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Actualités - BIOGRAPHIES

Un couple d’excellence -

Les souvenirs s’égrènent en désordre. Une bonne soixantaine d’années se déroule soudain, précipitant images, paroles, situation dans une bousculade où la mort n’a point de place. Personne n’aura été plus vivant que lui tout au long d’une carrière invariablement ascendante, ni plus jovial. Ses répliques quasi instantanées, ses «mots» devenus légendaires, son rire spontané et communicatif ont jalonné une histoire personnelle et publique non dépourvue pourtant de souffrances et de déchirements. Mille leçons peuvent être tirées de ce long parcours, et il serait injuste de le réduire à son seul rôle de chef d’État et à quelques réflexions désabusées sur l’accord du Caire ou sur ses déboires avec les chéhabistes. Mais de tous les événements qui ont marqué cet itinéraire exceptionnel, je voudrais n’en évoquer qu’un, celui que les commentateurs et les nécrologues vont probablement omettre. Il s’agit de son mariage avec Nina Trad, qui constitue à mes yeux une étape capitale dans la vie de Charles Hélou. Choisis l’un par l’autre, ils ont formé un couple solidement uni dans une commune aspiration à l’excellence. Voués l’un à l’autre et l’un et l’autre dans un même élan pour faire et parfaire tout ce qu’ils exigeaient d’eux-mêmes, depuis les plus humbles démarches en faveur de clients démunis, jusqu’aux responsabilités les plus hautes, ils n’ont jamais failli à cette recherche de la justesse et de la justice qui a dominé tous leurs actes. Pour soi d’abord, pour leur propre accomplissement, mais aussi pour tous ceux qui les ont approchés. Il faut avoir assisté à l’une ou l’autre de leurs plaidoiries jumelées devant les tribunaux militaires de l’époque : elle première avocate parmi les femmes du Liban et lui, ayant recouvert son identité de journaliste déjà célèbre de sa robe noir et blanc, mettant leur double talent au service de quelque infortuné, avec une rigueur d’arguments et une force de conviction non dénuées de charme et d’élégance, pour comprendre quelle était la nature – on devrait dire la magie – de leur collaboration. Sans le soutien de cette femme d’avant-garde dont l’intelligence éclatait à travers ses yeux irrésistibles, de cette femme plus ambitieuse pour son mari que pour elle-même et plus tenace que lui, les dons immenses du président Hélou eurent pu se perdre dans quelque découragement. Sans l’amour constant de son époux Nina aurait pu, elle aussi, baisser les bras devant des obstacles qui paraissaient infranchissables. Il n’en fut rien : jusqu’à leur séparation, à la mort de Nina, et peut-être même jusqu’à la mort du président, cette alchimie a continué de jouer. N’a-t-il pas, avant de rendre son âme, demandé qu’on le laissât mourir en paix parce que «Nina m’attend là-haut» ? Pour eux qui furent croyants, leurs retrouvailles en quelque Éden se fera, j’en suis sûr, dans l’humeur souriante et l’humour qui ont toujours été le secret et le ciment de leur complicité.
Les souvenirs s’égrènent en désordre. Une bonne soixantaine d’années se déroule soudain, précipitant images, paroles, situation dans une bousculade où la mort n’a point de place. Personne n’aura été plus vivant que lui tout au long d’une carrière invariablement ascendante, ni plus jovial. Ses répliques quasi instantanées, ses «mots» devenus légendaires, son...