correspondance - « ArTyr» : les noces de l’antique et - de la création contemporaine -

«ArTyr» : ne dirait-on pas une appellation de produit dérivé ? Ce n’est justement pas loin d’être le cas. Le mobilier, les services de table et les objets de décoration imaginés par Maha Chalabi se veulent en effet un hommage à l’art phénicien, un art largement méconnu puisque l’on traita plus d’une fois de plagiaires les navigateurs au long cours partis de nos côtes et qui n’auraient rien fait d’autre que s’approprier au passage les savoir-faire des autres riverains de la Méditerranée. « Doués pour les beaux-arts » Mais le géographe grec Strabon avait vu juste en les disant «doués pour les beaux-arts» et, plus près de nous, leur grand spécialiste italien Sabatino Moscati avait su démontrer leur don hors pair pour le syncrétisme : s’ils étaient effectivement prompts et habiles à faire des emprunts aux uns et aux autres, force est de reconnaître qu’au bout du compte, leurs productions sont toujours frappées au coin de leur génie propre. Pour Maha Chalabi, il y avait lieu de le faire savoir. La voilà donc célébrant les noces de l’antique et de la création contemporaine, et se faisant championne de Tyr sur un nouveau front. Le croirait-on seulement à la voir parée de toutes les qualités d’une femme du monde accomplie ? C’est, en fait, une bûcheuse qui a collectionné les diplômes et, outre les cours de sciences po et de sicences sociales, suivi ceux d’architecture intérieure du BCW et de peinture de l’Alba. Ainsi a-t-elle pu d’une main sûre jeter sur le papier les esquisses de quatre services de table ainsi que de dix-huit meubles différents inspirés en droite ligne de fresques, bas-reliefs et autres pièces archéologiques phéniciennes. Accompagnés de linge assorti, les services de table se dénomment Alphabet, Dauphin, Lotus, Navigation, Europe. On a pu les voir récemment dans le cadre du très prestigieux salon Recevoir, au Carrousel du Louvre, et ils seront désormais exposés chez Aparicio, au Viaduc des Arts, une étonnante «avenue» dévolue par la ville de Paris, dans le 12e arrondissement, aux productions les plus avant-gardistes et les plus raffinées des artisans d’art. Déclinés en vingt-cinq références – dont une ligne destinée à l’hôtellerie – ces services sont réalisés en Tunisie, dans une pâte de Limoges importée de France. Bernardaud, Christofle et Dior ne procèdent d’ailleurs pas autrement. Le trône d’Ashtart Quant aux meubles – du fauteuil Lotus au guéridon Taureau, en passant par la méridienne Sphinx –, les prototypes en ont été exécutés par des professionnels italiens, aujourd’hui relayés par des menuisiers libanais qui sculptent avec tout autant de dextérité le bois massif, ensuite décoré de frises dorées à la feuille ou de palmettes en bronze ciselé. Parmi les objets de décoration figure une applique Ashtart, mais la déesse phénicienne de la fécondité donne également son nom à un véritable «trône», ce qui paraît en effet plus digne de son rang qu’un prosaïque fauteuil ! Maha Chalabi est intarissable sur celle qui fut la devancière – et légale – d’Aphrodite et d’Héra, de Vénus et de Junon, et qui pratiquait un cumul de bon aloi puisqu’on la considérait également comme la déesse de l’art et de la joie de vivre et, ce qui comptait plus que tout en Phénicie, comme la protectrice des marins. Depuis peu, meubles et services de table sont montrés dans une salle d’exposition à Beyrouth (immeuble Sabbane, boulevard Hariri, Ramlet el-Baïda). Ils seront présentés aux membres de la presse étrangère le 16 mai prochain, à Paris, à l’occasion d’un lancement simultané dans plusieurs pays. «ArTyr» est en passe de devenir une multinationale.