ce train, où est-il remisé ? Y-a-t-il des projets ferroviaires d’avenir ? Michel se rappelle. Le regard rempli de souvenirs, il plonge dans son passé. Ce passé ou se mêlent nostalgie et folklore. «Flashback» s’il vous plaît ! 1972. Samedi. Il est 8 heures du matin. Il fait déjà très chaud. Le ciel est bleu. Bleu azur. La journée s’annonce bien. Michel est debout. Debout, sur le quai de la gare Mar Mikhaël. Debout avec ses amis, tous prêts pour le grand pique-nique à Dahr el-Baïdar. Le train orange arrive. On entend le fameux sifflement. On le sent vibrer. Autour de Michel, beaucoup de jeunes, des amis qui se retrouvent pour une excursion, une promenade. À l’intérieur, tous sont assis. La route est longue. Les sièges noirs du train sont chauds, très chauds même. Le soleil tape fort...Michel se précipite pour ouvrir la fenêtre à l’arrière. Ce sont les vieilles fenêtres que l’on ouvre avec des lanières en cuir noir. Le train orange s’arrête à plusieurs petites gares : il dessert Bhamdoun, Safar, pour arriver enfin à ce fameux tunnel près de Dahr el Baïdar. C’est une montée. Le train est lent, très lent. Tellement lent, que certains passagers s’amusent à descendre et à marcher. C’est devenu une tradition. Ils vont plus vite à pied. Il fait noir. Michel se précipite de nouveau à l’arrière. Cette fois, il faut à tout prix fermer la fenêtre. En montée, une épaisse fumée est dégagée. Celle-ci envahit vite le wagon. C’était un train à vapeur. Arrivé enfin à destination, après plus de trois heures de voyage pour le moins folklorique, Michel est soulagé. Avec sa bande d’amis, ils vont pouvoir enfin casser la croûte...Tout à coup, comme sorti d’un rêve, Michel lève les yeux. Il me fixe. Interrompu par ma question sur la gare Mar Mikhaël, il replonge et rebelotte. Flashback ! Tout n’est que souvenir Ah... cette gare. Toujours bondée! Traversée par deux voies, elle était pourvue d’un kiosque à journaux. Il y avait des bancs un peu partout. Le contrôleur se tenait debout prêt du quai pour signaler l’arrivée éventuelle de la locomotive orange. Eh oui ! Que voulez-vous, on était loin (on l’est toujours d’ailleurs) de l’époque du TGV et des 3669985 lignes SNCF. Ici, chez nous, on a toujours eu un wagon (orange), quelques lignes par-ci par-là et quelques contrôleurs qui veillaient au bon fonctionnement de l’activité ferroviaire (historique). Il y avait une horloge «Paul Garnier» accrochée au mur. Elle y est toujours cette horloge. Etrangement, elle indique 16 heures cinq. L’heure exacte. Tout un symbole, cette horloge. Autour d’elle, tout n’est que souvenir. Elle, elle résiste au temps et aux années. Son cœur bat. Ce qui contraste avec l’atmosphère que dégage cette gare. Une atmosphère de «laisser-aller», d’abandon. Le toit en tuiles rouges est quasiment détruit. On voit un banc. Enfin, ce qui reste de ce banc. Ce banc, le préféré de Michel. Celui du milieu. Tiens, ça serait rigolo de trouver le dernier bonhomme qui s’en est servi. Deux locomotives sont cachées par la multitude de branches et de feuilles. Deux locomotives, qui sont immobiles depuis plus de 15 ans. En visitant cette ancienne gare, on a l’impression d’être loin de la ville, en pleine campagne. Cette gare est donc un petit coin tranquille au milieu du vacarme de la capitale. Il n’y a presque aucun bruit. Le silence règne. La voie ferrée ? On ne la voit presque plus. Elle est recouverte d’herbes folles et d’arbustes. Tout est abandonné. Au charme que dégage cette gare, se mêle un sentiment de tristesse et de regrets. On a un petit pincement au cœur. On se dit qu’on aurait quand même pu faire un petit effort, pour préserver cette partie intégrante de notre patrimoine. Le grand vide La gare de Jounieh est abandonnée elle aussi. Pas de restes de bancs ou d’horloges «Paul Garnier». Ici, c’est le grand vide. Les traces de la guerre se font durement sentir. Les vitres sont brisées par les éclats d’obus d’antan. Les quelques vieilles locomotives sont complètement rouillées. Elles