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Actualités - OPINION

TRIBUNE Le silence des moutons

Bien que la chute de l’or ait largement dévalorisé le silence, celui-ci reste un atout indispensable à nos intérêts stratégiques. C’est ce qu’il a fallu sévèrement rappeler à notre ambassadeur à Washington. Ce diplomate chevronné qui suit de près, en raison de ses missions antérieures et de sa position actuelle, l’évolution de la crise israélo-arabe, est pris à partie pour «anticipation» : une faute diplomatique non encore définie dans les dictionnaires spécialisés. Il faut admettre qu’au moment où s’échangent, par-dessus nos têtes, toutes sortes de déclarations qui pourraient nous concerner, la surdité et le mutisme sont pour nous des cartes majeures. Il n’appartient à personne par conséquent d’enfreindre cette double règle qui ne peut-être levée qu’au dernier instant, et par qui de droit. Comment peut-on souffrir en effet qu’un simple ambassadeur-conférencier, risque de ruiner anticipativement l’effet de surprise que nos stratèges cogitent de longue date selon un système, qui a fait ses preuves, et qui a maintes fois édifié nos amis comme nos ennemis. N’avons-nous pas toujours attendu de pied ferme le déroulement des événements et n’avons-nous pas toujours su les accueillir avec le courageux fatalisme qui nous caractérise ? Il n’est pas temps, cela va de soi, de prêter maintenant une oreille qui a invariablement gagné à rester sourde, aux déclarations mensongères et fumeuses d’un Barak ou aux vœux pieux d’un Clinton. Encore moins d’y apporter des commentaires en faisant mine de les croire. Chaque chose viendra à son heure, et l’heure de parler (même pour ne rien dire) n’est certainement pas encore venue. À tout bon ambassadeur, salut ! Il est clair que tout ce branle-bas, toutes ces rumeurs, plus fausses que vraies, de pourparlers éventuels, doivent laisser impassible un pays sûr de ne pas se tromper, puisqu’il a choisi l’infaillible option de ne rien entendre et de ne rien dire. Mais impassibilité ne veut pas dire apathie, car le gouvernement veille. Viendra le moment où, oreilles ouvertes et langues déliées, nous déciderons enfin de nous prononcer. Seuls ceux qui sont dans le secret des dieux recevront, en temps opportun, l’inspiration céleste qui leur dictera le langage à tenir. Nous pouvons être assurés alors que nos intérêts bien compris seront férocement défendus, quels que soient les sacrifices à subir, dussions-nous rester seuls à continuer la guerre. On comprend volontiers que cette sage politique n’admette pas que l’on tente de révéler à l’avance ce que pourrait être notre position, elle-même encore inconnue de nous, au jour J. Nos ambassadeurs doivent en prendre acte et s’infliger – jusqu’à nouvel ordre – le difficile exercice de se taire. Pour agrémenter leur séjour à l’étranger, le ministère des Affaires étrangères peut leur distribuer par exemple quelques manuels de savoir-vivre, quelques formules préenregistrées qu’ils devront articuler en play-back selon les occasions, et, pour ceux qui aiment lire, l’excellent livre de Vercors : La Bataille du Silence, ou L’éloge du Silence par De Medt. À éviter : Culpabilité et Silence en droit comparé de Charlotte Girard et Alain Claisse ; à moins qu’on n’en retire le chapitre intitulé : «Qui ne dit mot consent».
Bien que la chute de l’or ait largement dévalorisé le silence, celui-ci reste un atout indispensable à nos intérêts stratégiques. C’est ce qu’il a fallu sévèrement rappeler à notre ambassadeur à Washington. Ce diplomate chevronné qui suit de près, en raison de ses missions antérieures et de sa position actuelle, l’évolution de la crise israélo-arabe, est pris à partie pour...