font du surplace depuis belle lurette maintenant. On retrouve le fameux train orange. Sans son sifflet cette fois. Sans son allure qu’il dégageait fièrement autrefois. Il a froid, très froid ce train. Même sa couleur tend à disparaître. Quel gâchis ! La gare, qui jadis était très animée, Jounieh étant à peu près à mi-chemin entre Beyrouth et Jbeil, nous montre son visage fade, terne et triste. Les locaux ne servent plus à rien. Derrière, il y a une petite cour. Celle-ci devait servir auparavant d’aire de repos. Personne. On appelle quelqu’un. Pas de réponse. Seul un léger bruit d’eau de plomberie usagée se fait entendre dans ce qui fut des toilettes publiques. On ressort pour rejoindre les quais. «Il y a quelques années encore, se rappelle Nabil, je prenais ce train pour aller à Beyrouth. C’est triste d’en arriver là, mais que voulez-vous, il faut redresser la barre maintenant». Flashback ! 15 décembre. Il faisait froid. Un froid glacial qui rappelle que dans quelques jours, ce sera noël. Nabil et ses enfants, Paul et Toni, attendent leur tour. La file est longue. Il leur faut pourtant le fameux ticket qui leur permettra de monter à bord du train. La gare était bien dégagée. Il y avait quelques arbres par ci par là. Pour Paul et Toni, c’est la routine. Ils prennent ce train tous les jours. À l’époque, la voie ferrée était visible. Elle n’était pas recouverte d’herbes et de feuilles en tous genres. Tout était propre. Aujourd’hui, ce n’est pas loin d’être un dépotoir. «Aucun respect pour l’environnement, dit Nabil. Il serait peut-être temps de reconstruire nos gares et nos chemins de fer, il y aurait moins de voitures sur les routes». Voilà qui semble être une bonne proposition : reconstruire tout cela, réaménager nos structures ferroviaires, équiper à nouveau nos gares, retracer toutes les lignes, du moins et pour débuter, les plus importantes. Nous avons déjà des bus qui allègent le trafic routier. Mais ce n’est pas assez. La présence d’un circuit ferroviaire bien organisé est essentiel dans un pays surpeuplé comme le Liban. Imaginez des gares dignes de ce nom, des chemins de fer tout neufs et des trains confortables effectuant de rapides navettes couvrant tout le pays. Avouez que cela rendrait les choses beaucoup plus faciles, non ? En plus, réhabilités nos chemins de fer et nos gares, créeraient de nouveaux emplois. Une chose est sûre. On est encore très loin du compte. Des projets de développement de nos chemins de fer ont été étudiés il y a quelques années en collaboration avec la société française «Sofre-Rail– Rail» mais, faute de moyens, il semble que l’on ne progresse pas à grand pas, pour ne pas dire que l’on ne progresse pas du tout. En attendant peut-être un autre investisseur étranger. En réalité «Sofre-Rail-France» et la direction générale des chemins de fer libanais ont signé un accord en 1995 pour réhabiliter la voie côtière longue de 170 Km et qui s’étend de Tyr à Tripoli. Le projet propose une voie double et électrifiée dotée d’une technologie de pointe qui doit s’adapter aux besoins des Libanais en matière de transport. D’après les spécialistes, cette voie modifiable à certains endroits, (elle ne doit en aucun cas passer au milieu de villes à caractère touristique et archéologique) devrait transporter plus de 20 000 passagers par jour et elle pourrait atteindre la centaine dix années plus tard. D’autre sociétés étrangères ont proposé la construction d’une voie ferrée qui serait jumelée avec l’autoroute côtière. Le coût de ce projet était estimé à plus de 500 millions de dollars. Mais, là encore, cette idée n’a pas eu de suite.
Rappelez-vous l’époque du fameux train orange qui circulait sur l’axe Beyrouth – Jounieh, ce train qui impressionnait les plus jeunes par son sifflement retentissant, que l’on entendait à plusieurs kilomètres... Ce train qui écartait tout sur son passage...rappelez-vous l’époque des gares ferroviaires, celle de Mar Mikhaël, celle de Jounieh, celle de Dahr el Baïdar......